INTERVIEW. Mariana Royer, nouvelle présidente du Conseil de Surveillance du Grand Port de Guyane: « Positionner la Guyane en véritable vitrine technologique au niveau maritime »

© Bio Stratège Guyane

INTERVIEW. Mariana Royer, nouvelle présidente du Conseil de Surveillance du Grand Port de Guyane: « Positionner la Guyane en véritable vitrine technologique au niveau maritime »

La Guyanaise Mariana Royer a été élue à la tête du Conseil de surveillance du Grand port maritime de la Guyane. Ce nouveau Conseil aura la mission de définir les actions du GPM pour la période 2024-2028. La chimiste de formation et fondatrice de Bio Stratège Guyane entend redynamiser l’exportation et positionner la Guyane en véritable vitrine technologique au niveau maritime.

 

Vous avez été élue à la tête du Conseil de surveillance du Grand port maritime, comment s’est déroulée cette nomination ?

J’ai été élue à l’unanimité par les dix-sept membres du Conseil de surveillance du Grand Port Maritime de la Guyane. J’étais la seule candidate à la présidence. Tout s’est très bien passé et je remplace, depuis le 5 juillet 2023, l’ancienne présidente Brigitte Petersen.

Quelles ont été vos motivations pour candidater à ce poste ?

Je suis rentrée en Guyane en 2019 pour créer un laboratoire de valorisation des ressources végétales et un projet de « Green Valley » (un lieu dédié à l’économie et à la recherche autour des ressources naturelles locales, NDLR). En tant que Guyanaise et cheffe d’entreprise, j’ai toujours voulu être active dans le développement économique du territoire et le port est la porte d’entrée des flux import-export. Si le port fonctionne, l’économie se porte bien donc forcément, c’est un sujet qui m’a rapidement intéressé.

Vous êtes docteure en chimie, à la tête de Bio stratège, une entreprise de valorisation des ressources naturelles. Comment êtes-vous passé du végétal au domaine maritime ?

Le Conseil de surveillance travaille, certes, dans le domaine maritime, mais la mission relève surtout de questions stratégiques et économiques. Ce sont des plans de développement liés à l’économie du territoire, au port, à sa clientèle. Le Grand port de la Guyane est comme une entreprise qui doit fonctionner. Ce qui m’intéresse personnellement c’est que l’économie dans sa globalité est rattachée à la question maritime. La Guyane demeure assez faible au niveau des exportations, c’est ce qui empêche notre territoire d’être compétitif. Mais de nombreux projets industriels se développent ici et il est essentiel d’impulser une dynamique pour contribuer à accompagner tous ces projets.

© DR

Le développement de l’exportation est un des objectifs que vous vous fixez pour cette présidence ?

Absolument. La Guyane a nécessairement besoin de développer son autonomie en termes d’alimentation et de produire davantage pour exporter et faire connaître la qualité de ces produits à l’extérieur. Ce sont de vrais enjeux pour le territoire à moyens et longs termes sur lesquels il faut vraiment s’impliquer. Nous devons aussi être plus attractifs pour les grands importateurs dont les bateaux font souvent le retour à vide. Pour eux, ce sera bien plus intéressant lorsque l’on sera capable de proposer suffisamment de marchandises pour remplir les containers qui repartent et pas seulement ceux qui arrivent. Il faut s’en préoccuper car si ces transporteurs maritimes se désintéressent de nous, faute de rentabilité, les industriels implantés localement auront beaucoup de mal à être compétitif à l’international. C’est pour moi un enjeu crucial car c’est la viabilité même de nos projets qui est en jeu.

Votre profil de chimiste et votre lien avec la nature peuvent-ils amener le port vers de nouveaux horizons ?

Je pense que oui, il y a des projets de développement d’un pôle technologie et innovation ainsi qu’un projet de valorisation de biomasse maritime. Il y a aussi l’ambition de proposer un laboratoire phytosanitaire, je peux être une guide et une conseillère intéressante à ce sujet.

Vous avez été élue pour un mandat de cinq ans. Quelles seront vos missions en tant que présidente du Conseil ?

En tant que présidente, j’animerai les quatre conseils annuels lors desquels on discutera des projets stratégiques du port, des budgets, des orientations. Ma mission sera d’être à l’écoute des membres du Conseil car il y a des représentants de diverses instances : ceux qui travaillent sur le port, les représentants du personnel, la collectivité territoriale, la chambre du commerce, l’État… Il est important de recueillir l’avis de tous en cas de débat pour aboutir à des conclusions qui font l’unanimité.

Quels sont les projets en cours ou prochainement lancés pour améliorer ce Grand port maritime ?

Il y a actuellement des projets de consolidation et d’agrandissement des quais et un projet de développement d’un port dans l’Ouest. Le pôle innovation sera aussi développé pour porter des initiatives notamment sur la Sargasse. Ces projets pourraient positionner la Guyane en véritable vitrine technologique au niveau maritime.

© DR

Où en est la réflexion autour de la mise en œuvre d’un port offshore à l’horizon 2030 ?

C’est un projet de longue date encore à l’étude. Un port offshore permettrait de résoudre les problèmes liés à l’arrivée de bateaux plus massifs. Le littoral guyanais étant peu profond, l’arrivée de ces navires est compliquée, ce qui pose des soucis car depuis quelque temps, les grands transporteurs maritimes privilégient des plus gros bateaux pour réduire leur empreinte carbone. Le risque serait qu’ils ne puissent plus accoster en Guyane. Une plateforme offshore pourrait donc être une réponse intéressante.

Quel sera l’impact environnemental de ce port installé au large ?

Je ne le connais pas, je n’ai pas encore les études d’impact qui sont en cours. Ce projet est discuté depuis plusieurs années mais nous étudierons évidemment l’impact environnemental pour la faune et la flore maritime.

Les enjeux environnementaux influent-ils sur les décisions prises pour développer le port ?

Toutes les décisions de la grande clientèle du port sont prises en prenant en compte l’empreinte carbone et l’impact environnemental. On est tous dans cette dynamique. Mais il faut arriver à trouver un juste-milieu entre l’intérêt économique et la diminution de l’impact environnemental. Je pense qu’avec un peu d’innovation et d’ingéniosité, notamment grâce à cette plateforme offshore, nous répondrons à ces deux enjeux.

Plusieurs objectifs étaient affichés dans le projet stratégique 2019-2023, notamment la digitalisation vers un port intelligent ou la modernisation des installations. Ces objectifs ont-ils été atteints ?

Plusieurs objectifs ont été atteints. Un gros travail a été effectué, même si l’incident de la grue effondrée a retardé la modernisation du port. Nous allons continuer dans cette voie, il en va de la sécurité du personnel, cela permettra aussi d’avoir une traçabilité complète. La digitalisation est aussi bien entamée. Il y a une vraie volonté de faire de ce port une vitrine en termes de technologie. Le Conseil de surveillance sera là pour appuyer toutes les décisions qui engendreront un développement positif du port.

 

Propos recueillis par Marion Durand.