Économie : La CPME Réunion demande un plan ORSEC sur-mesure

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Économie : La CPME Réunion demande un plan ORSEC sur-mesure

La CPME Réunion tenait ce jeudi sa conférence de presse de rentrée et tirait la sonnette d’alarme. Pour son Président Éric Leung, « il faut une réaction rapide et forte pour éviter une crise sociale ».

Pour le syndicat, alors que la situation économique est présentée par de nombreux observateurs comme n’étant pas dégradée, la réalité qui lui remonte des chefs d’entreprise est plus contrastée : le pire est à venir. Pour Éric Leung, il est à craindre que le 3ème trimestre qui se termine affiche une courbe de ralentissement sévère de notre économie au regard des contraintes sanitaires, de la crise du fret et des matières premières mais aussi des difficultés de trésorerie des entreprises qui ne feront que s’accentuer.

Les aides sont à 80 % de la dette pour les entreprises 

Sur l’ensemble des aides données aux entreprises réunionnaises, moins de 20 % l’ont été en soutiens financiers directs : Fonds de solidarité et activité partielle notamment. Le reste, est de la dette (PGE et reports de charges) que les entreprises devront rembourser dans les mois à venir. Selon NEXA, l’Agence de Développement de La Réunion, à la date du 1er avril 2021, les entreprises réunionnaises comptait encore sur un volume cumulé d’appuis financiers d’au moins 1,5 milliards € d’aides exceptionnelles. 

L’ensemble de ces dispositifs a été pensé il y a 18 mois dans la perspective d’une crise qui ne devait pas durer, rappelle la CPME Réunion. S’ils ont été efficaces pour garantir la sauvegarde des entreprises, ils ont placé celles-ci dans un état d’endettement important et ils n’ont pas permis de préserver les fonds propres des entreprises qui se sont effondrés. Pour Éric Leung, « plus la reprise économique se fait attendre et plus la tension sur la trésorerie des entreprises grandit. Il y a urgence à trouver des moteurs de croissance et une activité durable ». 

A ces difficultés financières s’ajoutent des problèmes croissants à recruter des collaborateurs et une précarité de l’emploi. Les effectifs salariés du secteur marchand se sont certes accrus mais selon l’INSEE, cette hausse est surtout liée à la forte croissance du nombre d’apprentis. En clair, selon la CPME, « il n’est pas certain que ces emplois soient pérennes et nous serions en train de créer de la précarité pour ces salariés faute de réelles perspectives de développement de notre activité ». 

D’ailleurs, un indicateur de l’intensité de l’activité économique, qu’est l’emploi intérimaire gagne du terrain en ce début d’année 2021. 4 605 contrats intérimaires ont été signés au premier trimestre 2021, soit 5,4% de plus qu’au trimestre précédent. Leur nombre s’est ainsi positionné au-dessus des plafonds atteints en 2018 et 2019. 

Un plan ORSEC pour éviter une crise sociale

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la CPME Réunion demande un véritable plan ORSEC pour répondre aux enjeux de préservation des entreprises réunionnaises et de relance de l’activité économique de façon durable. Pour l’organisation, faute d’une réaction rapide, la survie de nombreuses entreprises est en jeu, donc des emplois, avec le risque d’une crise sociale.

Pour le syndicat, ce plan ORSEC devra s’articuler autour de 5 axes pour surmonter le mur des dettes accumulées, retrouver les chemins de l’activité durable et résoudre les problématiques de l’adéquation entre les ambitions de croissance des entreprises réunionnaises et la disponibilité d’une richesse humaine disposée à se mettre au service des entreprises. 

Pour surmonter le mur de dettes, la CPME déclare impératif de préserver le dispositif de l’activité partielle sans reste à charge pour les entreprises et de reconduire, éventuellement avec une réévaluation mensuelle (clause de revoyure), le Fonds de Solidarité Nationale (FSN) au moins jusqu’en fin d’année 2021.

