L'archipel des Comores, proche voisin de Mayotte, a commencé à voter dimanche et son président sortant, Azali Assoumani, qui brigue un troisième mandat, part confiant face à une opposition divisée et dont une partie appelle au boycott.
L'équipe de campagne du chef de l'État, qui tient le pays d'une main de fer, a relayé le slogan « un coup KO », appelant les électeurs à le confirmer dès ce premier tour. Ils espèrent un remake de 2019, quand Azali Assoumani l'avait emporté d'emblée avec 60% des voix.
Dans la capitale Moroni, sous une pluie tenace, plusieurs bureaux de vote attendaient leurs assesseurs et affichaient encore les listes électorales après 07h, heure d'ouverture prévue. Gendarmes et policiers étaient déployés, dans l'attente des premiers inscrits. « Le vote n'a pas commencé parce que nous attendons le matériel pour la mise en place de l'isoloir », a expliqué à l'AFP un responsable d'un bureau du centre, près de la médina, dimanche matin. Ailleurs, au compte-gouttes, de premiers électeurs ont commencé à déposer leurs bulletins, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Les bureaux de vote devraient rester ouverts jusqu'à 18h. Quelque 340 000 électeurs, sur 870 000 habitants, doivent choisir entre six candidats. L'armée se tient prête à intervenir en cas de troubles. Mais la contestation est rare dans ce pays musulman, où 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale. Le quotidien est marqué par des coupures d'eau, d'électricité, ainsi qu'une hausse dramatique des prix de l'alimentation, le bilan du président sortant est souvent critiqué. Pendant la campagne, l'équipe présidentielle a été rudement chassée de plusieurs localités.
« Azali, architecte des Comores de demain », assurent de nombreuses affiches visibles dans l’archipel, qui doit aussi élire dimanche les gouverneurs des îles de la Grande-Comore, Anjouan et Mohéli, qui le composent. Pour convaincre, le candidat sortant a vanté dans ses discours de campagne la construction de routes et d'hôpitaux.
« Protéger » le vote
« Nous avons du mal à nous nourrir. Avec dix euros, nous ne parvenons pas à faire nos courses quotidiennes. Je suis payée 130 euros par mois et je ne m'en sors pas. J'aimerais que le prix des produits alimentaires baisse », confie à l'AFP Antufia Ali, femme de ménage et mère de trois enfants.
« Nous prions Dieu pour que le prochain président soit celui qui développera le pays », dit Soroda, septuagénaire, vendeur de pain à Moroni. « Le président élu devra, ensuite, s'occuper des jeunes, beaucoup sont au chômage. Qu'il fasse venir des entreprises étrangères pour qu'elles recrutent nos jeunes », confiait Fatima Mbae, 36 ans, vendeuse au grand marché Volo-Volo de Moroni, à quelques jours du vote.
L'opposition dit craindre « un hold-up électoral ». Cette semaine, elle a dénoncé le fait que les listes électorales n'aient toujours pas été rendues publiques. Selon eux, beaucoup d'électeurs ne savent pas dans quel bureau ils doivent voter. Les cinq candidats de l'opposition « travaillent ensemble pour déjouer la fraude électorale du parti au pouvoir avec la complicité du président de la commission électorale », la CENI, a déclaré à l'AFP Mohamed Daoudou, candidat et ex-ministre de l'Intérieur d'Azali Assoumani, arrivé une première fois au pouvoir en 1999, après un coup d’État.
« Nous contestons la nomination irrégulière des membres des bureaux qui sont tous du pouvoir et dont la plupart n'ont pas le niveau requis », avait aussi fustigé auprès de l'AFP Latuf Abdou, du parti Juwa. « Nos assesseurs sont empêchés d'accéder aux bureaux de vote à Anjouan », traditionnel fief de l'opposition, a aussi dénoncé dans la matinée, Djaffar El Mansoib, du parti d'opposition Juwa. Certaines organisations de la société civile ont indiqué qu'elles seront présentes dans les bureaux de vote pour « protéger » les votes des citoyens.
L'Observatoire des élections, une association comorienne qui observe chaque élection depuis une vingtaine d'années, déplore n'avoir « pas reçu les accréditations nécessaires » pour pouvoir le faire lors de ce scrutin. Il regrette, dans un communiqué, « la détérioration de la gouvernance électorale du pays ».
A Ntsoudjini, fief d'un candidat de l'opposition à une dizaine de kilomètres au nord de Moroni, les électeurs ne pouvaient toujours pas déposer leur bulletin en milieu de matinée. « Le vote n'a toujours pas commencé au motif qu'il n'y avait pas de voiture pour acheminer le matériel électoral. En fait, ils bloquent le vote parce que le gouvernement sait que c'est une localité farouchement opposée à Azali », accuse le candidat, Mouigni Baraka Saïd Soilihi, joint par l'AFP.
Si un second tour est nécessaire, il se tiendra le 25 février. Selon la CENI, la proclamation provisoire des résultats devrait intervenir entre le 15 et le 19 janvier. Depuis son retour au pouvoir en 2016, l'ancien colonel et putschiste Azali Assoumani, actuellement président en exercice de l'Union africaine, a jeté nombre de ses opposants en prison et poussé d'autres à l'exil. S'il était réélu, Azali Assoumani resterait au pouvoir jusqu'en 2029. En 2018, il avait fait passer une réforme constitutionnelle permettant une plus grande centralisation des pouvoirs par l'exécutif.
Avec AFP