Mayotte : La fin des restrictions de voyage réclamée par les professionnels du tourisme

© DR

Mayotte : La fin des restrictions de voyage réclamée par les professionnels du tourisme

Si le confinement a été levé et que les bars, restaurants et autres hôtels peuvent de nouveau accueillir des clients en respectant un protocole sanitaire strict, l’avenir est encore loin d’être tout rose. À deux semaines du mois sacré de ramadan, les restaurateurs craignent l’habituelle baisse de chiffre d’affaires liée à cette période de l’année. Quant aux hôtels, sans la fin des restrictions de voyage, ils semblent condamnés à fermer leurs portes faute de clients. Explications avec notre partenaire France Mayotte Matin. 

Après 7 semaines d’inactivité ou d’activité se résumant à la vente à emporter, les restaurants ont pu rouvrir samedi dernier. Problème, les 48h séparant l’annonce, de la réouverture effective, n’ont pas été suffisantes pour un grand nombre de professionnels. « Relancer un restaurant, ce n’est pas relancer une boutique standard. On gère de la nourriture. Nous avons eu un gros travail de nettoyage, de préparation, il a fallu prévenir les clients, se réapprovisionner.

Beaucoup de restaurateurs n’ont rouvert que lundi », confie Charles-Henri Mandallaz, le président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH). Il a par ailleurs fallu répondre aux exigences du protocole sanitaire entre table de 6 personnes maximum, distanciation physique, jauge dans les salles fermées et autre couvre feu à 22h30. Sans surprise, la clientèle a cependant été au rendez-vous, les restaurants faisant aujourd’hui office de bouée d’oxygène pour la population.

Le ramadan rime chaque année avec baisse d’activité

Si comme toujours à Mayotte après une crise, l’activité est repartie franchement, plusieurs sources d’inquiétudes demeurent. C’est le cas des difficultés d’approvisionnement qui risquent de surgir dans quelques semaines en raison du blocage pendant plusieurs jours du canal de Suez par un porte-conteneurs. Les restaurateurs ont eu la confirmation hier que des pénuries de certains produits sont à craindre. Par ailleurs, nous sommes à deux semaines du début du mois sacré de ramadan.

Pour Charles-Henri Mandallaz « la période de relance risque d’être trop courte. Les restaurateurs n’auront pas le temps de reconstituer un minimum de trésorerie, qu’ils retomberont dans une mauvaise période pour la restauration, notamment le midi. On estime jusqu’à 35% de pertes potentielles sur ce mois-là. La réouverture était un impératif mais la profession est loin d’être sortie d’affaire. » En effet, avant la fin du mois sacré prévue à la mi-mai, les professionnels vont devoir continuer à se serrer la ceinture. « Il faudra que l’État continue de nous accompagner. » assène le président de l’UMIH qui a notamment demandé au préfet un assouplissement des conditions de voyage.

La fin des restrictions de voyage comme préalable à une réelle reprise

Le retour des touristes pourrait en effet permettre de pallier le potentiel manque de clientèle durant la période de ramadan. Pour les hôtels, ce préalable à la reprise fait d’ailleurs office d’urgence vitale. Selon Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hôtel, l’établissement « n’a aucune réservation de personnes extérieures à l’île. Zéro demande de clientèle extérieure, aucun appel, rien. C’est une aberration d’avoir fait ouvrir les hôtels sans rouvrir l’aérien. C’est comme si le préfet me donnait une Ferrari mais sans me donner les clés. Tant que l’aérien ne sera pas totalement ouvert, je dis bien totalement, sans restriction, nous serons en grand danger. Ces restrictions sifflent la fin de l’hôtellerie à Mayotte, des investisseurs et des investissements ». L’Hotel géré par Bruno Garcia est aujourd’hui rempli à 30% grâce à la présence des membres de la réserve sanitaire.

Leur départ, prévu d’ici deux semaines à un mois, risque d'entraîner la fermeture pure et simple de l’établissement. « Si mi-juin nous venions à ne pas pouvoir réouvrir, on entamera une mise en redressement puis une liquidation de la société qui compte 34 employés... », lance le gérant qui envisage désormais de mettre la clé sous la porte.

Le tourisme local ne peut pas tout

En effet, 95 % de la clientèle du Caribou est une clientèle d'affaires. Si beaucoup mettent en avant les vertus du tourisme local pour les opérateurs touristiques de l’île, du côté de l’hôtellerie, les choses sont plus complexes. En 2018 et 2019, la clientèle locale ne représentait que 3 à 4% des clients du Caribou. 

Quant à la clientèle affinitaire, elle loge bien souvent chez les proches qu’elle vient visiter, ou préfère des solutions telles que Airbnb qui permet de louer pour quelques jours ou quelques semaines, une maison, un appartement ou une villa pouvant accueillir sous le même toit visiteurs comme locaux. « La clientèle locale ne fera pas vivre tous les hôtels, reprend Bruno Garcia. Nous ne sommes pas à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe, Mayotte c’est une toute petite île. À La Réunion, en 2h de route tu changes d’univers, les réunionnais sont habitués à loger dans les hôtels. À Mayotte, le soir en 20 minutes tu es chez toi. »

Si l’on y ajoute la période du ramadan qui en temps normal rime avec 50% de chiffre d'affaires en moins, cet établissement comme beaucoup d'autres court à sa perte. « Je suis certain qu’après le ramadan, on va nous demander de fermer à nouveau, comme l’année dernière, à cause d’une troisième vague » conclut Bruno Garcia pour qui l’avenir s’assombrit de jour en jour, et la colère grandit en direction de la représentation de l’État.

Pierre Bellusci