Une toiture en vague entrecoupée d’un canyon végétalisé, un intérieur volumineux et des espaces visuellement ouverts sur un extérieur verdoyant : à partir de 2024, les Réunionnais et visiteurs de l’île bénéficieront d’une nouvelle aérogare bioclimatique destinée aux arrivées, conforme aux normes et prête à relever les défis futurs de l’aéroport international Roland Garros.
Imaginez, après 11 longues heures de vol depuis Paris, débarquer sur une vaste salle, aux volumes généreux, végétalisés et ouverts sur un panorama imprenable qui donne le ton de votre séjour. À partir de 2024, les passagers arrivant à La Réunion bénéficieront d’une aérogare flambant neuve, promesse bioclimatique, alliant à la fois modernisme et respect des normes, environnementales notamment. D’une superficie de 13 000 m2, dont 4 000 pour la salle bagages, cette nouvelle aérogare répond à deux besoins essentiels : l'augmentation du trafic -estimé à 3 millions de passagers par an d’ici 2030- et la mise aux normes du système de tri-bagage, imposé par la réglementation européenne.
Les travaux préalables -démolition des bâtiments existants, dévoiement des réseaux, terrassement- ont débuté en 2019, jusqu’en 2020. Le chantier de la nouvelle aérogare, dont l'investissement s'élève à 65 millions d'euros -apporté par le Feder (UE), l'État et la Région-, a lui débuté en septembre 2021, après une période de flottement due à la crise sanitaire. « Il était question à un moment donné d’abandonner le projet. On s'est battus et on a réussi à convaincre nos actionnaires qu'on avait besoin de cette Nouvelle Aérogare Arrivée quoi qu'il arrive, parce que le trafic allait reprendre. On aurait forcément besoin d'une nouvelle installation », explique le Directeur de projet, Jean-Louis Hoareau.
« L’aéroport de chaque Réunionnais »
« C'est une vraie fierté de pouvoir travailler sur ce projet, de travailler sur la porte d'entrée de La Réunion » nous a-t-il confié. Passé par la Nouvelle-Calédonie, où il réalise la construction du Médipôle de Koutio, à Cuba pour la construction de la première usine multi-process de Nestlé ou encore à Paris, où il participe à des chantiers d’envergure publics et privés tels que les Grands Moulins de Pantin, The Peninsula Hôtel, Jean-Louis Hoareau souligne le symbole derrière ce chantier : « C'est un peu l’aéroport de chaque réunionnais. C'est vraiment quelque chose d'emblématique et de fort ».
Le chef d’orchestre du chantier de l'édifice est surtout fier « d'y avoir associé un grand nombre d'acteurs locaux ». « On est très impliqué dans l'économie locale » poursuit Jean-Louis Hoareau. Et pour cause : le chantier a mobilisé 91% d'entreprises locales, dont 72% de petites et moyennes entreprises. « Sur les trois ans de chantier, ça représente à peu près 1 500 emplois directs et 1 500 emplois indirects. Autant dire qu'effectivement, cette opération nous permet de satisfaire pleinement notre rôle sociétal ». Dans un territoire qui défend l’ancrage local, les compétences pé’i, quoi de plus cohérent pour un projet aussi emblématique que de faire appel aux Réunionnais.
Fidèle à la « politique environnementale » de La Réunion
Rôle sociétal donc, mais aussi environnemental. Pour la direction de l’aéroport, il ne s’agissait pas d’un projet pour un projet. La Nouvelle Aérogare Arrivée, c’est aussi la promesse de réduire encore les émissions de CO2 de l’aéroport, déjà engagé dans une démarche durable avec par exemple, depuis 2014, un plan de maîtrise de l’énergie qui s’est traduit par l’installation de panneaux photovoltaïques. « Il y a toute une politique qui est menée sur l'économie d'énergie et la décarbonation de la plateforme de manière à avoir une empreinte carbone la moins importante possible » confirme Jean-Louis Hoareau. « On est l'un des aéroports français, en tout cas le premier en Outre-mer, à avoir obtenu la certification ACA 3 (pour Airport Carbon Accreditation, ndlr). Et là, on est en train de travailler sur l’ACA 4 ».
« Cette nouvelle aérogare, bâtiment bioclimatique, est hors du commun parce qu'on a à la fois un parti pris architectural important, mais c'est aussi et surtout un bâtiment qui fonctionne sans climatisation. C'est un peu la cerise sur le gâteau de toute une politique environnementale qui a été menée depuis plus de dix ans maintenant », explique le Directeur de projet. Nous le présentions déjà ici, la maison d’architecte AIA, associée à l’architecte local Olivier Brabant (OBA), choisie pour concevoir la bâtisse, a pris en compte la direction des vents dominants et l’ensoleillement pour naturellement ventiler l’espace. Le choix d’intégrer des végétaux, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur, n’est pas anodin : ils permettront de rafraîchir, purifier l’air, en plus d’embellir l’espace et offrir aux voyageur un avant-goût sensoriel de son séjour.
