La Guyane, souvent caractérisée par sa forêt amazonienne et son port spatial européen, voit depuis quelques années son secteur agricole se développer. En forte croissance, l'agriculture guyanaise bénéficie d'une surface agricole utile qui ne cesse de s'étendre afin de couvrir les besoins de sa population. Thibault Lechat-Vega, 3ème vice-président de la Collectivité territoriale de Guyane, délégué à l’Europe, explique comment le secteur va bénéficier du soutien à la fois de la Collectivité Territoriale de Guyane et l'Union Européenne, pour développer ses filières et tendre vers l'autonomie alimentaire.
Outremers 360 : Vous représentiez la Guyane au Sommet européen des régions et des villes à Marseille cette semaine. Qu'est-ce-que le Sommet européen des régions et des villes ?
Le Sommet européen des régions et des villes est le sommet annuel du comité européen des régions où tous les élus de l'ensemble des régions et des villes en charge de l'Europe se réunissent pour faire le bilan de 'année écoulée. Il s'agit aussi d'établir une feuille de route des années suivantes. Cette année, ce sommet européen des régions et des villes était particulièrement important puisque la Commission Européenne vient de rendre son rapport sur la politique de cohésion. C'était l'occasion de faire le bilan et d'amorcer la nouvelle programmation de façon plus efficace et efficiente dès l'année prochaine.
Outremers 360 : Quel bilan dressez-vous sur la programmation actuelle ?
Pour la Guyane, le défi était de savoir si nous allions réussir à consommer tous les fonds européens et plus particulièrement ceux dévolus à l'agriculture. Mais ce défi est relevé puisque nous arrivons avec un bilan qui est extrêmement positif, nous avons totalement redressé la barre. Nous sommes sur un territoire qui a une trajectoire vertueuse. Nous pouvons avancer que l'ensemble des fonds dédiés seront entièrement consommés d'ici la fin de la programmation.
Outremers 360 : Quelle sera la feuille de route de la prochaine programmation pour la Guyane ?
Dans le domaine de l'agriculture, nous sommes sur de bonnes nouvelles puisque la Guyane bénéficiera d'une enveloppe dont le montant est en augmentation de 16,5%. Une hausse non négligeable car la Guyane est l'une des seules régions qui voit son budget consacré à l'agriculture en augmentation.La Guyane est aussi la seule région où le nombre d'agriculteurs ainsi que la surface agricole augmentent. Il était important de gagner ce combat. Au niveau de la Collectivité, nous allons augmenter de façon très sensible, avec une augmentation de près de 50%, les fonds dédiés au développement économique rural, ce qu'on appelle communément le programme LEADER. Avec le Président Gabriel Serville, nous avons décidé d'augmenter cette enveloppe. C'est déjà une très belle base pour la prochaine programmation. Maintenant, nous allons travailler sur notre programme régional, il s'agit de montrer aux agriculteurs comment nous allons les accompagner les cinq prochaines années. Actuellement, nous travaillons sur le programme national.
Outremers 360 : Au cours de cette semaine, la Commission Européenne a annoncé une enveloppe pour le renouvellement de la flotte de pêche. La Guyane bénéficiera d'une enveloppe de 17 millions d'euros. C'est une avancée pour le secteur?
Effectivement, il faut noter deux éléments : nous avons réussi à augmenter les aides directes alors que la réalité est que le nombre de pêcheurs diminue en raison de la pêche illégale. Le gros sujet était le renouvellement de la flotte. Le Président Junker, lors de sa visite en Guyane en 2015, s'était engagé à ce que l'Union européenne accompagne la flotte de bateaux de pêche qui est vieillissante et ne réponde plus aux normes actuelles. C'est une véritable avancée sur le déblocage de ces aides par la Commission Européenne était conditionnée à la connaissance des stocks en Guyane mais l'Etat ne débloquait pas les crédits nécessaires pour réaliser ces études. Mais avec le Président Serville, nous avions pris ce dossier à bras-le-corps. D'ici la fin de l'année 2022, nous espérons pouvoir traiter les premiers dossiers de renouvellement de la flotte et voir arriver de nouveaux bateaux au service des pêcheurs.
Outremers 360 : Après un an d'absence, le Salon international de l'Agriculture est de retour en présentiel. Quel bilan faites-vous de la participation de la Guyane ?
Ce vendredi était la Journée de la Guyane. Il était important pour moi d'être là puisque cela faisait longtemps que la Guyane n'était pas présente. Etre présente à de tels évènements comme le salon de l'Agriculture est une manière de montrer notre savoir-faire, notre capacité à faire de belles choses. La lumière est souvent mise sur ce qui ne fonctionne pas dans notre territoire. Pourtant, il y a des secteurs qui fonctionnent très bien. En Guyane, l'agriculture se développe et se professionnalise, se structure. On assiste à une diversification des productions. Nous tendons toujours vers cet objectif d'autosuffisance alimentaire, qui est à portée de main. Cela se constate notamment sur la production maraîchère qui dispose d'un très bon de couverture. Les filières élevages connaissent des marges de progression importantes, les objectifs fixés sont en passe d'être atteints. Il est donc important de venir sur ce salon de l'Agriculture pour montrer à la fois au public, aux professionnels et institutionnels, que la Guyane produit de belles choses. Nous sommes prêts à relever les défis qui se présenteront.
Outremers 360 : Quel constat faites-vous de l'agriculture guyanaise ?
En Guyane, il existe des cultures vivrières qui sont encore traditionnelles. Lorsqu'on envisage l'élevage dans l'Hexagone, on imagine des hangars où les bêtes ne voient pas la lumière du jour. En réalité, nous avons une agriculture différente qui se préoccuppe du bien-être animal, une agriculture à taille humaine. En termes de résultats, nous disposons ainsi de produits agricoles, qu'il s'agisse de produits d'élevage ou maraîchers, à forte valeur ajoutée. C'est un atout que l'on doit mettre en avant, même si nous devons encore améliorer la productivité afin de permettre une meilleure rémunération de l'agriculteur et des tarifs abordables pour les consommateurs. Nous ne sommes pas en concurrence avec les régions ou pays-producteurs qui privilégient la quantité. Certes, nous voulons produire afin d'être autosuffisant sur notre marché mais nous mettons également l'accent sur des produits qualitatifs, ce que nous savons faire déjà.
Outremers 360 :Quelles sont les ambitions concrètes pour le secteur agricole ?
Sur certaines cultures comme le maraîchage, nous assurons près de 100% du taux de couverture mais d'autres produits comme le poulet, nous produisons uniquement 5% de ce que l'on consomme. Nous nous fixons l'objectif de doubler le taux de couverture de certains produits de la filière élevage. L'objectif n'est pas d'atteindre obligatoirement un taux de couverture de 100% mais le but est de produire suffisamment des produits hautement qualitatifs et rémunérateurs pour nos agriculteurs. Il faut développer une relation gagnant-gagnant entre le consommateur, les institutions et les agriculteurs. En Guyane, l'un des grands défis est de susciter des vocations, montrer l'avenir possible dans l'agriculture pour les jeunes générations. Pour y parvenir, il faut développer de nouveaux marchés, de nouvelles cultures, de nouveaux produits.
