Saint-Pierre-et-Miquelon : Le complexe inventaire des objets archéologiques

Fourneau de pipe avec décor de personnage chinois assis trouvé dans les eaux de Saint-Pierre-et-Miquelon (n° Drassm SPM23-38) © Teddy Seguin

Saint-Pierre-et-Miquelon : Le complexe inventaire des objets archéologiques

Depuis 2016, les équipes du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) s'efforcent d'inventorier les objets culturels maritimes de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet archipel français, possède une riche histoire maritime marquée par des siècles de pêche et de nombreux naufrages. Toutefois, la collecte et la conservation de ces objets, souvent découverts par des plongeurs amateurs au fil des décennies, posent encore problème. En effet, une partie importante de ces objets est détenue par des particuliers qui ne souhaite pas les rendre, compliquant la tâche des archéologues, rapporte le Ministère de la Culture. 


L’histoire de Saint-Pierre-et-Miquelon est intimement liée à la mer. Colonisé par les pêcheurs européens dès le XVIe siècle, l'archipel a longtemps été au cœur de la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve. Mais la navigation autour des îles est périlleuse, et plus de 1 600 naufrages ont été recensés depuis le XVIIIe siècle. Faute de ressources locales, les habitants ont pris l'habitude de récupérer des matériaux des épaves pour les réutiliser, une pratique qui s'est poursuivie jusque dans les années 1980 avec l'émergence de la plongée amateur.
Cette tradition de réemploi a entraîné l'accumulation de milliers d'objets, remontés des fonds marins et conservés par des plongeurs passionnés. Cependant, la législation française en matière de patrimoine maritime, renforcée en 1989, stipule que ces objets doivent être déclarés et appartenir soit à leur propriétaire légitime, soit à l'État. De nombreux objets restent pourtant entre les mains de particuliers, parfois sans qu’ils soient informés des lois en vigueur.

Vitrine du service des Phares et Balises mixant biens culturels maritimes et patrimoine naturel © Teddy Seguin


Le travail du Drassm et les résistances locales

Depuis 2016, le Drassm mène des campagnes de plusieurs semaines pour inventorier les sites archéologiques sous-marins de l’archipel ainsi que les objets qui y sont associés. Jusqu'à présent, 65 sites ont été identifiés et 2 200 objets ont été recensés dans les musées et chez certains particuliers. Ces inventaires permettent de mieux comprendre l’histoire maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon, en reconstituant les itinéraires commerciaux et en localisant les épaves.
En 2023, le Drassm a réussi à inventorier les collections de quatre particuliers, représentant des centaines d’objets. Parmi eux, des pièces historiques telles que des pipes, bouteilles et même des éléments d’un paquebot échoué en 1971, le Transpacific. Cependant, les deux plus grands collectionneurs de l’île refusent encore de permettre l'accès à leurs collections. Cette réticence empêche la documentation des conditions de découverte de ces objets, ce qui pourrait entraîner une perte irréparable d’informations archéologiques.

Inventaire des quelques centaines de pipes trouvées dans la passe du Nordet, lieu de mouillage des XVIIIe et XIXe siècles à Saint-Pierre-et-Miquelon © Teddy Seguin


Enjeux et solutions

Le Drassm cherche avant tout à documenter ces objets avant que les informations ne disparaissent avec leurs détenteurs. Plutôt que d’entrer dans une voie contentieuse, il privilégie la médiation afin de convaincre ces collectionneurs de collaborer. L'enjeu est double : permettre l'intégration des objets dans les collections publiques et préserver leur contexte historique.
La restitution de ces biens à l’État est envisagée, avec une possible mise en dépôt dans des musées locaux, comme le musée de l’Arche. Ce dernier, reconnu pour son expertise scientifique, pourrait valoriser ces objets dans le cadre de l’histoire de l’archipel. Toutefois, certains collectionneurs restent attachés à leurs découvertes et souhaitent que leurs collections soient exposées dans leur intégralité, une approche que les musées préfèrent éviter pour des raisons de conservation et de contexte historique.

En attendant, le Drassm continue de rendre ces objets accessibles au public via une vitrine virtuelle, contribuant ainsi à la valorisation du patrimoine maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon. 

 


 Damien CHAILLOT