Portrait. José Jacques-Gustave, le Martiniquais qui interconnecte les mondes depuis l'Afrique du Sud

©  DR

Portrait. José Jacques-Gustave, le Martiniquais qui interconnecte les mondes depuis l'Afrique du Sud

Dans le très restreint écosystème international des nouvelles technologies, José Jacques-Gustave n’est pas un inconnu, loin de là. Pionnier et expert en visioconférence embarquée et sécurisée, l’entrepreneur a déjà mis ses compétences au service des plus grands : d'Électricité de France en passant par les Banques Centrales Mondiales. Installé en Afrique du Sud depuis quelques années, il s’impose désormais comme un acteur incontournable de la zone et continue de développer de nouveaux marchés. Retour sur le parcours de ce Martiniquais qui n’a jamais eu peur de rêver grand et en grand.

 

Tout petit, José Jacques-Gustave sait déjà ce qu’il veut faire plus tard : il veut entreprendre, faire de grandes choses, ne pas se limiter. Cette inspiration lui vient alors qu’il est âgé de 13 ans, et qu’il découvre le continent africain. « Nous arrivons en Côte d’Ivoire dans les années 78. Là, je vois des choses à perte de vue... Je suis resté scotché », se remémore l’entrepreneur. « Je me rappelle ce bateau privé de cette compagnie maritime. Il était immense. Beaucoup plus grand que le bateau qui transportait des Martiniquais à Sainte-Lucie. Je me suis demandé comment c’était possible qu’un bateau privé soit plus grand que le bateau qui transportait toute une île. Cela montrait déjà un aspect de l’économie…Quand on a vu aussi grand, il est difficile d’être impressionnable ensuite. C’était ça l’Afrique : cette notion de grandeur, de richesses… ». De retour à la Martinique, Jose Jacques-Gustave essaye tant bien que mal de s’accrocher à ses études. Il y arrive difficilement. « J’ai quand même eu mon BTS, mais ça a été un cauchemar, tout le long », réplique-t-il en souriant. « L’école ce n’était pas pour moi. Il y a des élèves qui ont des facilités et d’autres qui n’ont aucune affinité avec l’école. C’était mon cas. En revanche, j’ai toujours été curieux de l’économie, de la géopolitique et des technologies, à l’instar de l’intelligence artificielle, la blockchain… J’ai toujours suivi cela avec beaucoup d’attention ». C’est ainsi que sa détermination et ses idées l’ont amené à travailler depuis et pour le monde entier.

Partir pour mieux investir

 Son objectif est de s’engager en faveur d’actions de rapprochement des femmes et des hommes pour leur mieux-être et leur développement en abolissant les frontières et les distances. C’est dans cet esprit que José Jacques-Gustave a fondé Meetnoo, en 2016. C’est à travers cette société que sont proposées des solutions adaptées aux institutions et aux entreprises qui doivent utiliser la technologie de visioconférence, en toute sécurité. « Sur le marché, nous avons, par exemple, une offre Zoom, Microsoft Teams. Toutes les personnes qui utilisent massivement ces outils ont besoin d'intégration de ces solutions dans leur système d'informations. C’est ce qu’on peut faire avec une entreprise qui a 1000 employés par exemple. C'est pour ce type de clients que je développe ces services à travers Meetnoo.com, un portail où l’on fournit des solutions d'intégration et de sécurisation puisque la deuxième chose dont les gens ont besoin aujourd'hui, dans un environnement de cyberattaque croissant ».  

À L'origine de l’idée, il s’agissait surtout d’aplanir les frontières entre Paris et Fort-de-France, mais la demande est là, au niveau mondial. C’est ainsi que malgré un contexte diplomatique tendu entre les Etats-Unis et La France en 2002-2003, JoséJacques-Gustave remporte plusieurs marchés avec La Réserve fédérale des États-Unis, la Banque de France, et toutes les autres des pays membres du G7. « Ensuite ? J'ai eu les banques centrales, chaque année. C'était la première fois dans l'Histoire de ces conférences qu’il y avait plusieurs fois le même prestataire. » Parmi les autres clients de José Jacques-Gustave on peut noter le ministère de la Justice ou encore Électricité de France. « L’énergie, c'est la première brique de toute croissance. Nous allons développer de plus en plus de services en direction des commodités, comme on les appelle à l’international, c’est-à-dire l’eau et l’énergie. C’est d’ailleurs par ce même secteur que nous sommes arrivés en Afrique. Aussi, quand je vois que nos îles ne s’intéressent pas aux questions d’autonomie énergétique ou alimentaire, alors que nous avons le soleil, la géothermie…Elles préfèrent importer du pétrole, des conteneurs. C’est ridicule ». À la question « pourquoi ne pas entreprendre en Martinique », la réponse est sans équivoque : « C’est difficile, voire impossible. C’est quoi un entrepreneur ? C’est quelqu’un qui prend des risques, qui met son argent pour aller faire du développement. Là-bas, l’économie est tenue par les mêmes et le plafond de verre est trop bas. Mes amis entrepreneurs, qui sont sur place, sont courageux et déterminés. Moi, j’ai choisi de me développer à l’extérieur, même si je ne veux jamais perdre l’interface locale ».

