Jazzman aujourd’hui réputé, Jacques Schwarz-Bart, fils des écrivains célèbres André et Simone Schwarz-Bart fait l’objet d’une biographie intitulée « Schwarz-Bart, de la littérature à la musique » que signe l’ethnomusicologue martiniquaise Esther Eloidin chez Caraïbéditions. A travers des témoignages et des anecdotes inédites, l’itinéraire de l’artiste guadeloupéen nous est retracé et donne à lire et à méditer sur son parcours quelque peu atypique qui force le respect.
Pas facile de se faire un nom quand on est fils de… Pas facile non plus fuir la voie imposée de nos existences toutes tracées. C’est le difficile choix auquel a été confronté Jacques Schwarz-Bart, fils d’André, Prix Goncourt 1959 pour « Le Dernier des Justes » (Le Seuil) et de Simone Schwarz-Bart, autrice guadeloupéenne célèbre pour son ouvrage « Pluie et Vent sur Télumée Miracle » (Le Seuil, 1972) et Premier Prix littérature monde pour « L’Ancêtre Solitude » (Le Seuil, 2015).
Après des études de droit et de sciences politiques à Paris, Jacques Schwarz-Bart qui se destine à une carrière diplomatique dans l’administration française, se retrouve dans l’antre de la République, à l’Assemblée nationale en tant qu’assistant parlementaire. Histoire de faire ses gammes avant d’entrer au Quai D’Orsay. Mais, à 24 ans, c’est le déclic, il découvre le saxophone et se rappelle qu’enfant il jouait du tambour et côtoyait Anzala, Vélo et Carnot, les « maîtres du ka » dans sa Guadeloupe natale. Il se rappelle également de son appétence pour le jazz qu’il avait découvert en Suisse.
Un jazzman reconnu sur le plan international
Dès lors, sa décision est prise, il se consacrera à la musique et se donnera les moyens d’en faire son métier avec son instrument de prédilection, le saxophone. Pour ce faire, il intègre le Berkeley College of Music de Boston pour se former, avant de se rendre à New-York considéré comme la « Mecque » du jazz américain où il enchaîne les collaborations avec des grands noms de la scène Nu Soul et Jazz tels Herbie Hancock, Bob Moses, David Gilmore, Erikah Badu ou encore Roy Hardgrove…
Son « Gwoka Project », projet mûri depuis longtemps, sera concrétisé par l’enregistrement de deux albums chez Universal « Soné Ka-La » et « Abyss » qui lui permet de devenir alors un leader reconnu sur le plan international. Nos sommes en 2006. En 2011, sa nouvelle création, un septet au nom de « Jazz Racine Haïti » lui ouvre les portes du Festival international de jazz de Banlieues Bleues où il fera l’ouverture. Une représentation filmée et retransmise en direct sur Arte, captée et diffusée par Radio France.
Une musique de résistance
« Jazz Racine Haïti » partira ensuite en tournée et écumera les festivals en Afrique, dans les Caraïbes, au Canada et aux Etats-Unis. Puis un nouvel album « The Art of Dream », sous la forme d’un quartet, verra le jour. C’est ensuite « Jazz Racine Haïti » qui fera l’objet d’un album éponyme en 2014. « Hazzan » sortira en 2018, un « Soné Ka-La,Volume 2 » lui succédera en 2020, suivi du dernier-né « The Harlem Suite », en 2023.
Désormais, Jacques Schwarz-Bart qui vit aux Etats-Unis parle de sa musique comme « d’une musique de résistance ». « C’est le fruit de cultures qui ont été spoliées par l’histoire, qu’il s’agisse des cultures afro-caribéennes, noires américaines ou même hébraïques, sans oublier les cultures gnawa », assure-t-il, lors d’un entretien dans le magazine de jazz Citizen Jazz. « Il y a, reprend-il dans ce même entretien, une résonance entre ma musique, ces cultures et ma vision du monde, qui est aussi politique et sociale ».
Un portrait plein de sincérité
C’est cette vision du monde et ce parcours atypique d’un artiste qui a su bousculer les codes d’un avenir tout tracé que l’ethnomusicologue martiniquaise Esther Eloidin nous fait découvrir. Après « Quatre siècles de chansons grivoises et paillardes aux Antilles –Guyane » paru chez Caraïbéditions, un essai dans lequel elle nous propose une approche anthropo-musicologique resituée dans ses contextes historique, culturel et psycho-social d’un certain répertoire antillo-guyanais, la docteure en musicologie et anthropologie s’attaque à la biographie du jazzman guadeloupéen sous le titre « Schwarz-Bart, de la littérature à la musique ».
A travers des témoignages, des anecdotes inédites et même des partitions annotées, Esther Eloidin parvient à dresser un portrait éloquent et plein de sincérité de ce fils de… qui, au prix de nombreux sacrifices, a réussi à se faire un nom dans la musique et à devenir un des plus performants dans son registre. Un ouvrage à découvrir de toute urgence.
E.B.
« Schwart-Bart, de la littérature à la musique »
Itinéraire du jazzman Jacques Schwarz-Bart
Esther Eloidin
Chez Caraïbéditions
192 pages