Dans une tribune collective transmise à Outremers360, l’association martiniquaise Contact-Entreprises, qui rassemble 320 entreprises de l’île, sonne l’alarme et s’inquiète sur le tournant « plus agressif » des revendications contre la vie chère. « L'urgence est désormais d'arrêter cette folie, avant qu'elle ne cause davantage de dégâts » lance-t-elle, estimant également que « cette crise constitue une opportunité de réévaluation de notre modèle économique et social ».
Une fois de plus, les entreprises martiniquaises se retrouvent au cœur d'une crise liée à la « vie chère », qui a dégénéré en un véritable saccage économique. Depuis le 9 octobre, des pillages et destructions sans précédent ont lieu chaque nuit, alimentés par une haine savamment entretenue depuis longtemps. Des dizaines d’entreprises sont livrées à la vindicte de bandes incontrôlées, démontrant une perte partielle de contrôle de ceux chargés de garantir des conditions propices au développement économique et à l'emploi.
Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact social et économique de cette crise, mais de nombreuses entreprises et de nombreux salariés, qui ne faisaient que remplir leur mission, paieront un lourd tribut. L'urgence est désormais d'arrêter cette folie, avant qu'elle ne cause davantage de dégâts.
Comment et pourquoi en est-on arrivés là ?
Les conflits impliquant des entreprises en Martinique, notamment sur la question du coût de la vie, ne sont pas nouveaux. Le mouvement de 2024, plus agressif, marque cependant un tournant inquiétant, révélant un affaiblissement de l’autorité et des règles communes.
Les syndicats et corps constitués, pourtant essentiels au dialogue social et la connaissance des parties prenantes, ont été exclus au profit d’une association récente, qui s’est auto-légitimée comme porte-parole.
Cette situation, alimentée par des rancœurs contre l’entreprise, affecte toute l’économie, fragilisant aussi bien les grands que les petits acteurs. La société locale paie un prix élevé à ces mouvements destructeurs, tandis que l’image de la Martinique, essentielle pour résoudre les problèmes de fond, se dégrade dangereusement.
Ce climat de violence ne fait qu'accentuer la détresse de ceux qui, comme les syndicats de salariés, sont les véritables représentants de la voix des travailleurs. Écartés dès le départ par les instigateurs du mouvement, ils ont pourtant un rôle clé à jouer dans la préservation de l'activité économique et de l'emploi. Leur exclusion des échanges officiels aggrave les tensions et prive notre société d’un dialogue constructif.
Face à cette crise, il est impératif de donner une voix à celles et ceux qui construisent la Martinique au quotidien. Des femmes et des hommes, entrepreneurs, commerçants, artisans, qui, par leur engagement, souhaitent faire avancer notre pays. Ils sont la colonne vertébrale de notre économie, et leur détermination à créer, innover et soutenir l’emploi est essentielle pour sortir de cette tourmente. Ils doivent être soutenus et entendus dans le dialogue qui s’instaure.
La condamnation des exactions doit être inconditionnelle
La destruction des outils de travail observée ces derniers jours est non seulement condamnable d’un point de vue judiciaire, mais aussi moralement. Dans un territoire où maintenir une exploitation rentable et des emplois est un défi constant pour les chefs d’entreprise, ces actes sont particulièrement graves. Saboter des ressources qui créent de la valeur pour 132 500 Martiniquais est tout simplement criminel.
Il est impératif de condamner ces actes sans condition. Chercher des justifications, qu’elles soient liées à notre histoire douloureuse, à la paupérisation ou à la présence légitime des forces de l’ordre, ne fera que retarder la résolution de la crise. Un retour à l’ordre est une condition nécessaire à la sortie de cette crise. Il est vital d'encourager un dialogue constructif entre les acteurs économiques et sociaux légitimes, en reconnaissant l'importance des entreprises dans notre société martiniquaise.
