Mayotte : Le CHM sous pression pendant au moins 3 semaines

Mayotte : Le CHM sous pression pendant au moins 3 semaines

Cela fait plus d’une semaine que le confinement a pris place sur le territoire. Dans les faits, nombreux sont ceux à continuer de se déplacer, la liste des activités essentielles étant visiblement très large. Quoi qu’il en soit, l’ARS constate une légère stabilisation du nombre de cas même si cela reste à confirmer. Le taux d’incidence a légèrement baissé et est aujourd’hui de 818 pour 100 000 habitants. 

En revanche, les tensions hospitalières se poursuivent avec 152 personnes hospitalisées au CHM dont 25 en réanimation et 57 en soins aux urgences. 6 décès ont été enregistrés en 48h et l’ARS craint que l’hôpital soit encore soumis à l’afflux de malades lors des prochaines semaines. Explications de notre partenaire France Mayotte Matin. 

Pour la première fois depuis plusieurs semaines, les autorités constatent une stabilisation du nombre de nouveaux cas de Covid-19, du taux d’incidence, du nombre de tests et du taux de positivité. Aurions-nous atteint une forme de plateau ? Rien n’est moins sûr. En effet, il convient de voir sur la durée si ces indicateurs continuent d’être stables, voire de baisser, ou si à l’inverse ils repartent à la hausse.

Vendredi, lors d’une conférence de presse par téléphone, Dominique Voynet a expliqué que partout en France, la crise a démontré qu’il existait un décalage de près de trois semaines entre l’augmentation des cas et l’augmentation des hospitalisations qu’elle induit quasi systématiquement. À Mayotte, les modèles mathématiques utilisés convergent et laissent espérer une stabilisation du nombre de cas et des hospitalisations à la fin du mois de février à Mayotte. Cependant, au regard de la saturation actuelle du CHM, la pression va se maintenir durant « au moins les 3 ou 4 prochaines semaines si ce n’est davantage », toujours selon la directrice de l’ARS. Face à cette situation de saturation, l’Agence Régionale de Santé a travaillé sur plusieurs orientations à commencer par l’augmentation des capacités de prises en charge de l’hôpital.

Dominique Voynet, affirme qu’un « travail énorme a été fait pour réorganiser et augmenter le nombre de lits avec l’aide de la réserve sanitaire et du service de santé des armées ». Cela permet d’avoir aujourd’hui 32 lits de réanimation, soit deux fois plus qu’à l’accoutumée et beaucoup plus que lors de la première vague. En parallèle, grâce aux effectifs de la réserve sanitaire, un service d’urgence dédié aux enfants va ouvrir et permettre de dégager de la place au service des urgences. Autre piste en passe de se concrétiser : l’ouverture, en accord avec le centre de crise national, du service de soins de suite et de réadaptation de Petite-Terre. Le premier étage de cette nouvelle structure peut d’ores et déjà accueillir deux services de 20 lits. Le rez-de-chaussée pourra être utilisé en complément même « s’il est un peu moins prêt ». Après des années de travaux, l’hôpital de Petite-Terre devait en effet ouvrir début mars, puis fin mars, il sera finalement ouvert dans une semaine maximum. Cela va permettre de libérer des places pour les malades du Covid à l’hôpital.

Evasans : « Ils ont pris conscience de la gravité de la situation » 

La troisième piste mène vers les evasans à La Réunion. Dominique Voynet a longuement insisté sur l’engagement de l’ARS Réunion, du CHU et de l’ensemble des établissements hospitaliers publics et privés du département voisin. « Ils ont pris conscience de la gravité de la situation et se sont mis en situation non seulement d’augmenter leurs capacités pour accueillir les patients de Mayotte, mais aussi de modifier profondément leur propre activité. Comme à Mayotte, ils procèdent à la déprogrammation des activités qui ne sont pas urgentes et qui ne sont pas justifiées par un risque vital ou fonctionnel. C’est un effort des médecins réunionnais, dans un département où on aime bien critiquer. La Réunion, doit vraiment être saluée avec reconnaissance et admiration ».

Actuellement, deux vols quotidiens vers La Réunion sont programmés avec trois équipes de pilotes qui permettent d’évacuer des malades 7 jours sur 7. Du côté de l’hélicoptère, une seconde équipe a également été recrutée pour assurer les transferts dès que nécessaire. Du 4 au 13 février, plus de 20 patients en réanimation ont ainsi été évasanés vers La Réunion, sans compter ceux en médecine qui sont encore plus nombreux.

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L’ARS a également obtenu les accords pour armer non plus 5 mais 10 lits du service de santé des armées. Des renforts devraient encore affluer avec notamment 15 militaires supplémentaires. Si cela devenait nécessaire, des évacuations sanitaires vers l’Hexagone sont aussi à l’étude. Enfin, jeudi 52 patients dont 8 atteints du Covid étaient pris en charge grâce aux hospitalisations à domicile (HAD). « Nous sommes passés de 0 à 45, puis 58 HAD, et nous allons monter jusqu’à 70 », a précisé l’ancienne ministre.

