Le Département de La Réunion a présenté, ce 21 septembre, son « nouveau pacte de développement » baptisé « Trajectoire Réunionnaise 2030 ». Dans ses « grandes lignes » : la priorisation de l’accès à l’emploi, l’économie verte et bleue, la coopération régionale ou encore, la décentralisation. Le communiqué du Département ci-dessous.
« Avec la départementalisation, La Réunion a connu des progrès importants dans bien des domaines. Mais 76 ans après, cette force - durement éprouvée, notamment après les 2 crises majeures sanitaire et sociale - a atteint aujourd’hui ses limites. Après diagnostic des handicaps structurels à surmonter, dans la continuité de l’appel de Fort de France, et suite à mes rencontres avec le Président de la République, la Première ministre et le Ministre délégué à l’Outre-Mer, le Département a engagé une démarche inclusive. En concertation avec les acteurs associatifs, économiques, sociaux et politiques du territoire, notre Collectivité se positionne en force de proposition à travers l’élaboration d’un nouveau pacte de développement indianocéanique ». C’est en ces termes que le Président Cyrille Melchior a défini la Trajectoire réunionnaise 2030, synthétisée dans un document de 42 pages.
Ce 21 septembre au Palais de la Source, les vice-présidents du Département ont, à tour de rôle, présenté les grandes lignes de la Trajectoire Réunionnaise 2030, s’articulant autour de 4 axes principaux :
- Prioriser l’accès à l’emploi comme levier d’amélioration du niveau de vie grâce à une loi-programme
- Bâtir une stratégie régionale d’économie verte et bleue, et développer la coopération indianocéanique
- Promouvoir l’excellence et la résilience réunionnaises
- Renforcer la décentralisation des décisions administratives.
Avec la départementalisation, 76 ans de progrès
Tout d’abord, le premier axe a permis de passer en revue les progrès majeurs enregistrés par le territoire depuis la loi de départementalisation, dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures, de la résorption de l’habitat insalubre, de l’égalité sociale, du développement économique, de la promotion de la culture et du sport, de l’ouverture sur l’Europe et l’océan Indien, ou encore de la prise en compte de la dimension environnementale et écologique…
Des handicaps structurels à surmonter
Les handicaps structurels qui fragilisent le modèle réunionnais ont été rappelé : l’insularité ; l’étroitesse des marchés ; l’éloignement avec l’Europe et la Métropole ; la raréfaction du foncier ; le taux de chômage de 18%, un des plus élevés d’Europe ; la fragilité des secteurs d’activités traditionnels comme le BTP et l’agriculture ; la croissance des besoins au niveau des services à la personne ; la stagnation du tourisme… Les difficultés rencontrées dans le social n’ont pas été oubliées avec le niveau élevé du nombre d’illettrés (100 000 personnes) ; le mal-logement qui concerne 3 Réunionnais sur 10 ; l’augmentation des prix à la consommation (+7% en mai 2022) ou encore la faiblesse des revenus.
Une trajectoire, d’abord économique
« Pour surmonter ces handicaps structurels, notre trajectoire doit être d’abord économique, grâce à une loi-programme sur 15 ans en faveur du développement et des filières porteuses d’emplois. Le BTP pourrait être l’un des bénéficiaires de cette loi-programme, en redynamisant la politique du logement. Par ailleurs, notre agriculture doit être soutenue en élaborant un nouveau modèle pour la canne et en sauvegardant nos outils industriels et de recherche. Concernant les filières des services à la personne, notamment la "silver économie" pour les personnes âgées, l’État doit accompagner son développement et sa structuration en y consacrant une partie des recettes de la « Française des jeux ». Dans le domaine de l’insertion, le recours aux contrats PEC (Parcours Emploi Compétences) doit pouvoir s’appliquer plus fortement, notamment dans le secteur marchand ».
