En déplacement dans l’océan Indien fin août, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et le dirigeant des Instituts d’Émission d’Outre-mer (IEDOM/IEOM), Ivan Odonnat, se sont rendus successivement à Mayotte, à La Réunion et sur l’île Maurice. Pour Ivan Odonnat, si Mayotte et La Réunion « partagent des problématiques communes, mais avec des nuances importantes », ces deux territoires « disposent d’atouts importants et les acteurs locaux montrent un réel dynamisme ». « Les territoires d’outre-mer ont un potentiel économique qui reste encore insuffisamment exploité » a-t-il aussi ajouté.
Outremers360 : Vous avez récemment accompagné le gouverneur de la Banque de France dans une mission dans l’océan Indien. Quel était le but principal de cette visite ?
Ivan Odonnat : Ce déplacement marque tout d’abord l’engagement de la Banque de France envers nos territoires ultramarins. L’IEDOM est une filiale à 100% de la Banque de France, et le gouverneur préside le Conseil général de l’IEDOM. C’était sa première visite dans l’océan Indien. Ce fut ainsi pour le gouverneur l’occasion de rencontrer nos équipes à Mayotte et à La Réunion.
Cette mission visait aussi à renforcer les liens avec les acteurs économiques et institutionnels de la région et à évoquer les enjeux économiques actuels, notamment l’inflation et la vie chère dans les territoires ultramarins. Nous avons tenu, pour la première fois à Mayotte, les « Rencontres de la politique monétaire » sur le thème « Inflation, vie chère : le rôle de la politique monétaire ». A La Réunion, une grande conférence réunissant plus de 500 participants à l’Université a permis de discuter des défis économiques du 21e siècle en France et en outre-mer.
Quelles sont les principales problématiques économiques que vous avez identifiées lors de vos échanges avec les acteurs locaux ?
La vie chère bien sûr, mais aussi les difficultés liées au logement et à la gestion du foncier, le manque de concurrence, l’intégration régionale. La Réunion et Mayotte partagent ces problématiques communes, mais avec des nuances importantes. À La Réunion, nous constatons une résilience globale de l’économie, même si les défis structurels subsistent, notamment en matière d’emploi et de diversification de l’offre productive. À Mayotte, la situation est plus complexe, en raison du poids de l’économie informelle, des difficultés d’accès au financement pour les petites entreprises, et de la forte pression démographique qui exacerbe les besoins sociaux et économiques. Pour autant, ces deux territoires disposent d’atouts importants et les acteurs locaux montrent un réel dynamisme. La question d’une meilleure coopération régionale est aussi au cœur de leur développement et de celui des territoires d’Outre-mer en général.
Votre mission s’est ensuite poursuivie à l’île Maurice. Pouvez-vous nous en dire plus sur la coopération renforcée avec la banque centrale de Maurice ?
Nous avons signé un accord stratégique entre l’IEDOM et la Banque de Maurice qui vient compléter celui déjà en place entre cette dernière et la Banque de France. Cet accord couvre des domaines clés comme la stabilité financière, la modernisation des moyens de paiement, la cybersécurité, et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Lors de cette visite, il a aussi été question d’innovation avec la visite en avant-première du tout nouvel « Innovation Hub » de la Banque de Maurice, une structure dédiée à l'intégration des nouvelles technologies dans les secteurs bancaire et financier. Cette initiative s’inscrit dans une large dynamique à l’œuvre au plan international visant à numériser et moderniser les systèmes financiers, pour accroître leur efficacité et mieux répondre aux attentes des usagers, où qu’ils se trouvent.
Pour conclure, quelles sont, selon vous, les priorités pour l'Outre-mer ?
Les territoires d’outre-mer ont un potentiel économique qui reste encore insuffisamment exploité. Leurs besoins propres nécessitent des réponses adéquates : s’ouvrir davantage au monde ; sortir de la dépendance aux financements publics et renforcer l’investissement productif privé pour innover et notamment saisir les opportunités relatives à la transition énergétique, la recherche de l’autonomie alimentaire, l’amélioration des connexions maritimes. L’action publique doit parallèlement accompagner et soutenir les populations les plus fragiles en vue d’un développement qui soit le plus inclusif possible.