La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat vient de publier un rapport intitulé « La stratégie française pour l'Indopacifique: des ambitions à la réalité ». Notant que cette dernière « devrait être plus agile, pilotée au bon niveau politique, dotée de moyens à la hauteur de ses ambitions et cogérée avec nos DROM-COM », la Commission fait une série de recommandations visant à rendre cette stratégie plus opérationnelle.
Quelques constats pour commencer. « L’Indopacifique recouvre entre les deux-tiers et la moitié de la surface du globe terrestre et héberge 60 à 75% de la population mondiale », souligne le rapport de la Commission du Sénat. « L’indopacifique génère aujourd’hui près de 40% de la richesse globale et pourrait représenter plus de 50% du PIB mondial en 2040 selon les prévisions du FMI. Au moins la moitié du fret mondial transite par cette zone qui concentre l’essentiel des réserves mondiales de matières premières critiques : 85% du lithium, 75% du nickel et 75% des réserves de cuivre. »
Le document ajoute toutefois que la dépendance de l’Union européenne en la matière est alarmante, soit 95% sur 30 métaux critiques en 2020, la place de la Chine sur le marché des matières premières critiques étant prépondérante avec près de 90% des terres rares et 60% du lithium qui y sont traités. Dans l’Indopacifique, « le G3 à l’horizon de 20 ans devrait regrouper les États-Unis, la Chine et l’Inde », s’inquiète la Commission. « L’ordre précis du trio de tête reste discuté, pas sa composition. À ces pays de tête s’ajouteront, dans un ordre qui peut varier, le Japon, l’Indonésie (dont le PIB pourrait dépasser celui du Japon d’ici 2040) et l’Union européenne ».
Et la France dans tout ça ? Selon le rapport, la France défend une stratégie dite de troisième voie entre les États-Unis et la Chine, basée sur la conception la plus large de l’Indopacifique, qui correspond à ses implantations géographiques ultramarines. « Peut-elle répondre aux attentes de chaque partenaire stratégique, demandeur de sécurité pour les uns, de développement économique pour les autres, d’actions de protection de l’environnement ? La stratégie française ne choisit pas, ni l’espace géographique qu’elle conçoit comme maximaliste, ni les secteurs d’action qu’elle souhaite tous embrasser. Elle ne sélectionne pas plus ses partenaires, souhaitant collaborer avec tous », regrette la Commission, qui se demande si l’éparpillement qui en résulte ne nuit pas à la lisibilité de la stratégie française.
Face à ces nombreux défis, les auteurs du rapport ont effectué une série de propositions. Entre autres, ils souhaitent en premier lieu que la France réaffirme « une position forte et réaliste » face à la nouvelle volonté hégémonique de la Chine, « rival systémique », affirmée lors du 20e Congrès du Parti communiste chinois. Deuxièmement, distinguer au sein de la stratégie indopacifique quatre zones d’actions spécifiques pour mieux associer les pays concernés : l’océan Indien occidental, l’Indopacifique central, le Pacifique Sud, et le Pacifique oriental : « mieux intégrer le Pacifique Sud, Taïwan et l’Amérique latine à la stratégie indopacifique française. »
Dans un troisième temps, le rapport préconise d’organiser le pilotage politique de la stratégie de la France pour l’Indopacifique en nommant quatre secrétaires d’État en charge des régions identifiées dans cette zone. Ils seraient chargés « de coordonner l’action des services et opérateurs, d’effectuer les arbitrages politiques nécessaires et d’assurer la représentation de haut niveau demandée par nos DROM-COM et nos partenaires dans l’Indopacifique. »
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Dans la même optique, le rapport suggère d’ « acclimater la stratégie indopacifique en renforçant sa cogestion avec les territoires ultramarins français. Un dialogue doit intervenir en amont de toute annonce politique concernant la stratégie indopacifique et l’intégration des DROM-COM à son application. » Les positions des autorités des territoires français de l’Indopacifique devraient ainsi pouvoir être mieux entendues. Enfin, il s’agirait de renforcer la cohérence de la stratégie indopacifique européenne, « qui pèche par manque d’articulation des politiques sectorielles entre elles, par inadéquation des objectifs des pays membres entre eux, et par non-application des conditionnalités posées », concluent les auteurs.
► L’intégralité du rapport « La stratégie française pour l'Indopacifique : des ambitions à la réalité »
PM