La Mahoraise Chaybia Maftaha veut connecter les étudiants ultramarins à la réussite grâce à son association UM-Mentor

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La Mahoraise Chaybia Maftaha veut connecter les étudiants ultramarins à la réussite grâce à son association UM-Mentor

Depuis quelques mois, une nouvelle association ultramarine a vu le jour : UM-Mentor. À l’origine de cette initiative : Chaybia Maftaha, une jeune étudiante mahoraise, qui souhaite lutter contre l’isolement et les nombreuses problématiques rencontrées par les étudiants ultramarins, une fois installés dans l’Hexagone pour leurs études supérieures. Conçue pour accompagner ces jeunes en les mettant en relation avec des « mentors » eux-mêmes issus des Outre-mer, déjà ancrés dans la vie professionnelle, UM-Mentor a fait ses preuves avec une première promotion composée de 11 étudiants et 23 mentors. Forte de ces résultats encourageants, une nouvelle promotion sera lancée dans quelques mois. L’appel à candidatures est déjà ouvert.

 

Si vous êtes un étudiant ultramarin en début ou en fin de parcours dans l’Hexagone et que vous ressentez le besoin d’un accompagnement personnalisé — quelqu’un qui vous aiderait dans vos démarches administratives, dans votre orientation professionnelle, ou simplement qui serait là pour vous écouter dans vos moments de doute — alors UM-Mentor a sans doute été conçu pour vous. « C’est un programme pensé par et pour les jeunes ultramarins », explique Chaybia Maftaha, la fondatrice de l’association. À 23 ans, la Mahoraise, actuellement en alternance dans le secteur du développement commercial et de l’entrepreneuriat social, a déjà eu plusieurs vies. « Quand je suis arrivée dans l’Hexagone à 16 ans, j’étais toute seule. Je pensais que tout allait bien se passer. Mais la réalité m’a très vite rattrapée. Pas de famille, pas de réseau, pas de connaissances sur le fonctionnement de la fac, du logement, de l’administration. J’ai arrêté mes études au bout de deux mois. J’ai dû travailler pendant quatre ans… Personne ne m’a jamais expliqué que je pouvais me réorienter, que je n’étais pas obligée d’abandonner… J’ai connu la précarité extrême. » Cette expérience, brutale, forge sa volonté de créer cet espace où les jeunes pourraient être aidés dans leurs parcours. « J’ai découvert le mentorat par hasard, dans le cadre professionnel. Et je me suis dit : mais pourquoi est-ce qu’on n’a pas ça pour nous, pour les étudiants ultramarins ? »

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Six mois plus tard, UM-Mentor propose trois axes dans le cadre de ce programme : un binôme mentor/mentoré, des ateliers collectifs pratiques, et un suivi mensuel rigoureux. La première promotion a fait ses preuves. Les inscriptions sont désormais ouvertes pour la deuxième. Étudiants ultramarins résidant dans l’Hexagone ou mentors issus des Outre-mer peuvent candidater jusqu’au 11 avril, via le lien : https://linktr.ee/ummentor

Une montée en puissance rapide

Lancée en octobre 2024, UM-Mentor évolue rapidement. « J’ai commencé toute seule. Je faisais les plannings, le suivi, l’animation des ateliers, la communication… C’était intense. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être entourée d’une chargée de développement, notamment. Nous sommes dans une vraie dynamique collective. » Cette structuration interne permet d’anticiper la croissance de la deuxième promotion, qui accompagnera, cette fois-ci, 30 jeunes, au lieu de 11. « On a tiré les leçons de la première promo. Là, on distingue deux groupes : les néo-arrivants, qui ont des besoins très concrets — trouver un logement, comprendre comment ouvrir un compte, etc. Et les étudiants en fin de parcours, qui doivent penser à l’après : boulot, retour au territoire, création d’entreprise. » Côté mentors, l’objectif est également ambitieux : « On vise une quarantaine de mentors. L’idée, c’est d’avoir des profils variés, pour répondre à la diversité des situations. »

