« On fournit les efforts nécessaires pour relancer l’activité » : Au salon IFTM Top Resa, Mayotte est venu rassurer les acteurs du tourisme

Madi Michel, directeur de l'Agence tourisme et attractivité de Mayotte ©Outremers360

« On fournit les efforts nécessaires pour relancer l’activité » : Au salon IFTM Top Resa, Mayotte est venu rassurer les acteurs du tourisme

Stoppé dans sa dynamique positive par le cyclone Chido, le secteur du tourisme à Mayotte se relève difficilement mais « fournit les efforts nécessaires sur place pour relancer l'activité » assure Michel Madi, directeur de l’AaDTM. Présente à l’IFTM Top Resa cette semaine, l’île veut rassurer ses relais parisiens, notamment les tours opérateurs, et entend redéfinir son offre et ses activités touristiques, en s’appuyant toujours sur son lagon, le 2ème plus grand au monde.

Avec 76 000 touristes accueillis en 2024, soit 90 millions d’euros de chiffre d’affaires, Mayotte était sur une dynamique positive entamée avec la départementalisation en 2011 et l’accès aux Fonds européens en 2014. « Mayotte est une jeune destination qui était en plein essor de son développement touristique » confirme Michel Madi, directeur de l’Agence tourisme et attractivité de Mayotte. « On espérait pour 2025, pouvoir observer une belle évolution en termes de développement ».

Mais le passage du cyclone Chido le 14 décembre a stoppé net les ambitions de rayonnement touristique du Département. « Plus de 80% de l'offre touristique a été gravement atteint en termes de destruction » et « les dégâts dans le tourisme s’élèvent à hauteur de 41 millions d'euros ». « 52% de la flotte pour les activités nautiques et plongées a été totalement détruit hors d'usage, alors que le produit d'appel pour Mayotte et le secteur touristique qui était le plus organisé, c'était justement les activités nautiques » ajoute Michel Madi.

Si pour l’heure la fréquentation en 2025, et notamment sur la haute saison, n’est pas précisément connue, Michel Madi a « quelques éléments de bilan ». « Nous menons une enquête de conjoncture sur juillet-août, et également sur décembre auprès des opérateurs touristiques. Nous avons constaté que 78% des interrogés estimaient que la fréquentation de juillet 2025 était très en dessous de la fréquentation de juillet 2024 ». Autre chiffre : L’aéroport enregistre en juillet 11% de départs en plus par rapport à 2024. En d’autres termes, « on n'a pas eu de clientèle extérieure et plus dur encore, les résidents qui étaient là sont partis vers des destinations pour pouvoir passer leurs vacances ».

30 mesures et 121 millions d’euros pour relancer le tourisme

Dès le lendemain du cyclone, l’Agence s’est rapidement mobilisée, avec les offices du tourisme, l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie, le Cluster tourisme, « pour mettre en place des mesures de relance du tourisme et de définition d'une nouvelle offre touristique ». En somme, 30 mesures pour, d’une part, « la relance pour pouvoir retrouver l'offre et l'activité qu'on avait avant Chido », et d’autre part, la « mise en place d’une nouvelle offre, aussi bien en termes d'hébergement que d'activités bleues vertes ». Le tout pour un investissement de 121 millions d’euros.

Malgré le volontariat des acteurs locaux, ces derniers se heurtent à des obstacles. « Nous avons fait le travail de présenter les éléments aux autorités locales et à l'État. Mais sur le terrain, on constate que les choses ne vont pas suffisamment vite comme on le souhaiterait nous, quand bien même il y a une mobilisation de la part des opérateurs touristiques sur place pour essayer, avec les moyens qu'ils ont, de pouvoir remettre en place leurs outils de travail » se désole le directeur de l’Agence qui prévoit trois ans « pour remédier à la situation ».

« Le temps de l'administration n'est pas le temps de l'entreprise » ajoute Michel Madi qui souligne « les opérateurs qui ont besoin d'avoir des moyens tout de suite, maintenant, pour relancer leurs activités, pour relancer leurs outils de travail et pour sauvegarder les emplois sur place ». À cela s’ajoute le « flou » de la situation politique nationale, et les inquiétudes liées au budget et aux lois Mayotte (urgence et refondation), votées dans les mois qui ont suivi le cyclone mais dont les investissements restent en partie suspendus à la loi de Finances.

Et pour rajouter de la complexité à la relance du secteur, Michel Madi alerte sur les « difficultés au niveau des assurances ». « À date, on constate qu'il y a un certain nombre d'opérateurs touristiques qui n'ont pas été encore indemnisés ou partiellement indemnisés par leurs assurances. C'est un sujet qu'on a remonté à Paris, où on espérait qu'il y ait des solutions assez rapides pour pouvoir avancer », déplore-t-il.

Développer le tourisme local et les offres d’hébergement

Michel Madi relativise : dans les 121 millions nécessaires à la relance touristique, une partie permet de développer le tourisme local. Un dossier « qui avance bien », assure-t-il, « avec l'appui de l'État et du département de Mayotte ». « Cela consiste à encourager le tourisme intérieur, à travers le projet Séjour Séniors, qui est de permettre aux personnes âgées de Mayotte de pouvoir effectuer des activités de pouvoir bénéficier de séjour sur l’île ». Un projet financé à hauteur de 300 000 euros par l’État et le Département. Autre projet qui avance, et toujours dans l’objectif de développer le tourisme local : « le déploiement des chèques vacances sur Mayotte, dont une part qui doit revenir aux entreprises, et qui seraient prises en charge par l'État et le Département ».

