La Réunion - Maryse Doki-Thonon, Directrice de la Maison de l'Export : « Les atouts de l'export réunionnais sont d'abord la qualité de nos produits et de nos services»

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La Réunion - Maryse Doki-Thonon, Directrice de la Maison de l'Export : « Les atouts de l'export réunionnais sont d'abord la qualité de nos produits et de nos services»

Lancée en 2016, la Maison de l’Export est le « hub » dédié aux entreprises réunionnaises en quête de croissance sur les marchés extérieurs. Véritable guichet unique sur le territoire, elle rassemble les partenaires publics et privés œuvrant pour l’internationalisation des entreprises. Elles y trouveront ainsi toute l’expertise nécessaire, des conseils avisés et l’offre d’accompagnement disponible pour la réalisation de leurs projets. A la tête de cette structure depuis sa création, la Réunionnaise Maryse Doki-Thonon, qui par son histoire et son parcours professionnel, possède une véritable fibre internationale, nous en dit plus sur les missions de la Maison de l'Export. 

Outremers 360 : Depuis la création de la Maison de l'export en 2016, avez-vous constaté une sensibilité des entreprises réunionnaises à vouloir se diriger vers l'international ? 

Maryse Doki-Thonon : Oui, effectivement, nous avons constaté une envie, un intérêt mais il existe toujours une crainte de faire face à des risques qui ne seraient difficilement supportables pour des entreprises, qui sont pour la plupart des TPE ou PME, des petites structures. Il y a également un manque de connaissances du domaine international, c'est-à- dire que ces entreprises n'ont pas souvent les moyens de structurer en interne pour faire de l'international : elles n'ont pas d'un directeur ou d'une directrice, un manque de connaissances sur les acteurs, sur  les démarches, sur comment exporter leurs savoirs-faire ou leurs produits.  

La crise a créé pour certaines entreprises de nouvelles opportunités là où elles ne s'y attendaient pas. Les bouleversements que le monde a connu, a permis à certains clients d'avoir une certaine visibilité de la Réunion. 

Outremers 360: Comment la Maison de l'export accompagne ces entreprises vers l'internationalisation de leurs activités ?   

Maryse Doki-Thonon : Nous faisons pratiquement du sur-mesure pour les entreprises qui viennent nous rencontrer, nous essayons de répondre à leurs besoins et de les accompagner au mieux dans leurs projets. Alors, cela va de la formation à l'enrichissement des offres de formations autour de l'international à travers des matinées d'échanges avec  la douane, des formations des contrats internationaux. Il y a un parcours à l'export qui a été dessiné, à chaque étape de ce parcours, nous essayons d'apporter une aide, un appui. Nous fournissons des conseils ou de l'aide sur comment prospecter un marché. Dans la prospection, il y a la mise en contact avec les partenaires ou les prospects à l'extérieur. Il y a également l'organisation de salons d'événements qui permettent d'approcher un marché. Ensuite, un travail peut-être fait sur l'envoi des marchandises, sur les questions d'ordre logistique.

 Outremers 360 : La crise de la Covid-19 a-t-elle eu un impact sur la volonté des entreprises réunionnaises à s'exporter à l'international?

La crise a créé pour certaines entreprises de nouvelles opportunités là où elles ne s'y attendaient pas. Les bouleversements que le monde a connu, a permis à certains clients d'avoir une certaine visibilité de la Réunion, qui a été exemplaire dans la gestion de la crise au niveau de sa connectivité maritime dans la zone durant le confinement. Le Grand Port maritime de La Réunion était le seul port maritime ouvert, capable d'accueillir les bateaux dans des conditions sanitaires sécurisées, quand d'autres ports étaient fermés. Cela nous a permis de nous positionner sur la carte. Avant, notre problématique était de se faire connaître. Nous avons pu bénéficier, avec la crise, d'une certaine visibilité qui a créé de nouvelles opportunités pour certaines de nos entreprises.  Pour d'autres entreprises, il est vrai que la fermeture des frontières a freiné leur souhait d'aller à l'international sans pour autant les faire changer d'avis.  C'est peut être une envie de reculer de mieux sauter. Il n'y a pas eu vraiment de renonciation des marchés à l'export. 

© Grand Port Maritime de La Réunion

Cependant, l'ensemble des entreprises, et pas seulement les entreprises exportatrices, font part aujourd'hui d'une lassitude et d'angoisse face à l'avenir. Il faut également s'adapter constamment aux nouvelles mesures et contraintes décidées, de semaines en semaines, par les autorités en fonction de l'évolution de la situation sanitaire.

De notre côté, nous avons continué avec nos partenaires, cultiver cette culture de l'international en leur offrant des informations sur les marchés, leur permettant de se former, de se professionnaliser et de mettre à profit ce temps pour approfondir un positionnement à l'export, une stratégie d'exportation ou de marketing, ou de peaufiner une décision à aller vers l'export.

