Sciences : La Guadeloupe à la pointe des solutions variétales contre la maladie du dragon jaune dans la filière agrume

© A. Rival/ Cirad

Sciences : La Guadeloupe à la pointe des solutions variétales contre la maladie du dragon jaune dans la filière agrume

Apparu dans les années 2000, la maladie du dragon jaune ou le Huanglongbing (HLB) est une bactérie qui décime depuis plusieurs années les cultures d'agrumes dans les régions productrices, à travers un insecte vecteur, le psylle. Alors que la Méditerranée est en alerte face à cette nouvelle maladie, la solution pourrait venir à ce fléau pourrait venir outre-Atlantique et plus particulièrement de la Guadeloupe. Le Cirad, dans le cadre du projet TropicSafe a développé une stratégie de lutte reposant sur de nouvelles variétés résistantes. 

 

Détectée pour la première fois en Asie du Sud-Est, la maladie du dragon jaune ou le Huanglongbing (HLB) causant un jaunissement des cultures agrumicultières, s'est répandue dans l'arc antillais en Guadeloupe dès 2012 puis en Martinique l'année suivante et plus récemment en Guyane. Une invasion rapide et agressive qui sera fatale pour la production d'agrumes en Guadeloupe. Estimée à environ 6000 tonnes en 2005, la production a chuté de 60 % en quelques années à peine, suite à la détection du HLB sur l’île. Face au manque  de moyens de lutte, la production d'agrumes sur le territoire a été délaissé au profit d'autres cultures fruitières.

En 2013, un plan d'action nommé Tropicsafe, rassemblant un consortium de 22 partenaires dont le CIRAD dans le but d'augmenter et de renforcer les stratégies de contrôle disponibles de cette maladie.   Aujourd’hui, la seule méthode vraiment efficace consiste à arracher les arbres malades et à les remplacer par des plants sains certifiés, puis à traiter avec des insecticides pour empêcher le retour du psylle. C’est ce que fait le Brésil. Seulement c’est une méthode à forte empreinte écologique et très peu durable. En Guadeloupe, le Cirad s’est tourné vers d’autres solutions, en associant des nouvelles variétés plus tolérantes à la maladie à de nouveaux systèmes de cultures en agroécologie », indique Raphaël Morillon, physiologiste moléculaire et responsable du projet pour le Cirad. 

Avec ses partenaires, le Cirad a analysé au champ en Guadeloupe des porte-greffes et de nouvelles variétés de limettiers (citron vert), de mandariniers, de pomélos, et d’orangers pour évaluer leur tolérance à la maladie.  « Avec ces variétés, nous testons différents types d’itinéraires techniques, poursuit Raphaël Morillon. L’un en agriculture raisonnée, plus économe en intrants et sans pesticides, et l’autre en agriculture biologique. Nos résultats montrent que l’association de ce matériel végétal innovant et de pratiques culturales adaptées permet de tenir les arbres en vie et produire des fruits sur une période d’au moins sept ans ». 

Un espoir de variétés résistantes avec le citron-caviar ? 

Pour le Cirad, il s'agit de mettre au point des variétés résistantes. Un des espoirs des scientifiques réside dans l’utilisation de certaines espèces d’agrumes d’Océanie, comme le citron caviar qui est strictement résistant à la maladie. « Nous cherchons à créer des variétés et porte-greffes complètement résistants au HLB, par hybridation entre ces agrumes résistants et des porte-greffes ou des cultivars traditionnels, comme des orangers, mandariniers, citronniers, pamplemoussiers... Pour identifier ces gènes de résistance chez les parents des futures variétés, nous explorons la grande diversité génétique des agrumes », explique Patrick Ollitrault, généticien et responsable pour le Cirad du projet Horizon 2020 Pre-HLB, dans le cadre duquel sont conduits ces travaux. Pre-HLB vise ainsi à développer sur le long terme ce type de solutions variétales pour gérer la maladie, tout en limitant les risques d’introduction et de dispersion de la maladie dans les vergers d’agrumes européens. La surveillance est accrue.

Actuellement, environ 10 % des surfaces initialement consacrées à l’agrumiculture en Guadeloupe sont en cours de replantation avec du matériel végétal sain certifié. Des essais à plus large échelle sont en cours avec plusieurs agriculteurs. « Mais un important travail d’accompagnement des agriculteurs sur la culture de ces variétés, notamment sur l’irrigation et la fertilisation, reste à faire pour retrouver un niveau de production satisfaisant ». 

En attendant les conclusions de ce projet de recherche, la maladie du dragon jaune poursuit sa propagation dans le monde. Les principaux pays et régions producteurs d’agrumes, à savoir la Chine, la Floride (Etats-Unis) et le Brésil, sont fortement impactés, entraînant à l’échelle mondiale une baisse de la production et une hausse des prix.Première zone de production des petits agrumes, oranges et citrons, le bassin méditerranéen craint lui aussi une introduction de la bactérie car, si la maladie n’a pas encore été détectée dans la région, le psylle – insecte vecteur du HLB – est déjà présent.