Relancer le tourisme à Mayotte, c’est aussi garantir l’offre d’hébergement. Sur les 1 500 lits disponibles avant Chido sur le Département, 60% ont pu être rouverts après le passage du cyclone. « Nous avons aujourd'hui sur la table une douzaine de projets d'hébergement connus qui, parfois, ont déjà obtenu les financements disponibles pour pouvoir passer en phase travaux », annonce Michel Madi. Dans les deux à trois, cette douzaine de projets pourra fournir 800 lits supplémentaires.

« Nous avons aussi identifié, et ça fait partie des 30 mesures, quatre sites touristiques potentiels qui peuvent accueillir des établissements hôteliers avec des positionnements différents : un établissement avec un positionnement pour accueillir la clientèle plongée ; un établissement avec un positionnement éco-lodge de luxe ; ou encore un établissement destiné aux familles. Avec ces quatre sites, si le travail est fait dans le cadre de la reconstruction de Mayotte pour trouver des investisseurs, on va pouvoir nous apporter 700 chambres supplémentaires dans les années à venir » explique encore le directeur de l’Agence du tourisme.

Passé le 14 décembre dernier sur Mayotte, le cyclone Chido a durement frappé le département de l'océan Indien ©Mayotte Hebdo

Le secteur compte beaucoup également sur la construction d’un nouvel aéroport, avec une piste longue, actée par la loi de refondation, et dont le coût est estimé à 1,2 milliard d’euros. « Nous attendons avec beaucoup d'impatience que cet outil puisse être opérationnel dans les années à venir. Il va permettre de pouvoir accueillir tout type d'appareil, gros porteur ou pas, et va améliorer la desserte aérienne de Mayotte avec des lignes vers d'autres capitales, grandes capitales européennes, pas que Paris ». Autres projets attendus : le second hôpital pour rassurer les voyageurs, les infrastructures routières ou encore la transformation du port actuel en grand port d’État.

Car s’il y a un autre secteur touristique sur lequel Mayotte veut surfer, c’est la croisière. Il y a six ans, l’Agence de tourisme et d'attractivité a mis en place un office dédiée, le Club Croisière -qui réunit tous les acteurs concernés-, et a investi dans un ponton dédié. « Nous étions avant Chido sur une belle progression. Mais là, encore une fois, force est de constater que Chido est venu mettre un coup d'arrêt à ce segment de clientèle », en détruisant notamment le ponton construit pour accueillir les passagers.

 « L'objectif et les efforts qu'on déploie actuellement, c'est de pouvoir remettre en place un nouveau ponton opérationnel qui nous permettrait d'être dans une dynamique parce que les croisières, ce n'est pas uniquement Mayotte, c'est une dynamique au niveau de l'océan Indien qui est portée par l'organisation des Îles Vanille, qui démarche les compagnies internationales pour qu'elles viennent dans l'océan Indien » assure Michel Madi.

Jouer la complémentarité dans un environnement concurrentiel

D’ailleurs, dans un environnement régional très concurrentiel -entre les Seychelles, l’île Maurice, Madagascar, La Réunion voire la Tanzanie-, Mayotte ne veut pas jouer des coudes mais davantage proposer une offre complémentaire et s’inscrire dans des trajets touristiques régionaux. « On a le deuxième plus grand lagon du monde, avec une spécificité rare dans le monde : une double barrière de corail. Ce lagon, dans l'océan Indien et dans le canal de Mozambique, aucun autre territoire ne l'a », explique-t-il.

« L'idée est d'aller plus loin dans la nouvelle offre qu'on va mettre en place » poursuit le directeur de l’Agence. « Au-delà des activités de plongée, de découvertes nautiques qu'on appelle chez nous « Safari baleines-dauphins », c'est de pouvoir mettre en place également de nouvelles activités innovantes, en lien avec le tourisme durable qui viendraient apporter une vraie valeur ajoutée au tourisme bleu à Mayotte, et ainsi accentuer cet avantage concurrentiel par rapport aux autres destinations ».

En même temps, Mayotte entend « jouer un rôle de complémentarité qui permette d'avoir des offres combinées entre La Réunion, par exemple, qui est beaucoup portée sur le tourisme vert, la randonnée sportive, et Mayotte par rapport à tout ce qui est découverte du lagon ». Autre exemple pour illustrer ce tourisme régional : « la Tanzanie propose des safaris animaliers, nous voudrions combiner ça avec des safari baleines-dauphins à Mayotte ».

Prochaine étape : le Salon de la Plongée en janvier 2026

Dans toute cette stratégie de relance, l’Agence s’appuie sur l’expertise et l’ingénierie d’Atout France pour « mettre en place une véritable offre tourisme bleue, qui s'appuierait sur la jeunesse locale, pour en faire des acteurs, des opérateurs touristiques en les formant, en les accompagnant également à s'installer avec leur propre entreprise ».

Malgré les difficultés liées à Chido, la destination veut donc rester proactive, se relancer et surtout, reprendre le fil de la dynamique positive observée ces dernières années. L’objectif de sa présence à l’IFTM Top Resa était de « rassurer » ses partenaires : tours opérateurs, presse spécialisée, institutionnels. « On est venu leur dire qu'on fournit les efforts nécessaires sur place pour relancer l'activité, qu'on ne baisse pas les bras, et qu'on a besoin de soutien, aussi bien d'un soutien financier au niveau de l'État, qu'au niveau de la presse également, pour que les messages de Mayotte puissent passer », insiste Michel Madi.

Et l’Agence tourisme et attractivité n’en reste pas là. En janvier, Mayotte travaille pour avoir une place particulière sur le Salon international de la Plongée à Paris, et continuer à « mettre l'accent sur le lagon comme produit d'appel ».