Outremers 360 : Une majorité de vos actions est tournée vers les marchés du bassin régional de l'Océan indien, est-ce une priorité pour vous ?

Maryse Doki-Thonon : Le marché du bassin régional de l'océan indien fait partie de nos priorités pour la simple et la bonne raison que c'est un marché qui nous paraît naturel et logique d'aborder, d'une part du point de vue en tant qu'accompagnateur ou de représentant de l'action publique, d'autre part, du côté des entreprises qui voient aux portes de la Réunion, des opportunités d'affaires. Il est vrai que ce marché régional, même s'il a permis des opérations d'internationalisation pour certaines entreprises réunionnaises, ne permet pas un échange conséquent de flux commerciaux entre les îles de l'Océan indien, de l'Afrique australe et de l'Est avec la  Réunion. 

 © Serge Marizy

Les échanges avec l'île de La Réunion sont en réalité très réduits, ce qui peut paraître paradoxal compte-tenu de la proximité que nous avons. C'est dans ce contexte que la  Région Réunion a décidé d'installer des antennes économiques dans ces pays. La Région est ainsi présente à Maurice depuis une dizaine d'années, à Madagascar, aux Comores, aux Seychelles ou au Mozambique. Ces représentations de la collectivité ne se limitent pas à l'export où à l'économie mais jouent un rôle important pour permettre l'approfondissement des échanges et la coopération économique entre nos  îles. Par  exemple, une entreprise réunionnaise a des questions sur un marché, il nous est plus facile de nous adresser à notre antenne pour obtenir une réponse sur un marché. Pour aller au-delà du simple renseignement, il peut arriver qu'un problème d'entrée sur le territoire d'une marchandise ou douanière, l'antenne peut intervenir pour débloquer la situation dans le respect de toutes les règles de réglementation. Ce sont des bases avancées de La Réunion sur ces territoires qui représentent un marché pour les entreprises.

Maryse Doki-Thonon avec l'ancien Ministre du Tourisme des Seychelles : Alain Saint-Ange © DR 

Outremers 360 : Comment expliquer ces flux commerciaux réduits avec le bassin régional malgré cette proximité géographique? 

Maryse Doki-Thonon : Ces échanges restent tenus s'expliquent d'abord par nos coûts. Il est vrai que nous sommes un territoire français, européen avec tous les standards qui font notre réputation et la qualité de nos produits et de notre expertise, un coût de production qui dépasse largement ceux de nos voisins, des prix qui nous permettent  à nos voisins de devenir nos clients. Je pense en particulier à nos productions de biens et de marchandises dans l'agroalimentaire. Nos produits transformés à La Réunion ne sont pas compétitifs sur ce type de marchés. 

Aujourd'hui, si l'on doit faire un peloton de tête de l'exportation depuis La Réunion, on retrouve l'agro-alimentaire avec le sucre et le rhum, l'exportation de poissons congelés avec des armements positionnés à La Réunion.

Outremers 360 : Quels sont les atouts de l'export réunionnais ? 

Maryse Doki-Thonon : Les atouts sont d'abord la qualité de nos produits et de nos services car nous produisons dans les standards français et européens selon des normes de sécurité bien déterminées et qui s'appliquent à nos produits. Ces biens ou ces services représentent bien souvent des produits de niche car nous n'avons pas une grande capacité de production liée à l'étroitesse de notre économie. La stratégie qui est déployée est de se positionner sur des marchés de niche comme le café Bourbon pointu vendu sur des marchés japonais ou britanniques. Nous n'avons pas les capacités de pays comme le Brésil ou l'Ethiopie mais nous arrivons à obtenir une qualité de produits exceptionnelle et reconnue. 

Sur le marché de l'Océan indien, il y a des services qui font notre force en terme d'ingénierie: nous avons une expertise en terme de bâti tropical avec des bureaux d'études, des architectes qui maîtrisent les constructions bioclimatiques, les normes et qualités environnementales adaptés au climat tropical. Ce sont des marchés de niches très spécifiques. 

Parmi les services réunionnais à exporter, il y a le domaine de l'innovation où nous avons quelques pépites comme le numérique, la biomédecine

Outremers 360 : Quels sont les autres secteurs d'activités que vous souhaitez aujourd'hui exporter ? 

Maryse Doki-Thonon : Aujourd'hui, si l'on doit faire un peloton de tête de l'exportation depuis La Réunion, on retrouve l'agro-alimentaire avec le sucre et le rhum, l'exportation de poissons congelés avec des armements positionnés à La Réunion. Ce sont des produits exportés qui fonctionnent bien. 

Parmi les services réunionnais à exporter, il y a le domaine de l'innovation où nous avons quelques pépites comme le numérique, la biomédecine qui ont des experts sur le sol réunionnais. Ce sont donc des marchés qu'il faudrait développer à l'échelle internationale. 

