Depuis le 1er novembre, la Brasserie Guyanaise a entamé une nouvelle étape de son développement : la production de whisky. Installée en Guyane et connue pour ses bières locales, l’entreprise dirigée par le brasseur et maître distillateur Frédéric Farrugia concrétise un projet mûri depuis une dizaine d’années. Focus avec son interview, par nos partenaires de Radio Péyi.
Il faudra toutefois patienter avant de goûter le fruit de cette initiative. En effet, la réglementation impose un vieillissement minimum de trois ans en fût pour qu’un alcool puisse être commercialisé sous l’appellation « whisky ». Les premières bouteilles devraient donc voir le jour en 2028. Elles porteront le nom de « L’Ile du Diable », en référence à l’une des îles du Salut.
Un processus artisanal et rigoureux
Frédéric Farrugia décrit la fabrication de ce whisky guyanais : « Alors, il se fabrique comme tous les whiskys à base de céréales. Ces céréales vont être brassées, elles vont être fermentées. Donc, ce liquide qui, à l'origine, ressemble plutôt à de la bière, va ensuite être distillé dans un alambique. On va distiller deux fois le même produit pour atteindre un niveau d'alcool satisfaisant. Et à partir de là, on aura ce que l'on peut appeler une eau-de-vie de bière. Ça s'appelle également du new make. Il n'y a pas de traduction en français, mais cette eau-de-vie de bière, c'est elle qui va être mise en tonneau. Et là, on va attendre patiemment que les trois ans minimum se passent en changeant parfois de tonneau ».

Le fondateur détaille également le procédé de distillation : « En prenant ce qu'on avait au départ, c'est-à-dire une sorte de bière. Cette bière, plutôt que d'être mise en bouteille, va donc être chauffée dans un alambique. Le chauffage va faire sortir les vapeurs et les vapeurs sont principalement constituées d'alcool. Donc, ces vapeurs vont être concentrées dans le chapiteau en cuivre. C'est ça qui est très impressionnant, c'est de voir ce chapiteau en cuivre qui va permettre de concentrer les vapeurs d'alcool. Et ensuite, ces vapeurs d'alcool qui vont être suffisamment chaudes vont aller jusqu'au condenseur. Et le condenseur, c'est tout simplement un refroidisseur. Donc, les vapeurs vont se condenser, c'est-à-dire qu'elles vont repasser sous forme liquide après être passées sous forme de gaz. Et donc, ce liquide, qui est principalement constitué d'alcool, va être ensuite récupéré au niveau du porte-alcoomètre. Et là, on va pouvoir séparer les différents alcools qui sortent de notre appareil. Et en fonction, bien sûr, de ce que l'on va garder ou récupérer ou jeter, on va pouvoir justement sélectionner le meilleur. Et le meilleur, c'est ce qu'on appelle la bonne chauffe. La bonne chauffe, c'est ça qui va ensuite être mis en tonneau ».
Un nom chargé d’histoire
Le whisky guyanais portera le nom de « L’Ile du Diable », clin d’œil à la célèbre île des îles du Salut, mais aussi à une page méconnue de l’histoire locale. Frédéric Farrugia explique cette inspiration : « On s'est raccroché à des histoires de pirates qui, au tout début du 17e, 18e siècle, sont venus en Guyane. Et ces rebelles, ces contrebandiers, ces forbans, ces gens un peu hors la loi, distillaient un peu tout et n'importe quoi dès qu'ils mettaient le pied à terre, tout simplement pour se faire de l'argent, pour pouvoir survivre dans leur illégalité. Et en partant de là, on s'est dit que c'était quand même finalement une pas si mauvaise histoire que ça, parce que ces gens-là étaient contre le système. Il y avait même parfois des pirates qui étaient de couleur noire. Ça, il faut quand même le savoir. Il y a vraiment une diversité de populations et peut-être même des femmes au sein des équipes de pirates. Donc, ça veut dire qu'on était déjà sur des gens très ouverts par rapport à l'époque qui étaient beaucoup plus durs, finalement. Donc ces gens, ces hommes, ces femmes ont posé le pied en Guyane, ont fait des incursions, ils ont distillé. On s'est dit que c'était une belle histoire que l'on pouvait essayer de recomposer en disant que finalement, on n'est pas les premiers à faire du whisky en Guyane, mais on ne fait que reprendre l'histoire de ces rebelles qui étaient là bien avant le bagne et même tout au début, avant le début de l'esclavage en Guyane ».























