La Guadeloupe s’enlise dans ses eaux usées

La Guadeloupe s’enlise dans ses eaux usées

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Installations non conformes, vieillissantes ou inexistantes: la Guadeloupe souffre d’un système défaillant d’assainissement de ses eaux usées souillant l’environnement, au point d’inquiéter les autorités de cette île touristique qui ont annoncé un plan pour redresser la barre.

La question des eaux usées sans traitement est « un crime commis contre la biodiversité locale », souligne Harry Olivier, président d’une association d’usagers de l’eau.

Dans l’île, 56% des habitants sont raccordés à un réseau d’assainissement non collectif. « On estime à 350 ou 400 installations, mais seules 250 sont référencées, dont 80% dysfonctionnent », détaille Hugues Delannay, directeur adjoint de l’Office de l’Eau de Guadeloupe.
Les eaux usées s’écoulent dans les ravines, et souvent des riverains se plaignent de l’odeur ou de flaques sales dans les rues.

Quant à l’assainissement collectif, sur la quarantaine de stations d’épuration de l’île, seules sept ont été déclarées conformes en 2019 par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Déal).
Parfois la machinerie est obsolète, parfois c’est l’organisation de la gestion de ces stations qui défaille. Souvent l’auto-surveillance (imposée par la loi aux collectivités compétentes) n’est pas ou mal appliquée et la qualité des rejets non mesurée, explique Guillaume Steers, chef du Pôle Eau à la Déal.
« Certaines stations dans les communes sont anciennes mais d’autres ont moins de cinq ans », détaille-t-il. « En 2018, l’âge moyen de ces stations en Guadeloupe était de 13 ans. Or, la durée de vie pour ces ouvrages est estimée à 30 ou 40 ans ».

Du côté de l’assainissement non collectif, « depuis deux ou trois ans, on parvient à bloquer des projets de construction dont les raccordements à des systèmes d’assainissement n’étaient pas prévus », souligne la Déal.

La justice saisie

Entre 2019 et 2020, 13 arrêtés préfectoraux de mise en demeure à l’encontre des élus locaux ont été signés par les services de l’Etat. Sans que cela soit toujours suivi d’effets, par manque de moyens ou difficultés à établir les responsabilités.
« Néanmoins, une mise en demeure non respectée est un délit », rappelle Guillaume Steers. Le parquet de Pointe-à-Pitre a confirmé à l’AFP avoir été saisi, avec l’Office français de la biodiversité, par la Déal: trois enquêtes à ce sujet sont ouvertes concernant des communes de l’archipel.
La préfecture en août 2019 a signalé quatre établissements publics pour manquement au service public de l’assainissement. « Des enquêtes de gendarmerie sont aussi en cours avec le Comité opérationnel de lutte contre les atteintes à l’environnement (Copolen – qui réunit les deux parquets de Guadeloupe, NDLR) », confirme le parquet.

Dans les instances locales, la situation inquiète. L’Europe pourrait faire payer de chères amendes à la France si la non-conformité des installations se maintient. Mais surtout, les conséquences environnementales et de santé publique deviennent sérieuses dans une île vivant en partie du tourisme.
Début février, l’ARS a dressé un constat alarmant: sur 130 lieux de mesures des eaux de baignade (rivières et mer), près de 20 zones ont vu leur qualité dégradée par rapport à l’année précédente. Et 16 d’entre elles sont de « qualité insuffisante », contre 12 en 2019.

Fin 2020, l’apparition d’une nouvelle maladie corallienne détectée dans les eaux cristallines du territoire fait peser de forts soupçons sur le rejet des eaux usées comme cause importante de la destruction des récifs. « La présence de matières organiques et de nitrates dans ces eaux eutrophisent les milieux », explique Guillaume Steers.

Un nouveau plan d’actions prioritaires se prépare, a annoncé Sylvie Gustave-Dit-Duflo, vice-présidente de la Région, à hauteur de « 170 millions d’euros, avec, cette fois, un volet assainissement ». La naissance annoncée d’une structure unique de gestion de l’eau pourrait aussi aider à pallier le « manque de gestion de l’eau en Guadeloupe, qui rend inefficaces les investissements sur les ouvrages », note Guillaume Steers.
Du côté des particuliers, le bilan est moins prometteur: « Nous avons lancé des appels à projets pour la réhabilitation des installations non collectives regroupées, précise Hugues Delannay. Nous avons eu 26 réponses sur le premier, et sur le second, qui proposait des aides pour des systèmes d’épuration végétalisés adaptés à notre insularité, moins de 5 réponses ».

Avec AFP