Investissement de l'État en Outre-mer : il faut « mieux écouter les collectivités », selon un rapport déposé à la Commission des finances du Sénat

Investissement de l'État en Outre-mer : il faut « mieux écouter les collectivités », selon un rapport déposé à la Commission des finances du Sénat

Les sénateurs Stéphane Fouassin (groupe RDPI, Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, La Réunion) et Georges Patient (RDPI, Guyane), rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Outre-mer », ont présenté début octobre à la Commission des finances du Sénat leur rapport d’information intitulé « Soutien de l'État à l'investissement des collectivités ultramarines ». Si les auteurs reconnaissent que les dispositifs existants présentent un réel intérêt, ils préconisent également de renforcer la participation des collectivités aux décisions d’attribution des subventions d’investissement de l’État, et de simplifier l’accès aux outils de soutien à l’ingénierie locale, entre autres.

En 2024, les collectivités ultramarines affichent des niveaux d’investissement particulièrement élevés. Dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM), les dépenses d’investissement atteignent en moyenne 1519 euros par habitant, répartis entre 822,5 euros pour les régions, 75 euros pour les départements et 622 euros pour le bloc communal. À titre de comparaison, ce montant s’élève à 1155 euros par habitant dans l’Hexagone. Cette différence s’explique notamment par la nécessité de renforcer la convergence économique entre les territoires ultramarins et hexagonaux.

Toutefois, souligne le rapport, « les contraintes pesant sur les dépenses de fonctionnement des collectivités ultramarines limitent les recettes d’investissement, notamment le coût élevé de la vie en Outre-mer, ainsi que les charges de personnels supplémentaires dues aux rémunérations spécifiques attachées aux fonctionnaires ultramarins ».

En ce qui concerne le soutien de l’État à l’investissement local, il pourrait être mieux mobilisé, relève le document : « La répartition des fonds contractualisés dans le cadre des CCT (contrats de convergence de transformation, ndlr) dans chaque collectivité ultramarine est relativement déséquilibrée. Par exemple, les montants investis par habitant en Guyane, de 1702 euros en moyenne entre 2019 et 2023, et de 1949 euros entre 2024 et 2027, sont étonnamment bas, au vu des enjeux importants en termes d’investissement de ce territoire soumis à des contraintes géographiques très fortes ».

Par ailleurs, les rapporteurs observent que plusieurs facteurs conjoncturels ont freiné la mobilisation des crédits liés aux CCT : la signature tardive des contrats, les perturbations liées à la crise sanitaire, la priorité donnée à l’engagement et au paiement des crédits du plan de relance au détriment de ceux du CCT — entraînant ainsi un effet d’éviction — ainsi que les mouvements sociaux survenus fin 2021 aux Antilles et dans le Pacifique. Parmi les autres difficultés structurelles rencontrées, on peut noter également « la gestion d’un grand nombre d’opérations ; le manque de maturité de certains projets contractualisés au début de la période, rendant impossible l’engagement et le paiement des crédits pourtant disponibles ; et le défaut de structuration et d’organisation de l’ingénierie publique pour la réalisation des opérations ».

Sur le plan des décisions de subventions d’investissement de l’État, le rapport regrette qu’alors qu’un plan de convergence a été établi en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, aucun accord de ce type n’a été signé à Mayotte, en Guyane ni dans les autres collectivités d’Outre-mer. Cette absence de plan de convergence et de transformation, reposant sur un consensus entre les collectivités locales concernées, constitue selon les auteurs une lacune regrettable. « Les élus sont pourtant les mieux à même de définir les projets prioritaires dans leurs territoires. Il est de plus très difficile de faire aboutir un projet en l’absence de portage politique local », déplorent-ils.

En outre, face à la diversité des dispositifs existants, les collectivités les plus en difficulté peinent à identifier par elles-mêmes l’interlocuteur le plus pertinent. Dans cette optique, la création d’un guichet unique d’ingénierie, comme celui mis en place à la préfecture de Guadeloupe par exemple, constitue une solution efficace. Ce dispositif vise à centraliser, au niveau de la préfecture, l’ensemble des demandes d’appui en ingénierie locale afin de les orienter vers les acteurs compétents, au nom des collectivités.

En conclusion, les rapporteurs spéciaux émettent une série de recommandations dont voici les principales : « définir un véritable projet de convergence porté par les collectivités locales pour chaque territoire ultramarin comportant un nombre limité de priorités structurantes d’investissement dans les contrats de convergence et de transformation ; créer un programme budgétaire, au sein de la mission « Outre-mer », regroupant une partie des actions régionales et interrégionales comprises dans les contrats de convergence et de transformation, de nature interministérielle et territorialisée ; organiser plus régulièrement un comité interministériel des outre-mer afin de favoriser la mise en œuvre d’investissements impliquant plusieurs ministères ; et créer un guichet unique de l’ingénierie publique pour centraliser les demandes des collectivités locales aux différents partenaires et intégrer des aspects de soutien à l’ingénierie locale dans les contrats de convergence et de transformation, afin de renforcer la coordination entre les différents acteurs ».

 

PM