Sur le logement social en Outre-mer, l’Etat peut compter sur les Sem immobilières

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Sur le logement social en Outre-mer, l’Etat peut compter sur les Sem immobilières

Une centaine d'Epl sont présentes dans les Outre-mer parmi lesquelles une quinzaine de bailleurs sociaux dans tous les départements d'outre-mer (DOM) et en Nouvelle-Calédonie. A eux seuls, ces quinze bailleurs sociaux représentent un parc de 110 000 logements et en mettent chaque année en chantier près de 4 800. Ces Epl représentent 70 % du parc social. Outremers 360, en lien avec la FedEpl, a décidé de s'attacher à décrypter ses problématiques, qui seront déclinés au fil des semaines. Premier acte de cette série consacrée au logement social Outre-mer : le bilan de santé du Plan logement outre-mer 2019-2022 (Plom 2, en référence à son devancier, décliné de 2015 à 2019). De 2015 à aujourd’hui, deux Plans plus tard, la situation du logement dans les Outre-mer reste mitigée, même si les chiffres de 2021 traduisent une volonté d’accélération de l’Etat. Zoom sur le rôle des SEM immobilières par Caroline Acosta,Chargée de Missions Ingénierie territoriale et Outre‑mer.

 

En termes de bilan, les analyses se recoupent dès que les experts se penchent sur le logement dans les Dom. En septembre 2020, la Cour des Comptes avait livré un rapport public thématique sur le sujet, réalisé à partir des informations réunies par les cinq chambres régionales de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion (1). Les premières lignes donnent le ton : « En dépit des efforts déployés ces dernières années, notamment à travers  le premier plan logement outre-mer (PLOM) adopté en 2015, les acteurs privés et publics apparaissent en difficulté pour répondre à la demande – notamment de logements locatifs sociaux et très sociaux – et pour améliorer les conditions de logement des habitants ultramarins. Le parc de logements dans les DROM compte 775 000 habitations pour 2 152 000 habitants, dont seulement 155 000 logements sociaux. Entre 2002 et 2017, il a bénéficié de financements cumulés de l’État, en subventions et en dépenses fiscales, supérieurs à 3,6 Md€. La Cour appelle à repenser profondément les dispositifs d’intervention dont dispose la puissance publique et à les recentrer, dans le cadre du second PLOM, sur la réalité des situations locales et des besoins des populations ».

Echec « paradoxal » de la production de logements

Dans la même veine, un rapport plus récent du Sénat, rendu public le 1er juillet 2021, mené par les sénateurs Micheline Jacques, Guillaume Gontard et Victorin Lurel, dresse un bilan similaire. « À partir de 2015 et de la mise en place du premier PLOM, l'objectif de 10 000 logements construits ou réhabilités par an « a été atteint » en 2016 (10 223 logements financés). Pour toutes les autres années, y compris pour 2020, le volume cumulé de productions neuves et de réhabilitations s'établissait en- dessous de 10 000 logements (8 646 en 2018, 7 304 en 2019, 8 100 en 2020) », peut-on lire. « Cet
échec paraît d'autant plus paradoxal que les années 2011 à 2014, c'est-à-dire les années immédiates avant le PLOM 1, enregistraient des volumes globaux supérieurs à 10 000 logements par an. En 2012,
le volume global de constructions et de réhabilitations s'établissait ainsi à 14 138. Le premier PLOM n'a pas réussi à financer 10 000 logements en construction ou en réhabilitation sur les années 2015 à 2019, alors que ce volume avait été atteint auparavant. À rebours des ambitions affichées, le PLOM 1 n'a donc pas réussi à faire ce qui avait pourtant été obtenu dans les années précédant immédiatement
son lancement ».