Pour reconstituer les fonds propres des entreprises, la CPME travaille avec l’État et la Région Réunion (grâce aux fonds REACT EU), mais aussi les acteurs financiers locaux, à de nouveaux instruments financiers. « Les banques et les opérateurs financiers (dont ceux de l’assurance-crédit) devront aussi devenir de vrais partenaires du développement durable que portent nos chefs d’entreprises » déclare Éric Leung. La CPME demande également la mise en place d’un prêt de consolidation permettant aux entreprises de consolider l’ensemble de leurs dettes dans un véhicule unique et avec des échéances étalées dans le temps.

La CPME assure également être engagée pour mieux accompagner les chefs d’entreprises soumis à de fortes incertitudes. Ainsi, au sein du Conseil départemental de sortie de crise (CDSC), le syndicat proposera une solution adaptée et opérationnelle à chaque entreprise, en fonction de sa situation. Pour Éric Leung, « ce sur-mesure permettra de répondre aux situations particulières de certaines entreprises qui ont particulièrement souffert de la crise. On pense ainsi à certains acteurs du tourisme ; des hôteliers, des agences de voyage, des restaurateurs… ».

Accompagner les entrepreneurs au plus près de leurs besoins

En appui à ce dispositif, la CPME va mettre en place un « groupement de prévention agréé (GPA) qui aura pour mission de détecter les difficultés des entreprises en analysant les informations économiques, comptables et financières que celles-ci lui transmettront ». Les GPA sont composés d’experts bénévoles : anciens chefs d’entreprise, experts comptables, banquiers, notaires qui écoutent le chef d’entreprise pour dresser une analyse basée sur la viabilité du modèle économique et son adaptation à l’après-Covid. L’objectif premier est d’éviter aux entreprises l'écueil des enrôlements aux tribunaux de commerce.

Autre enjeu pour les entreprises, celui de la gestion de la richesse humaine. En effet, la relance ne pourra se faire sans la préservation et le développement des compétences au sein des entreprises. Pour la CPME, « l’enjeu de la formation est critique et la voie de l’apprentissage devra être renforcée ». « Il est donc plus que temps que l’État convoque une réunion des financeurs de la formation à La Réunion ». L’organisation annonce aussi renforcer son accompagnement pour le recours aux contrats de professionnalisation Boussole et Gadiamb dans le cadre du plan PETREL.

Sans surprise, le syndicat entend par ailleurs réaffirmer ses engagements en faveur de l’ancrage territorial. Cette vision se traduit notamment dans la dynamique Ré-Enraciner l’Économie LocaLE (REELLE) mais aussi au sein de l’Association pour une « Stratégie du Bon Achat » (SBA) dans la commande publique afin de favoriser l’accès des TPE-PME réunionnaises aux marchés publics. Pour la CPME, l’ancrage territorial contribue aussi à la préservation du pouvoir d’achat des Réunionnais. On l’a vu récemment avec l’accord de modulation qu’elle a signé avec l’interprofession ARIV et ARIBEV dans ces filières d’élevage. Pour Éric Leung, « ces accords doivent nous inspirer pour d’autres filières de production ».

Et pour relancer l’activité, il faudra passer enfin à une vraie territorialisation opérationnelle du Plan de Relance et redynamiser la commande publique. Dans la même logique, Éric Leung déclare rester « vigilant à ce que les crédits européens de la Relance REACT-EU, bénéficient réellement à nos TPE-PME locales ».

La CPME veut aussi réaffirmer son engagement pour faciliter l’accès à l’emploi des Réunionnais et la solidarité des entrepreneurs avec le territoire. Pour l’organisation, les valeurs Inclusion, Ancrage territorial, Patriotisme Économique, Solidarité que portent la CPME doivent plus que jamais être incarnées dans ses actions car elles sont porteuses de sens.

Pour la CPME, la clé ultime restera le retour à une activité durable grâce à ce PLAN ORSEC. Selon Éric Leung, « l’enjeu pour nos TPE-PME n’est pas de bénéficier de plus d’aides financières mais de retrouver un environnement, de l’activité et un carnet de commandes ouvrant des perspectives de développement, d’investissement et d’embauches ».