Cette montée en puissance a pu être rendue possible, notamment grâce à la Fondation Pierre Bellon, qui agit pour le développement humain des personnes en difficulté et soutient des projets en faveur de la jeunesse. « On a été lauréat d’un appel à projets dédié aux initiatives portées par des jeunes de moins de 25 ans. Résultat : trois ans de financement. Ça change tout. Grâce à ça, on va pouvoir renforcer nos outils, nouer des partenariats avec des entreprises, développer des antennes locales pour nos événements en présentiel, et faire appel à des psychologues, ce qui devient indispensable. » UM-Mentor se veut en effet une structure qui répond de manière concrète aux différentes problématiques que peuvent rencontrer les étudiants ultramarins. « J’ai cherché au niveau des dispositifs existants, mais je n’ai trouvé aucune structure qui propose un mentorat spécifiquement destiné aux jeunes ultramarins, ouvert à tous, sans critère de filière ou d’école. »

Trouver des mentors qui comprennent les enjeux des jeunes des Outre-mer était également une nécessité pour la jeune femme. « Quand un mentor te dit “je suis aussi passé par là”, ça nous parle. Ce sont des personnes qui connaissent le stress du premier hiver, la peur de ne pas faire assez bien, la distance avec la famille, la difficulté à se projeter dans un avenir professionnel… »

Les ateliers, eux, abordent des thématiques concrètes : gestion du budget étudiant, outils de candidature, organisation de la vie quotidienne, équilibre entre études, travail et vie sociale. « L’idée, c’est d’être très pragmatique. Aujourd’hui, j’anime la majorité des ateliers, mais à terme, on va faire appel à des intervenants spécialisés, à d’autres mentors et à des partenaires. » Le dernier partenariat en date a été noué avec le réseau professionnel Jeunesse Outre-Mer, « une structure qui accompagne les jeunes ultramarins dans la création et le développement de leur réseau, à travers des actions, des temps d’échange et une approche concrète du réseautage. »

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Un projet inclusif pour tous les Outre-mer

Même si UM-Mentor a naturellement attiré, dans un premier temps, un public majoritairement mahorais, Chaybia Maftaha tient à ouvrir la structure à tous les territoires d’Outre-mer. « Je suis très fière de voir que les jeunes mahorais me font confiance mais j’aimerais voir plus de jeunes venus de La Réunion, de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Saint-Pierre-et-Miquelon… UM, c’est pour Ultramarin. On veut vraiment que les étudiants de tous les territoires s’approprient le programme. L’enjeu, c’est de créer un espace commun, une grande maison, où chacun se sent légitime et soutenu. »

Le programme s’inscrit dans la durée. « À la fin de leur parcours, on ne dit pas aux étudiants : bon courage, au revoir. On leur propose de continuer à participer aux ateliers, aux rencontres, aux initiatives. Certains binômes choisissent de prolonger l’accompagnement. D’autres deviennent eux-mêmes mentors ou bénévoles dans l’association. »

Le programme prévoit, en effet, un suivi mensuel. « Pas pour fliquer », insiste la fondatrice, « mais pour s’assurer que les objectifs avancent, que les jeunes ne sont pas seuls avec leurs problèmes. Grâce à ça, on a pu détecter des situations très graves et orienter les jeunes vers les bons interlocuteurs. »

Derrière ce projet associatif, un projet de vie. L’ambition est claire : pérenniser les programmes. Aujourd’hui, l’association prend entre 10 et 15 heures de travail par semaine à la jeune étudiante en alternance. « Je sais que c’est une étape. Je pose les fondations pour qu’un jour, l’association fonctionne sans moi. J’aimerais que dans quelques années, UM-Mentor soit reconnu comme un acteur-clé de l’accompagnement des étudiants ultramarins : une référence, un réflexe, pour qu’un jeune qui prépare son départ puisse se dire : “Je vais contacter UM-Mentor.” »

Abby Said Adinani