La Réunion : L’ARS et Santé Publique France dévoilent les résultats de l’enquête nationale périnatale dans les DROM

La Réunion : L’ARS et Santé Publique France dévoilent les résultats de l’enquête nationale périnatale dans les DROM

Menée en 2021 par l’ARS et Santé publique France, l’enquête nationale périnatale dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer (ENP-DROM) voit ses résultats publiés ce lundi. A La Réunion, l’enquête présente un état des lieux actualisé de la santé des mères et de leurs nouveau-nés, tout en mettant en relief l’évolution depuis 2003 et les différences avec l’Hexagone.

Menée dans l’Hexagone et dans tous les DROM (excepté la Guyane), l’enquête ENP-DROM 2021 s’est déroulée à La Réunion du 15 mars au 11 avril, dans les sept maternités de l’île et à la Maison de naissance de l’Ouest. Les informations ont été recueillies à la maternité avec une sage-femme, et au téléphone ou par questionnaire en ligne, 2 mois après la naissance de l’enfant, avec pour objectif de recueillir des informations sur l’état de santé des mères et de leurs nouveau-nés, sur les pratiques médicales avant et après accouchement et à deux mois après la naissance de l’enfant.

Les résultats de cette enquête permettent de mieux cibler les actions de prévention et d’organisation des parcours de soins de la femme enceinte, de la mère et de l’enfant. Des volets spécifiques au diabète gestationnel, à l’insuffisance pondérale des nouveau-nés et à la notion de précarité selon les microrégions feront l’objet d’autres publications, précise l’ARS. L’enquête à permis de mettre en avant plusieurs constats, en comparaison avec l’Hexagone. Une sélection de ces constats est décrite ci-dessous.

Des évolutions socio-démographiques notables. L’âge moyen des femmes ayant accouché en 2021 augmente (de 27,6 à 29,7 ans) et la part des trentenaires est devenue majoritaire (45%). Le niveau éducatif des mères a progressé par rapport à 2003 et l’écart avec l’Hexagone s’est réduit : exemple, une forte augmentation des femmes d’un niveau d’études supérieur au baccalauréat qui passe de 15,3% à 40% en 2021, tandis que leur situation professionnelle a progressé (+6,6 points de femmes en activité en fin de grossesse), bien qu’un quart des femmes déclare un montant mensuel des ressources du ménage inférieur à 1 000 euros.

Presque une femme sur deux (46,2%) est en surcharge pondérale avant la grossesse, dont 22,1% en situation d’obésité. En 2003, les femmes en surcharge pondérale représentaient 27,7%. Cette prévalence en forte progression est préoccupante car elle augmente le risque de complications obstétricales et néonatales et de maladies chroniques pour la femme. Elle est à mettre en regard d’une incidence élevée de la prééclampsie1 et d’accouchement médicalisé, et d’un moins bon vécu de la grossesse et de l’accouchement chez les femmes.

1 femme sur 5 ne prenait aucune contraception avant la grossesse, contre 1 femme sur 10 dans l’hexagone. Parmi celles ayant eu un moyen de contraception (8 femmes sur 10), seulement la moitié a souhaité et planifié la grossesse, en arrêtant la contraception (71% dans l’hexagone). A la découverte de la grossesse, la réaction est positive pour deux femmes sur trois. Mais pour 23,7% des femmes, la grossesse n’est pas attendue, soit parce que ce n’est pas le bon moment (17,7%), soit parce qu’elle n’est pas voulue (6%). Ce taux de grossesses non désirées est supérieur à celui de l’hexagone (4%).

Un suivi de grossesse assuré principalement par un gynécologue-obstétricien ou une sage-femme. Le gynécologue-obstétricien est déclaré comme praticien principal durant les six premiers mois par 6 femmes sur 10 (5 femmes sur 10 dans l’Hexagone) et la sage-femme par 2 femmes sur 10 (4 femmes sur 10 dans l’Hexagone).

Un suivi de grossesse à améliorer pour toutes les femmes. Concernant l’entretien prénatal précoce, destiné notamment à dépister les problématiques médicopsychosociales, près d’une femme sur deux déclare en avoir bénéficié contre seulement une sur trois dans l’Hexagone. Si dans 58% des cas, cet entretien a eu lieu dans les quatre premiers mois de grossesse (tel que recommandé), 9% des femmes déclarent l’avoir eu au dernier trimestre de grossesse (16% dans l’Hexagone). Cet entretien a été assuré très majoritairement par les sages-femmes (93%), dont principalement les libérales (79%). A l’issue de cet entretien, 17% des femmes ont été orientées vers d’autres professionnels.

1 femme sur 5 n’a pas rencontré l’équipe médicale de la maternité avant son accouchement. Pour anticiper les complications à l’accouchement, il est recommandé aux femmes d’avoir eu au moins une fois une consultation de suivi à la maternité d’accouchement. En 2021, 1 femme sur 5 n’a pas effectué cette démarche, soit 4 fois plus que dans l’Hexagone.

L’allaitement exclusif ou mixte plus fréquent que dans l’Hexagone. L’allaitement maternel (exclusif ou mixte) à la naissance est plus répandu à La Réunion (83%) que dans l’Hexagone (70%). Deux mois après l’accouchement, le taux d’allaitement diminue à La Réunion (66%), mais reste supérieur à celui observé dans l’Hexagone (54%). Toutefois, les femmes à La Réunion pratiquent davantage l’allaitement mixte (lait maternel et lait du commerce) et arrêtent un peu plus tardivement l’allaitement maternel que les femmes de l’Hexagone.

Des constats, aller vers un plan d’action

L’ensemble de ces résultats permet à l’ARS de proposer des actions pour le parcours périnatal à La Réunion et qui seront intégrées au nouveau Projet Régional de Santé 2023-2033. Les premiers leviers d’action envisagés, à ce stade, s’orientent selon 2 axes.

Le premier, mieux repérer les femmes enceintes en situation de vulnérabilité médico-psycho-sociale pour les accompagner précocement. Les inégalités sociales de recours aux soins révélées par l’enquête conduisent à travailler sur une définition régionale des critères de vulnérabilité maternelle et parentale (bénéficiaires de RSA, bénéficiaires de CSS, ne vivant pas en couple, pas de logement individuel). Cette définition permettra de repérer précocement les femmes concernées (environ 2 000 femmes) et de leur proposer, en lien avec les professionnels de santé libéraux, la Protection Maternelle Infantile (PMI) et les maternités, des parcours de soin et d’accompagnement adaptés. L’objectif est de réduire l’impact des vulnérabilités dépistées et diagnostiquées sur l’état de santé des mères et de leurs enfants.

Le second, renforcer la qualité du parcours périnatal pour toutes les femmes. Il s’agira, par exemple, de favoriser l’accès des femmes aux actions du programme des 1 000 premiers jours, déjà initié dans 3 des 7 maternités de l’île. Dans ce programme, les actions consistent à réduire l’exposition des femmes et des enfants à naître aux polluants de l’environnement (perturbateurs endocriniens et tabagisme parental), à promouvoir l’allaitement maternel dans la durée et à aider les mères à faire les bons choix pour leur alimentation et celle de leurs enfants, dès la période de diversification alimentaire. D’autres leviers portant sur l’harmonisation des pratiques professionnelles sont en cours de définition.

Damien Chaillot