TRIBUNE. Cyclone Chido : Les propositions de Yannick Cambray et Alain André, membres du CESE, pour une reconstruction durable de Mayotte

TRIBUNE. Cyclone Chido : Les propositions de Yannick Cambray et Alain André, membres du CESE, pour une reconstruction durable de Mayotte

Dans une contribution de la délégation aux Outre-mer à l’avis du CESE sur L’habitat face aux défis sociaux, territoriaux et écologiques qui sera présenté en juin prochain, Yannick Cambray, conseiller représentant Saint-Pierre-et-Miquelon, et Alain André, conseiller du groupe Force Ouvrière, souhaitent apporter un point de vue sur la reconstruction de Mayotte.

Après le passage dévastateur du cyclone Chido, 30 000 logements sont à reconstruire sur l’île et le chantier devrait durer 5 à 10 ans. Se pose alors la question des priorités d’une reconstruction durable de l’habitat. On le sait, la reconstruction d’un territoire sinistré nécessite au moins un an pour que les autorités puissent réaliser les études techniques et la planifier. Il serait donc contre-productif d’opposer une réponse à l’urgence à la nécessité de mieux reconstruire en respectant les normes environnementales. Les deux doivent aller de pair et les pouvoirs publics devront garder ces deux nécessités en tête. Il est pour nous essentiel de produire des logements pour le long terme, adaptés au mode de vie, en quantité suffisante pour répondre à la demande et à un coût acceptable pour la population.

Cette reconstruction est l’occasion de lancer un grand plan de développement pour Mayotte et de renouveler en profondeur l’habitat. Elle doit être faite en concertation avec la population et la société civile, en y associant le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Césem). Elle doit aussi être l’occasion de développer des filières constructives locales et donc de favoriser l’emploi. Les coûts de construction sont de 30 % à 40 % plus chers à cause des surcoûts liés au fret et à l’application de normes européennes souvent inadaptées. Il est temps de repenser ce modèle et de s’appuyer davantage sur les ressources disponibles. La reconstruction devra se faire avec des matériaux locaux ou de la zone régionale. Elle devra aussi se tourner vers la conception bioclimatique, l’utilisation de matériaux durables ainsi que de savoir-faire traditionnels adaptés aux contraintes : les briques en terre compressée ou le bambou sont des matériaux abondants et respectueux de l’environnement ; la ventilation naturelle permet de mieux lutter contre la chaleur et l’humidité ; l’énergie renouvelable devient largement accessible grâce aux panneaux photovoltaïques ; le recours aux chauffe-eau solaires et aux brasseurs d’air génère des économies d’énergie.

La reconstruction devra aussi trouver un équilibre entre un aménagement du territoire repensé et la limitation de l'artificialisation des sols. La concentration des activités et des infrastructures sur un littoral soumis à terme aux risques de montée des eaux, ainsi que la circulation dans l’agglomération de Mamoudzou, devront être revus. Cet aménagement devra intégrer le logement aux réseaux de transport, d’électricité, d’eau et d’assainissement qui font souvent défaut. La sécurité des constructions doit aussi être garantie pour faire face aux risques climatiques à venir. Pour cela l’Etat devra apporter son soutien aux collectivités en mettant à disposition l’ingénierie nécessaire (AFD, CEREMA, IRD, BRGM…) et l’aide au financement.

Le besoin de financement pourrait dépasser les deux à trois milliards d'euros. Le dispositif européen RESTORE permet d’ores et déjà d’accélérer le redéploiement des fonds européens pour l’aide aux PME et la reconstruction. Il introduit aussi davantage de flexibilité dans l’utilisation des fonds de la politique de cohésion (FEDER et FSE +) et vient compléter le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE). Le montant des aides européennes pourrait aller jusqu’à 1,5 milliard d’euros. Nous proposons de mettre rapidement en place une cellule administrative chargée de mobiliser efficacement ces fonds européens dans le cadre de la reconstruction des infrastructures et du logement.

Nous souhaitons aussi attirer l’attention sur l’assurabilité des bâtiments. Les assurances couvraient déjà moins de 10 % de l'habitat avant le cyclone et il faut se rappeler l’expérience d’Irma aux Antilles qui a été un véritable avertissement quant au risque de retrait des assureurs et d’inflation des primes d’assurance. De plus, l’exigence de reconstruire à l’identique n’est pas toujours adaptée à la situation et doit être réinterrogée par rapport à l’augmentation des risques climatiques. Il est pour nous essentiel de disposer d’une assurance dommage d'ouvrage dans le cadre de la reconstruction qui n'est actuellement pas disponible à Mayotte. Nous demandons à l’Etat la mise en place d’une couverture assurantielle encadrée et adaptée aux besoins locaux, avec une prime analogue à garanties équivalentes entre les Outre-mer et l’Hexagone, au nom des principes d’égalité républicaine et de solidarité nationale.

Yannick Cambay, conseiller représentant Saint-Pierre-et-Miquelon.

Alain André, conseiller du groupe Force Ouvrière.