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Au sujet de l’arrivée de l’Élément de Sécurité Civile Rapide d’intervention Médicale (ESCRIM), si cette hypothèse a été annoncée par le ministre des Outre-mer et le ministre de la santé, ce n’est pour l’heure pas la priorité. L’ESCRIM est en effet une unité de médecine de catastrophe qui intervient à la suite d’un séisme, du passage d’un cyclone, d’une explosion… Une mission d’évaluation est à Mayotte mais cette solution ne semble pas la plus appropriée aux besoins de l’île et priverait un autre territoire des services de ces médecins d’urgence en cas de catastrophe. Quoi qu’il en soit, pour l’heure, Domi- nique Voynet l’affirme avec force : il n’y a aucun tri de patients au CHM, tout le monde est pris en charge.

Vaccination : une task force mise en place 

Concernant la vaccination, une task force a vu le jour au sein de l’ARS. Elle organise à la fois l’acheminement des doses et la vaccination des mahorais avec la création de centres de vaccinations permanents et mobiles. Aujourd’hui, la campagne se focalise sur les personnes de plus de 65 ans. Lorsque le dispositif montera en puissance, l’âge sera baissé à 60 ans. Toutes les personnes de plus de 50 ans porteuses de comorbidités peuvent également se faire vacciner. L’ARS souhaite plus largement vacciner tous ceux qui sont en contact avec des personnes vulnérables et tous les professionnels stratégiques pour le fonctionnement de Mayotte (professionnels de santé, personnels du port et de l’aéroport, de l’eau, de l’électricité…).

Sur certaines communes, en fonction d’éventuels problèmes particuliers, la cible pourra être élargie. Autre sujet, celui du fret. La réduction du nombre de passagers commerciaux à un impact très important sur le fret. 50 tonnes ont été garanties chaque semaine dont la moitié correspond à du fret sanitaire. Les commandes seront augmenter en conséquences si le régime des vols devait encore se réduire. L’oxygène sous toutes ses formes constitue notamment un enjeu de premier ordre. « Nous ne sommes pas à l’abri de tensions » s’inquiète Dominique Voynet.

Le variant sud-africain en passe de devenir la souche majoritaire 

En effet, cette seconde vague touche des personnes plus jeunes et plus oxygéno-requérants, même dans les services de médecine. Ces modifications sont sans aucun doute liées à la circulation active du variant sud-africain. L’ARS et ses partenaires considèrent que cette souche représente 40% du nombre de positifs à Mayotte. Néanmoins, pour l’heure les envois d’échantillons vers l’institut pasteur ont été interrompus.

Dominique Voynet s’en explique : « Cela ne présente pas d’intérêt d’envoyer tous nos prélèvements dans l’Hexagone pour qu’on nous dise ce que l’on sait déjà. Par contre, nous allons envoyer tous nos prélèvements un jour tous les 15 jours afin notamment de détecter la présence éventuelle d’autres variants ou de recombinaisons entre les variants à l’origine de nouvelle souche. Tous les prélèvements de patients en réanimation seront envoyés. Idem pour les cas graves sur les gens jeunes, les cas issus de clusters qu’on n’arrive pas à stabiliser, les personnes recontaminées ou les cas dans des populations atypiques comme chez les enfants par exemple ». L’objectif est notamment d’alimenter les recherches scientifiques.

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En effet, on ne sait toujours pas si le variant sud-africain est plus grave. Seule certitude, il est plus contagieux mais rien n’est à exclure alors que pendant longtemps, ce variant n’était pas considéré comme plus dangereux. Si l’Institut Pasteur est aujourd’hui saturé, à l’horizon de mi-mars, un pré-criblage sera possible à Mayotte grâce à un kit spécial de PCR qui devrait permettre de déceler localement quelle souche de variant est à l’origine de la contamination. Pour conclure son point hebdomadaire, Dominique Voynet s’est exprimé sur les chances de voir la situation s’améliorer grâce au confinement.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la directrice de l’ARS n’est guère optimiste : « Pour moi il n’y a pas de confinement aujourd’hui. À part la fermeture des écoles, je ne constate pas de confinement. Je vois qu’il y a des embouteillages à Mamoudzou, les barges sont saturées. Je vois bien que malgré les efforts de la préfecture et des mairies, c’est trop relâché en journée. J’ai bien lu le plaidoyer des acteurs économiques. J’ai compris qu’ils n’avaient pas du tout envie d’arrêter leurs activités mais leurs activités génèrent énormément de flux, et elles génèrent une ambiance qui n’est pas une ambiance de responsabilité face au covid. Est-ce qu’il faut attendre des morts pour qu’on fasse attention ? ». Avec 6 décès en 48 heures, la question mérite plus que jamais d’être posée.

Pierre Bellusci pour France Mayotte Matin