Adaptabilité et agilité pour davantage de résilience
« Dans notre cadre législatif actuel, notre territoire devra adapter les normes, qui sont parfois vecteurs de contraintes et de surcoûts sans compter l’impact sur l’empreinte carbone. On peut citer l’exemple des matériaux de construction sud-africains, aujourd’hui non autorisés à La Réunion. L’agilité institutionnelle doit aussi passer par l’intégration de clauses de sauvegarde dans les conventions qui nous lient à l’Europe. De même, il serait pertinent d’intensifier les FIP DOM (Fonds d’Investissement de Proximité Outre-Mer) et de créer des fonds locaux pour renforcer l’attractivité des investissements par les capitaux patrimoniaux originaires de notre île ».
Réaffirmer notre positionnement dans la zone océan Indien, en matière de coopération et d'économie verte et bleue
« Bâtir une stratégie régionale d’économie verte et bleue tout en développant la coopération indianocéanique ». C’est le second axe du projet Trajectoire 2030 qui comprend notamment : « la mise en place d’une continuité territoriale européenne pour fluidifier et sécuriser les déplacements des personnes et des marchandises et pour prendre en charges les surcoûts ; la création d’une zone franche fiscale et sociale liée aux activités de la mer, élargie à une zone franche douanière pour les activités de stockage et de transformation pour la production locale ou encore la création d’une compagnie régionale maritime associant tous les acteurs de la zone pour une meilleure connectivité régionale ».
Concernant l’économie verte, pour le Département, « La Réunion doit devenir un modèle de référence et donc être davantage soutenue dans sa démarche de transition écologique et solidaire. Nous devons viser l’autonomie électrique en 2030 en substituant la biomasse importée par une production locale d’énergie renouvelable. Pour gagner en agilité, nous proposons que les décisions et instructions des projets de production d’énergie puissent être territorialisées et non plus gérées depuis la métropole ».
Soutenir les leviers d'excellence réunionnaise
Le 3ème axe met en avant « les talents de ceux qui font de La Réunion, une terre d’excellence et de bien-vivre ». Parmi les propositions majeures on citera : « les mesures volontaristes en faveur des entreprises, visant à réduire le coût d’embauche des jeunes diplômés (exonération de charges salariales), tout en leur proposant des emplois qualifiés et une rémunération à la hauteur de leur diplôme. L’adéquation entre l’offre de formation et les métiers en tension doit être également la priorité pour éviter les situations étonnantes comme le recours à des kinésithérapeutes ou à des infirmiers venant de Madrid ou de Bruxelles alors que 34 % des jeunes sont au chômage dans l’île. Par ailleurs, il y a lieu d’agir prioritairement dans les 1 000 premiers jours de l’enfant réunionnais suivant le concept lancé par l’UNICEF. L’État, dans une logique de bienveillance, doit aussi accompagner notre territoire dans son développement, en permettant la création d’un véritable Pôle international d’excellence universitaire, de recherche et de formations qualifiantes au service de nos jeunes, et ceux de l’océan Indien ».
Décentraliser les décisions administratives sans nécessaires modifications institutionnelles
Le Département propose de « garder un cadre institutionnel stabilisé ». « La Réunion a réaffirmé à maintes reprises son attachement à l’organisation institutionnelle en vigueur tout en sachant faire preuve d’intelligence dans la répartition des compétences. Notre modèle opérationnel doit être amélioré, grâce à une plus grande décentralisation des décisions administratives permettant aux élus locaux d’adapter au mieux les politiques publiques locales dans leur territoire ».
Une piste est proposée dans Trajectoire 2030 : « La mise en place d’un Comité de gouvernance concertée - comme en Guadeloupe mais élargi, réunissant la Région, le Département, le Ceser, le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement, les chambres consulaires - qui pourrait devenir une véritable instance de décisions locales et concrétiserait cette ambition de renouveau démocratique et institutionnel ».
Par ailleurs, le Département propose « une réforme du découpage communal actuel, qui date d’une époque où la Réunion comptait 350 000 habitants et qui n’est plus viable aujourd’hui. Cette réforme permettrait par ailleurs de renforcer la paix sociale dans les quartiers, grâce à une plus grande proximité qui encouragerait la bienveillance ». Le Président Cyrille Melchior persiste et signe : « Nous n’avons pas à ouvrir de débat institutionnel pour La Réunion. Nous voulons travailler sur une Trajectoire 2030 : construire un projet avec les Réunionnais, pour les Réunionnais ».