Outremers 360 : Comment la Maison de l'Export collabore avec la Team France Export?

Maryse Doki-Thonon : Nous faisons également partie de la Team France Export. La Team France Export est un pilotage stratégique de la Région à travers la Maison de l'Export avec les équipes internationales de la CCI Réunion et de Business France, et avec la BPI pour la partie financière. Lorsque nous avons créé la Maison de l'export, l'idée qui prévalait était d'offrir un guichet unique de l'Export, cela une préfiguration de la Team France Export annoncée par le Gouvernement en 2018-2019. Nous avons eu un temps d'avance finalement, et cela nous a permis de signer les partenariats et d'entrer assez naturellement dans le mouvement national car les équipes, les locaux étaient préalablement identifiés.

Outremers 360 : Aujourd'hui, vous travaillez sur la redéfinition de la stratégie d'internationalisation. En quoi cela consiste-t-il ?

Maryse Doki-Thonon : Nous avons eu la chance d'être retenue par l'Agence nationale de cohésion des Territoires, Régions de France comme région pilote pour bénéficier d'un accompagnement de l'OCDE sur la définition de la stratégie d'internationalisation. Nous sommes la seule région d'Outre-mer à avoir été retenue. Avec la crise Covid, la remise de l'étude prévue en septembre a été repoussée à la fin de l'année, voire au mois de novembre ou décembre. 

Pendant le Festival du Film de La Réunion avec Jean-Pierre Legras, ancien Directeur des Affaires Economiques de la Région et Edy Payet , Délégué Régional de l'Agence Film Réunion © DR

Portrait de Maryse Doki-Thonon, directrice de la Maison de l'Export 

Née à Madagascar de parents réunionnais, Maryse Doki-Thonon passe une partie de son enfance en France hexagonale avant de découvrir son île, La Réunion. Ce sera pour elle, un coup de foudre, une évidence ! « Etre Réunionnaise s’est révélée pour moi comme un parcours initiatique qui m’anime encore aujourd’hui. De mes multiples origines se dégage en effet un mystère qui m’a toujours poussé à la découverte du monde. Mes études de droit international tout d’abord, m’ont conduite sur le continent africain. Premièrement, en Afrique du Sud dont la période post apartheid a été mon sujet de mémoire. Vivre la fin de l’apartheid a constitué un moment fort de ma vie et a contribué à renforcer les valeurs du vivre-ensemble qui m’animent profondément en tant que Réunionnaise. Après l’expérience sud-africaine, j’ai parcouru la côte Est du continent, du Mozambique à La Tanzanie en passant par le Zimbabwé. Je ne ferais pas une liste à la Prévert de tous mes voyages mais la rencontre avec Mother India ne peut pas être passée sous silence puisque l’une de mes ancêtres était Indienne, passée par le comptoir français de Pondichéry pour gagner l’île Bourbon en manque de main d’œuvre après l’abolition de l’esclavage» .

Professionnellement, cette  Réunionnaise va être attirée par le service public. « Servir l’intérêt général en participant au développement de mon territoire a toujours été mon objectif. Je n’avais pas de plan de carrière mais mon parcours a finalement suivi une logique correspondant à mes aspirations. Il n’y a pas de hasard ! » 

Son service de l'intérêt général débute avec la politique. « J’ai fait mes armes auprès du Député-Maire du Tampon, André Thien Ah Koon, dont j’ai rejoint le cabinet en 1999 et ce pendant 6 ans. En charge des dossiers intercommunaux, j’ai notamment participé à la transformation des centres hospitaliers de Saint-Denis et de Saint-Pierre en CHU. J’ai pris ensuite une orientation plus économique en rejoignant la Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion à l’époque où elle était encore gestionnaire du port et de l’aéroport. Mes fonctions m’ont conduite à valoriser le patrimoine consulaire à travers 2 projets d’envergure : d’une part la revalorisation d’une zone d’activité de 70 hectares qui a permis à la chambre de supporter les pertes de recettes consécutives à la sortie des équipements portuaire et aéroportuaire de son giron, d’autre part l’équipement des toitures de ses bâtiments en centrales photovoltaïques».

En 2011, Maryse Doki-Thonon intègre la Région Réunion où  elle est en charge la direction du tourisme puis la direction de l’export et de l’internationalisation des entreprises. « C’est dans le cadre de cette dernière fonction que j’ai créé la Maison de l’Export, telle qu’inscrite dans les priorités de mandature de Didier Robert. Notre mantra : Cap sur le Monde, cap sur l’océan Indien. A ce jour, nous travaillons avec l’OCDE à la redéfinition de la stratégie régionale d’internationalisation. Un nouveau chantier passionnant et complexe dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons depuis 1 an.»