Révélatrices des manques en matière de prises en charge médicale à Mayotte, les évacuations sanitaires sont parfois décriées. Pourtant, elles jouent un rôle fondamental et permettent de sauver des vies. Souvent méconnu, le dispositif fait aujourd’hui l’objet d’une communication de l’ARS. Détails et explications avec notre partenaire France Mayotte Matin.
L’évacuation sanitaire, communément appelée Evasan, a été mise en place par un décret du 3 septembre 2004 portant application de l’Assurance Maladie à Mayotte. Elle est offerte à l’assuré social dont le diagnostic, le traitement ou le suivi thérapeutique ne sont pas réalisables à Mayotte. Il existe au CHM un service qui organise la prise en charge médicale hors de l’île. Le personnel de ce service s’occupe de la prise en charge administrative et logistique en collaboration avec le service des prestations maladie de la CSSM.
En cas d’urgence, l’évacuation sanitaire est immédiate, sans attendre l’avis de la commission médicale qui validera par la suite. Hors cas d’urgence, tous les médecins libéraux et praticiens hospitaliers peuvent formuler une demande d’évacuation sanitaire. Les demandes sont traitées par la Commission Médicale des Évacuations sanitaires (CMES) où siègent plusieurs médecins de l’hôpital, le médecin conseil de la CSSM et de l’ARS.
Une décision médicale partagée
La CMES se réunit une fois par semaine. Elle atteste de la nécessité médicale du transfert et donc de sa prise en charge financière à 100% par la CSSM. La commission peut donner un avis favorable, ce qui est majoritairement le cas. Néanmoins, ses membres peuvent aussi valider un accord partiel dans le cas où la personne souhaite une prise en charge dans l'Hexagone alors que les soins sont réalisables à la Réunion.
Enfin, un avis défavorable est donné dans de rares cas. Les refus doivent d’ailleurs être motivés. Ils sont généralement liés au fait que les soins prescrits sont réalisables à Mayotte dans des délais raisonnables. Le refus peut aussi intervenir dans des situations de non-respect de la procédure d’accord préalable ou s’il est possible de recourir préalablement à un avis spécialisé qui est accessible à Mayotte.
En cas de refus, le patient peut demander dans un délai de deux mois, à la direction générale de la CSSM de réexaminer la gestion administrative de son dossier. En cas de maintien du rejet, il peut déposer un recours auprès de la commission de recours amiable.
Quelle prise en charge en cas d’Evasan ?
C’est la CSSM qui prend en charge les frais liés à l’Evasan. En cas de décès, cela va jusqu’au rapatriement du corps. S’agissant du transport, dans 90% des cas, la prise en charge est réalisée via l’avion sanitaire du CHM, donc gratuite pour les patients.
Pour les evasans réalisées via des vols commerciaux, c’est la CSSM qui prend en charge les frais de transport pour les assurés sociaux. Les mineurs peuvent être accompagnés d’un parent dont le transport est pris en charge en intégralité. Les majeurs, même très malades, ne sont pas accompagnés, sauf décision médicale de la CMES. Si un membre de la famille souhaite être là, son billet sera à sa charge. Les assurés sociaux dits « autonomes » doivent eux avancer tous les frais et se font rembourser ensuite par la CSSM.
Quant aux non-affiliés sociaux, ils bénéficient également d’un transfert sanitaire gratuit pour raisons de santé. À leur arrivée à La Réunion, les soins médicaux sont pris en charge par l’aide médicale d’État. Un dispositif dont Mayotte reste toujours privée.
Le recours à l’Evasan en quelques chiffres
En 2019, sur 1 551 demandes d’EVASAN, il y a eu 1 250 avis favorables, 64 accords partiels, 148 reports, 69 refus et 20 patients qui n’ont pas été évacués, pour des raisons inconnues ou personnelles. En 2020, ce sont 1 141 patients qui ont cette fois été évacués au départ de Mayotte dont 321 transports en civière. Seuls 61% des patients étaient affiliés à la CSSM. Dans 29% des cas, il s’agissait de mineurs. 1 058 transferts ont été réalisés vers La Réunion contre 78 transferts vers l’Hexagone.
En effet, pour certains soins très spécialisés, comme par exemple pour la chirurgie cardiaque infantile, les patients sont directement évacués vers l’Hexagone pour y être traités. À noter que 5 transferts vers les Comores ont également été effectués l’année passée.
Pierre Bellusci pour France Mayotte Matin.