Mardi, le Sénat a adopté « à une très large majorité » le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, et le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire. C’est dans ce cadre que le sénateur de Mayotte a fait part des urgences en la matière pour l’île.
Le premier texte garantit une trajectoire budgétaire historique à 11 milliards d'euros à l'horizon 2027, et l'embauche de 10 000 fonctionnaires de justice, dont 1 500 magistrats. Le second entend réformer le statut des magistrats de l'ordre judiciaire.
L'examen de ces deux textes a été l'occasion pour le sénateur Thani Mohamed-Soilihi de rappeler « l'urgence de la création d'une nouvelle cité judiciaire, d'un second centre pénitentiaire et d'un centre éducatif fermé à Mayotte : chantiers immobiliers devenus indispensables compte tenu des événements récents, mais que la problématique du foncier retarde fortement ».
À Mayotte, le Centre pénitentiaire de Majicavo avait été bloqué la semaine dernière par une trentaine de surveillants pénitentiaires qui dénonçaient leurs conditions de travail et notamment la surpopulation carcérale. La seule prison de l’île « est à 230% de taux d'occupation », soit « 620 détenus pour 278 places », avançait le secrétaire général local de FO pénitentiaire. Selon le Ministère de la Justice, le centre pénitentiaire détient la palme de l'établissement pénitentiaire français le plus densément peuplé. Une situation accentuée par l’opération Wuambushu.
La construction d'une nouvelle prison de 300 à 400 places à Mayotte, annoncée par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti en mars 2022, est toujours en projet mais ni sa localisation ni le calendrier de sa construction n'ont été dévoilés. En attendant, l'extension de la prison actuelle est également en cours d'étude. Pour ce qui est du Centre éducatif fermé, celui-ci devrait normalement être livré fin 2024.
Dans son communiqué, le sénateur a aussi salué « le succès des brigades de soutien de magistrats et greffiers installées à Mayotte et en Guyane pour pallier à l'urgence », et a appelé à « la poursuite d'une démarche à long terme d'amélioration de l'attractivité, par les rémunérations et la mobilité notamment ».
Thani Mohamed-Soilihi s'est aussi félicité de la mise en place, à titre expérimental, de tribunaux des affaires économiques, compétents pour traiter des litiges commerciaux, issus d'une proposition de loi, dont il est, avec François Bonhomme, Sénateur LR du Tarn-et-Garonne, l'auteur. « Ses amendements visant à associer le Parlement à l'évaluation de l'expérimentation des tribunaux des activités économiques et de la contribution pour la justice économique ont été accueillis favorablement », ajoute le communiqué.
Il s'est par ailleurs réjouit de l'adoption d'un autre de ses amendements « renvoyant devant une juridiction compétente pour les majeurs une personne poursuivie devant la juridiction pour mineurs, dont il est révélé postérieurement qu'elle était en réalité majeure lors de la commission des faits ». « A Mayotte, où il arrive que certains justiciables aient un état civil douteux, cette procédure permettra de gagner en rapidité et en efficacité » assure-t-il.
Par anticipation au travail de réécriture à droit constant du code de procédure pénale, le sénateur a en outre fait adopter un amendement supprimant son article 900, qui adapte à Mayotte l'indemnisation sous condition de certaines victimes d'infractions, devenu obsolète, puisque l'article 706-14 dudit code s'y applique désormais pleinement.
« Inspiré par l'actualité mahoraise, et une décision de justice récente du tribunal judiciaire de Mamoudzou qui a conduit à la suspension de l'évacuation d'un bidonville de l'île, le Sénat a souhaité préciser que la liberté syndicale des magistrats s'exerce dans le respect du principe d'impartialité qui s'impose aux membres du corps judiciaire et a créé une charte de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire », conclut le communiqué du sénateur.
Les textes ont été transmis à l'Assemblée nationale où ils poursuivront leur chemin législatif.