Il est urgent de trouver des solutions durables à la question du pouvoir d’achat tout en reconnaissant le rôle essentiel des acteurs économiques dans la satisfaction des besoins de la population, tout en assurant leur propre survie et développement.
Comment pourrons-nous nous en sortir ?
Des solutions à impact sont actuellement en discussion, mais il est trop tôt pour les commenter. Nous espérons cependant une sortie rapide de la crise, même si la déstructuration du mouvement rend cela incertain. L’appel à l’État pour une véritable continuité territoriale avec l’Hexagone est légitime. Bien que coûteuse, cette solution pourrait être efficace à court terme et se combiner avec d’autres mesures.
Cependant, il faut veiller à ne pas sacrifier d’autres combats cruciaux, comme la défense de la LODEOM sociale ou du Fonds Exceptionnel d’Investissement, dans un échange désavantageux qui affaiblirait notre fragile économie.
La crise de 2024, mal maîtrisée par tous les acteurs impliqués, est un échec collectif. Elle souligne notre impréparation face à des menaces émergentes, et montre l’urgence d’un changement de modèle social et économique. Il ne suffit plus d’en parler, il faut agir.
Les entreprises de Martinique, toutes tailles confondues, accomplissent un travail remarquable malgré des conditions complexes et difficiles, dues à l'insularité éloignée. Cette situation rend la performance financière incertaine et précaire.
Les politiques RSE des entreprises locales, malgré les difficultés, sont exemplaires. Entre sponsoring, soutien aux associations et mécénat de compétences, leur engagement auprès des bénévoles qui maintiennent le lien social et la solidarité est crucial. Ces initiatives préservent la culture et transmettent des valeurs importantes pour l'avenir du territoire.
Il est nécessaire de mieux reconnaître ces efforts, surtout face à un secteur non-marchand de plus en plus délaissé par une puissance publique en difficulté. Déstabiliser le secteur privé tout en comptant sur lui pour soutenir les associations est incohérent. Ces entreprises jouent un rôle vital et leur contribution au territoire ne doit pas être négligée.
Cette crise constitue une opportunité de réévaluation de notre modèle économique et social. En unissant nos efforts, en établissant des espaces de dialogue réguliers et en tenant compte des besoins de chacun, nous pouvons construire un avenir meilleur pour la Martinique. En mettant en lumière les initiatives locales et l'engagement des acteurs économiques, nous renforcerons notre tissu social et notre capacité à affronter ensemble les défis de demain.
Il est temps de reconstruire, non pas en renversant la table, mais en cultivant le respect, le travail, la confiance mutuelle et une ambition territoriale partagée. La Martinique mérite une sortie de crise rapide, où chacun, qu’il soit entrepreneur, salarié, membre d’une association ou citoyen, joue un rôle actif dans le renouveau de notre île.
Et si nous commencions par ce minimum ?
Les 320 entreprises adhérentes de Contact-Entreprises
Contact-Entreprises est une association martiniquaise loi 1901 créée il y a 30 ans. Elle vise à « promouvoir l’image de l’entreprise et des entrepreneurs en Martinique auprès des élus locaux, de l’État et de ses représentants, des journalistes, des salariés, des étudiants, des scolaires et des jeunes, et d’une façon générale auprès de l’opinion publique ». Elle s’attache à valoriser les entreprises présentes sur le territoire et l’esprit d’entreprendre. L’association compte aujourd’hui 320 entreprises adhérentes, de toutes tailles et de tous secteurs, réparties sur toute l’île. Contact-Entreprises se donne pour mission de promouvoir, communiquer, éclairer avec un seul objectif : réduire l’écart entre la réalité de l’entreprise et les préjugés persistants afin de libérer le potentiel entrepreneurial martiniquais.
Note (1) Emplois, agriculture, industries, secteur marchand et secteur non -marchand - 2023 – Source INSEE
RSE : Responsabilité Sociétale des Entreprises