Pendant les travaux, les équipes se sont aussi penchées sur la biodiversité présente aux abords de l’aéroport et qui bénéficie de programme de protection. « On a à cœur de protéger la faune (…). Et dans le cadre du projet de la nouvelle aérogare, l'un des attendus du permis de construire, c'était bien sûr de protéger des petites chauves-souris qui nichent sur l'une des façades de l'aéroport. Il y a toute une procédure de protection de ces individus qui a été mise en place dans le cadre du chantier pour éviter au maximum les nuisances. Et ça a des conséquences sur le planning, sur l'investissement, sur plein de choses. Mais ça entre complètement dans nos ambitions environnementales ».
Le Directeur de projet défend aussi l’aspect environnemental de la nouvelle aérogare dans le choix de ses matériaux : maximiser l’emploi du bois, de l’aluminium reconstitué et du métal, pour minimiser celui du béton, dont « l'empreinte carbone est importante ». Alors certes, le bois est importé car l’île ne dispose pas « des quantités de bois nécessaires ». « Et on ne fabrique pas à La Réunion ce qu'on appelle le lamellé-collé. C'est un principe qui permet de réduire les sections de bois avec plusieurs sections de bois qui sont à coller les unes avec les autres », explique Jean-Louis Hoareau, qui assure que le bois choisi est importé de forêts bio-sourcées en Scandinavie.
« L'idée pour nous, c'était de mettre en avant forcément ce matériau qui est noble, qui a une empreinte carbone moins importante que le béton ». Et si, certes le bois a été importé, Jean-Louis Hoareau insiste et renvoi au rôle sociétal de l’aéroport : « tout ce qui a pu être transformé ici à La Réunion, on l'a fait ici par des entreprises locales, par des fournisseurs locaux, de manière, encore une fois, à donner le maximum d'emplois aux locaux ». Pour la toiture, « on a un matériau qu'on appelle kalzip, l’aluminium recyclé. Donc c'est pareil, on est dans la réutilisation de matériaux qui ont déjà eu une première vie. Et ça, ça rentre vraiment dans l'esprit qu'on a à l'aéroport ». Bien entendu, la forme de la toiture et le canyon végétalisé intégré n’est pas une extravagance architecturale, ces deux éléments participent à la circulation de l’air et au rafraîchissement naturel de la bâtisse.
Bientôt des « essais grandeur nature »
Pour l’heure, la Nouvelle Aérogare Arrivée n’est pas encore ouverte au grand public. « On est en train de réaliser les premiers tests ». En décembre, une commission de sécurité et d’accessibilité, composée des pompiers et des services de la DEAL doit évaluer le bâtiment, « vérifier à la fois les conditions de sécurité incendie, les conditions d'évacuation et les conditions d'accessibilité du bâtiment ». Dans un second temps, à partir de 2024, place aux essais « grandeur nature ». Concrètement, l’aéroport choisira une compagnie, un vol, pour par exemple, « tester les tapis bagages, tester toutes les procédures de sûreté. Parce que la sûreté, c'est un élément vital sur un aéroport ». Cette phase devrait, selon Jean-Louis Hoareau, durer environ un mois et demi.
« On va organiser un des vols réels, avec forcément une attention particulière. L'idée, c'est d'éliminer le maximum de problèmes qui pourraient être rencontrés à l'ouverture. On connaît le bâtiment, on connaît les plans, mais ça reste un nouveau bâtiment, donc ça reste une nouvelle prise en main » explique encore le Directeur de projet. L’aéroport Roland-Garros ne se lance pas dans l’inconnu en adoptant la démarche ORAT (Oparationel Readiness and Airport Transfer) : « cette démarche a été développée par Aéroports de Paris ». Elle « a pour vocation de tester l'ensemble du bâtiment et l'ensemble des procédures qui vont avec, que ce soit d'un point de vue sécurité, d'un point de vue ressources humaines, d'un point de vue technique. Tester le bâtiment sous toutes ses composantes, de manière à ce que le zone d'ouverture, il n'y ait pas de couac ».
« Cette nouvelle aérogare va nous permettre d'accueillir 3 millions de passagers à l'horizon 2030 » rappelle encore Jean-Louis Hoareau, qui pense déjà à la suite : « c'est un projet qui a été réalisé par bloc et on s'est gardé la possibilité de créer de nouveaux parkings avions à l'ouest de cette nouvelle aérogare, qui permettraient à termes, moyennant un certain nombre d'aménagements, d'accueillir plus de 4 millions de passagers ». En attendant, la montée en gamme de l’arrivée sur l’île quasiment achevée, reste à offrir aux voyageurs une dernière impression à égale hauteur : « une fois que la nouvelle aérogare est faite, on a des travaux qu'on va enchaîner dans le bâtiment existant », les enregistrements et départs.