 Des entrepreneurs inspirants et inspirés

 Pour José Jacques-Gustave, l’avenir passera par l’économie immatérielle, la quête d’indépendance énergétique et d’autosuffisance alimentaire.  « Où voulez-vous aller avec une économie aussi dépendante, avec toujours plus de conteneurs ? » questionne l’entrepreneur.

 « L’économie immatérielle peut générer plus de revenus qu'il n'y a d'habitants. Avec G2J (NDLR : ancienne entreprise revendue en 2012), nous générions plus de 300 000 euros de chiffre d’affaires mensuel et rentable. Regardez des parcours comme celui d’Olivier Laouchez, co-fondateur de Trace TV. Nous ne savons pas accueillir, faire rester nos champions alors qu’ils existent ». Mais José Jacques-Gustave, en " Afroptimiste"  comme il se définit lui-même, voit cependant quelques changements depuis quelques années. « Il y a une réussite qui n’est pas innocente : c’est celle de Meridiam de Thierry Déau », explique l’entrepreneur. « C’est nouveau dans le paysage. Cette accumulation de capital aux mains de gens qui sont des entrepreneurs dans le sens noble du terme est en train d'amener beaucoup d’espoirs. Pas seulement à travers l'entrepreneur, mais à travers la vision, à travers tout ce qui se dégage comme idéologie. Quelqu’un qui va vers des marchés étrangers, où il y a déjà de la concurrence, pas d’entre soi, doit être très bon. Les jeunes entrepreneurs se disent : s’il fait ça, je peux faire beaucoup plus ». C’est donc un écosystème en pleine maturation qui serait en train de se construire. Un écosystème qui ne viendrait pas des territoires insulaires mais des insulaires eux-mêmes, en dehors de leurs territoires. JoséJacques-Gustave suit cela de très près. Régulièrement il est sollicité par de jeunes entrepreneurs ultramarins ou de l’Hexagone. « Je prends toujours le temps de discuter, d’échanger, de coacher aussi… C’est parce que des personnes m’ont donné ma chance que j’en suis là ; Parce que j'ai rencontré des personnes inspirantes aussi. Dès que je le peux, je donne leur chance aux autres. Parfois, on est déçu. Parfois on a de belles réussites. J'ai, par exemple, 3 jeunes qui ont commencé tous jeunes avec moi, en stage. Il y a deux ans, ils ont réalisé la plus grosse levée de fonds dans le secteur de l’éducation nationale : 30 millions d’euros » conclut l’entrepreneur qui, s’il devait donner un conseil, reviendrait sur la nécessité de protéger ses concepts. « J'ai eu l'occasion de pousser des concepts qui n’étaient pas ma propriété et forcément dès que cela prospère, c’est vous le problème. Désormais je protège mes concepts. Dans ‘Meetnoo’, il y a ‘nous’. C’est ma revanche ».

© Fotolia – demerzel21

 Des pays forts dans leurs cultures pour une meilleure économie

Si José Jacques-Gustave a décidé de s’installer en 2019 en Afrique du Sud, après avoir vécu en France ou en Chine, ce n’est pas par hasard. « L’axe Afrique-Asie se développe. Je suis convaincu du potentiel de cette zone. Je cherchais à m’implanter dans la région ; dans un pays qui possédait un aéroport international où je pouvais me rendre à Washington, à Singapour ou en France rapidement, à des prix intéressants, et un bon environnement de travail ». C’est ainsi que l’entrepreneur a commencé à mettre à disposition des entreprises de cette nouvelle région, son expertise depuis 2018. « Personne ne nous connaissait en Afrique, aujourd’hui notre expérience est aujourd’hui validée. Je peux désormais présenter un bilan positif et nos clients sont capables de dire pourquoi ils nous payent tous les mois, combien ils ont économisé... ».

L’objectif est d’aujourd’hui aller plus loin dans la digitalisation de ces sociétés. Pour Jose Jacques-Gustave, l’heure n’est pas au pessimisme, bien au contraire. « L’Afrique voit tout en opportunités et son rôle sera de plus en plus important », soulignant aussi la vitesse d’évolution de pays situés en Afrique du Sud et en Afrique de l’Est. J’ai remarqué au fil de mes voyages que les pays qui restaient très forts dans leurs cultures tout en s’ouvrant au monde s’en sortent mieux. Avec le reste du monde, on a plus de chances de gagner ». Parmi les pays qu’il suit avec attention : l’Éthiopie et le Rwanda. Plus loin encore, les exemples de la Corée du Sud et de La Barbade ne sont pas à négliger pour l'afro-optimiste.

Abby Said Adinani