La LBU (ligne budgétaire unique) en reflux

Pour changer de braquet et engendrer des résultats à la hauteur des attentes, les sénateurs en appellent à une rupture radicale avec la « méthode descendante » qui a prévalu jusqu’ici « au profit d’une approche territorialisée et concertée ». Il est utile de rappeler que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social, que seulement 15 % y résident, que 160 000 logements sociaux sont recensés sur une totalité de 775 000. Les sénateurs pointent « une politique en manque d’efficacité ».
Dans les collectivités d’outre-mer (Com), l’Etat intervient indirectement, les collectivités déployant leurs propres dispositifs d’aides. Dans les Drom (Départements et régions d’outre-mer), la Ligne budgétaire unique (LBU), rassemblant les crédits budgétaires destinés au logement, a paradoxalement reflué, passant de 270 millions d'euros en AE (Autorisations d’engagement) dans les années 2010 à 216 millions d'euros en 2020. « La LBU fait l'objet d'une sous-exécution récurrente (taux d'exécution inférieure à 90 % de 2017 à 2019). Le manque d'ingénierie de l'État, et non pas seulement des collectivités, ainsi qu'un pilotage défaillant de la part du ministère des outre-mer, expliquent cette situation », assurent les sénateurs. Lors d’un récent comité de pilotage, auquel participait la FedEpl, leS ministères des Outre-mer et de la Transition écologique ont révélé que les dotations en LBU atteindront 242 M€ d’ici la fin de l’année, en nette progression donc par rapport à 2020.

L’Etat à la relance… grâce aux Sem immobilières !

En décembre 2019, Julien Denormandie, alors ministre du Logement, et Annick Girardin, alors ministre des Outre-Mer, signaient avec tous les acteurs concernés, le Plom 2. Parmi les signataires figuraient notamment Action logement, la Banque des Territoires, la FFB, l'Anah, CDC Habitat, la Fédération des élus des Entreprises publiques locales... Dans un communiqué du 22 mars 2021, le ministère du Logement dresse un premier bilan de la première année de mise en œuvre du Plom 2.

Malgré les retards imputables à la crise sanitaire, 8 100 logements sociaux ont été construits ou réhabilités en 2020 dans les Outre-mer, grâce à un « investissement massif de l'État de 215 millions d'euros ». Exposées lors Copil du 20 octobre dernier, les prévision de résultats 2021 en construction neuve visent les 6 000 logements, un chiffre supérieur de 10 % par rapport à 2020 ainsi qu’une forte augmentation de réhabilitations (8 000 engagées en 2021 contre seulement 3 000 en 2020, activité marquée il est vrai par la crise sanitaire). Les Sem immobilières ultramarines sont impliquées dans près de 80 % de ces chantiers. Du côté du PIV (Plan d’investissement volontaire, 1,5 milliard d'euros pour améliorer le parc privé, poursuivre la production et la réhabilitation du parc social et développer le logement intermédiaire dans les territoires d'outre-mer), mené par Action Logement, là aussi, l’effort consenti est sans précédent. Nous le détaillerons plus amplement dans un prochain article.


Stéphane Menu
Caroline Acosta,Chargée de Missions Ingénierie territoriale et Outre‑mer

Où vont les financements ?

La Réunion a bénéficié du financement de la construction et de la réhabilitation de près de 3 300 logements sociaux (65 millions d'euros d'apport de l'État), avec une priorité accordée à la réhabilitation (800 logements contre 140 en 2019, plus la réhabilitation de près de 420 logements insalubres).
En Guyane, plus de 1 400 constructions ou réhabilitations de logements ont été financées l'an dernier (54 millions). En Guadeloupe, 22 M€ ont permis de construire près de 1 450 logements, en mettant l’accent sur l'objectif de 30 % de logements très sociaux dans les conventions d'utilité sociale (CUS) et création d'un organisme foncier solidaire, porté par l'établissement public foncier (EPF) de Guadeloupe. En Martinique, l'État a financé à hauteur de 39 millions d'euros la construction, la réhabilitation et le confortement parasismique d'environ 1 700 logements sociaux. Enfin, à Mayotte, 38 millions d'euros ont rendu possible la construction et la réhabilitation de près de 250 logements.


(1)Le logement dans les départements et les régions d'outre-mer