Une scierie mobile coopérative a été inaugurée aujourd’hui à Coconi. Une cinquantaine de personnes se sont déplacées pour découvrir ce nouvel outil, pensé pour répondre à un double enjeu à Mayotte : la valorisation des bois tombés lors du cyclone Chido et les besoins urgents en matériaux pour la reconstruction. Détails avec notre partenaire Mayotte Hebdo.
Le projet est porté par l’association Lieux Infinis, gérée par l’agence Encore Heureux Architectes, implantée à Mayotte depuis 2018. "Après Chido, il y a eu une vraie volonté de participer à des chantiers de reconstruction", explique Kenza Useldinger, coordinatrice de Lieux Infinis. Avec l’architecte charpentier Hugo Darbet, l’association a alors imaginé un dispositif capable de répondre à la fois à l’abondance de bois au sol et au fort besoin de charpente sur le territoire.
Le choix s’est porté sur une scierie mobile, portable, simple d’entretien et adaptée aux contraintes locales. Le projet a commencé à prendre forme dès janvier-février et a pu se concrétiser grâce à un soutien déterminant de la Fondation de France, à hauteur de 150 000 euros. Ce financement a permis l’achat du matériel – scierie, tronçonneuses, équipements de bardage – ainsi que son acheminement jusqu’à Mayotte et le lancement de la phase opérationnelle.
Dès le départ, la démarche s’est voulue collective. L’équipe s’est entourée de nombreux partenaires : spécialistes des essences locales, acteurs de l’économie sociale et solidaire, agriculteurs, artisans, mais aussi des institutions comme l’ONF ou la DAF. Un partenariat est en cours de discussion avec la Régie de territoire de Tsingoni, déjà impliquée dans des chantiers d’insertion et des actions de développement local.
Pour assurer le sciage, Thibaut Fung a été recruté comme maître scieur. Architecte charpentier, spécialiste du bois et du bambou, il apporte aussi une forte dimension pédagogique au projet. Lors de l’inauguration, le public a pu observer les premières planches issues de bois locaux, comme le manguier, le cocotier ou le jacquier. Tous proviennent exclusivement d’arbres tombés pendant le cyclone ou coupés dans le cadre d’opérations d’aménagement.
Pour l’instant, la scierie est installée à Coconi, sur le site de la scierie endommagée par Chido. " On n’a pas vocation à remplacer la scierie fixe. On est complémentaires et nous restons une association. On ne peut pas produire de gros volumes. Ils ont beaucoup de bois collectés après Chido, qui sont sur site, mais qu’ils n’ont pas pu transformer, donc on le fait pour eux ", explique Kenza Useldinger. L’outil est conçu pour être déplacé facilement. Il pourra intervenir ponctuellement chez des agriculteurs ou au sein de coopératives, comme cela a déjà été envisagé dans le nord de l’île.
Le fonctionnement économique est encore en phase d’expérimentation. Selon les situations, la prestation pourra être payante si l’agriculteur souhaite conserver tout son bois, ou gratuite s’il accepte qu’une partie du bois soit récupérée pour être transformée et vendue, avec un retour financier.
Au-delà de la production, la transmission est un axe fort du projet. Un partenariat est en cours avec le RSMA afin de former les jeunes aux métiers du bois. L’objectif est également de créer un échange avec les chantiers d’insertion de la Régie de territoire.
À l’issue de cette journée d’inauguration, entre démonstrations, échanges et présentation des premières planches, l’enthousiasme était palpable. "Il y a encore énormément de choses à construire, mais on sent un vrai engouement. Beaucoup de gens ont du bois à valoriser et beaucoup de gens ont besoin de bois. On est au tout début, mais très motivés ", conclut Kenza Useldinger.
Par Mayotte Hebdo























