INTERVIEW. Saïna Manotte, une voix guyanaise qui porte de plus en plus loin

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INTERVIEW. Saïna Manotte, une voix guyanaise qui porte de plus en plus loin

Autrice, chanteuse, pianiste et maintenant écrivaine, la Guyanaise Saïna Manotte possède plusieurs cordes à son arc artistique. Après une tournée réussie aux Antilles-Guyane et en Côte d’Ivoire à l’occasion du MASA (Marché des arts du spectacle d’Abidjan) où elle représentait la France et avant de repartir pour d’autres aventures musicales ou littéraires, elle s’est arrêtée un moment pour s’entretenir avec nous et nous parler de son dernier album « Dibout », de son univers musical et de son premier roman « Un Zakari et une danse » sorti en juin dernier. Rencontre avec une artiste déterminée et une femme debout.

 

Depuis votre premier album « Ki Moun Mo Sa », fruit de vos multiples expériences musicales, qui se définissait comme un besoin d’affirmer votre identité de femme guyanaise et créole, vous avez fait du chemin, en dépit de la période mouvementée du Covid qui a quelque peu ralenti votre montée en puissance. Pouvez-vous nous en parler ?

Oui, j’ai fait beaucoup de choses depuis le covid. Je ne dirai pas qu’il a « ralenti ma montée en puissance », c’est vrai que c’était compliqué de défendre un album dans les conditions que nous avons connues mais ça m’a aussi permis d’aller vers autre chose. Pendant les confinements, j’ai écrit mon premier roman « Un zakari et une danse ». Ce roman a reçu un accueil encore plus chaleureux que ce que je pouvais espérer. Mme Taubira m’a fait l’honneur d’écrire quelques mots sur mon écriture, c’est énorme ! 

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Aujourd’hui, cette période est derrière vous et vous revenez en force avec ce nouvel album « Dibout » toujours concocté avec la complicité de votre mari et artiste Maxime Bureau dit « Manot ». Que signifie pour vous ce titre ? S’agit-il d’une manière d’exorciser cette sombre période ou est-ce un cri de révolte face à cette hystérisation des malheurs du monde et à ces temps chahutés ?

 « Dibout », c’est une ode à la résilience. Oui, il s’agissait d’exorciser cette sombre période, mais c’était aussi l’occasion de dire que « malgré tout, on reste debout ». Dans l’album, il y a des interludes. Ces interludes-là expliquent un peu où j’ai puisé mon inspiration pour l’écriture de cet album. Chacun traverse des tempêtes, qu’elles soient professionnelles, personnelles, médicales… tout le monde traverse des choses difficiles et pourtant, on est là, débout ! Je voulais qu’on prenne le temps de s’arrêter, de regarder tout ce qu’on a traversé et célébrer notre force.

Vos influences musicales semblent très éclectiques. Par exemple l’album « Dibout » présente des touches plus proches de la scène urbaine avec notamment une présence à vos côtés de Misié Sadik. Est-ce pour coller à l’air du temps ? Qu’est-ce qui nourrit votre univers musical ? 

J’écoute vraiment des styles de musique très différents. Misié Sadik est un artiste que j’écoute depuis le lycée. Pouvoir collaborer avec lui a été un honneur. Ce qui nourrit mon univers musical, c’est exactement ce qui nourrit aussi mon univers littéraire : l’envie de faire voyager celui qui m’écoute ou celui qui lit. Quand j’écris « Ki moun mo sa » et « Dibout », j’invite celui qui écoute à voyager en Guyane et dans des histoires de vie. Quand j’écris mon roman « Un zakari et une danse », j’invite celui qui me lit à voyager dans la Guyane des années 1950/60.

Vous êtes la première chanteuse guyanaise invitée à vous produire au Masa (Marché des Arts du spectacle d’Abidjan), comment avez-vous vécu cette expérience ? 

Ça a été une expérience incroyable ! c’était ma première fois en Afrique et j’étais entourée d’une dizaine de personnes de mon équipe (musiciens, danseurs, manager). J’ai donné deux concerts devant des publics enthousiastes. J’ai senti toute la Guyane derrière moi, j’étais très fière. 

© Saïna Manotte 

Vous êtes férue de littérature. D’ailleurs, vous signez la plupart de vos textes et avez placé dans votre dernier opus un extrait de votre premier roman. Le début d’une carrière d’écrivaine ? Un nouveau challenge dans votre parcours ?

Mon 1er roman « Un zakari et une danse » est sorti en juin dernier. J’ai adoré écrire ce roman. L’expérience est différente de l’écriture d’une chanson, plus longue, plus intense aussi puisqu’on se plonge dans des mois d’écriture. L’héroïne du roman, Nini, fait maintenant partie de moi. Et tous ceux qui ont déjà lu « Un zakari et une danse » se sentent proches d’elle et des autres personnages comme Man Vévé, Idorine, Albert … C’est la magie de la littérature. On s’attache à des personnages, on vibre et on vit des histoires au fil des pages. J’ai aimé cette expérience. Je pense qu’il y aura une suite à tout ça. 

Après être parvenue à une certaine maturité musicale, est-ce pour vous le moment de passer à de nouvelles formes d’expression artistique qui vous permettent de faire passer des messages plus conformes à vos engagements en faveur de la cause des femmes en général, guyanaises et créoles en particulier ?  

Non je ne pense pas que c’est une histoire de moment. C’est surtout une histoire d’envie. J’aime la musique, je suis musicienne, j’ai commencé à l’âge de 5 ans, ça fait partie de moi, donc je fais de la musique. J’aime les mots, j’aime les livres, j’aime écrire, donc j’écris. Demain, je ferai peut-être encore autre chose. 

Propos recueillis par E.B.