INTERVIEW. « Je tenais à transmettre leur histoire, leur héritage à la nouvelle génération », confie l’autrice guadeloupéenne Aurélie Bambuck à propos de son ouvrage « Mes Parents, ce couple de champions »

INTERVIEW. « Je tenais à transmettre leur histoire, leur héritage à la nouvelle génération », confie l’autrice guadeloupéenne Aurélie Bambuck à propos de son ouvrage « Mes Parents, ce couple de champions »

Avec son dernier ouvrage « Mes parents, ce couple de champions » à paraître prochainement chez Caraïbéditions, la journaliste autrice guadeloupéenne Aurélie Bambuck veut rappeler aux nouvelles générations l’héritage de ses parents, pionniers d’une longue tradition de réussite olympique des ultramarins. A la veille des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, cet ouvrage remet en lumière les performances sportives et l’histoire de ces deux champions méconnus voire oubliés. Un ouvrage en forme d’hommage et de nature à contribuer à une reconnaissance méritée.     

A la veille des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, pourquoi avoir écrit un ouvrage sur le passé sportif de vos parents, Ghislaine Barnay et Roger Bambuck, estimez-vous que leur carrière et leurs performances n’ont pas été suffisamment mises en lumière ou avez-vous voulu saisir cette opportunité qu’offrent les Jeux à Paris ?

J’ai écrit ce livre sur mes parents à ce moment pour rappeler aux nouvelles générations de sportifs antillais leur héritage. Ils sont les fruits d’une longue tradition de réussite olympique des ultramarins. Mes parents ont fait partie des pionniers. En discutant avec cette nouvelle génération, je constate que Roger Bambuck est un champion oublié voire inconnu et Ghislaine Barnay est une championne totalement méconnue. En tant que fille de champions, je tenais à transmettre leur histoire, leur héritage à la nouvelle génération.

Cet ouvrage « Mes Parents, ce couple de champions », est-il le prolongement de « Barnay Bambuck, des athlètes engagés » consacré aux engagements de vos parents. Des valeurs qu’ils se sont appliquées à défendre pendant et après leur carrière sportive ?

Ce livre est un prolongement plus intimiste que mon documentaire. Je livre ma vision des carrières de mes parents à travers les témoignages qu’ils m’ont fait, mais je raconte également comment j’ai vécu leur engagement politique et sociétal. J’inscris également mes parents dans l’actualité olympique en partageant leur ressenti sur la nouvelle génération des sportifs ultramarins.

Dans ce livre, vous mettez aussi en exergue les combats de vos parents et les obstacles qu’ils ont dû franchir pour prouver qu’un sportif est avant tout un être humain, considérez-vous sur ce point que les choses ont évolué, quel regard vos parents portent-ils sur la situation actuelle des sportifs ultramarins ?

J’en parle dans le livre, mes parents restent des spectateurs attentifs des performances des ultramarins. Ils constatent le chemin parcouru depuis leur époque où le déracinement était indispensable pour poursuivre les rêves d’une vie de citoyen d’une France lointaine. Aujourd’hui les ultramarins sont de plus en plus nombreux à faire le choix de rester dans leur territoire. Mes parents les trouvent chanceux par rapport à eux.

« Olympisme, une histoire du monde », exposition qui raconte la saga olympique à travers les crises, les luttes, les combats majeurs et les exploits des athlètes du monde en cours actuellement au Palais de la Porte Dorée, à Paris, passe sous silence les performances de vos parents alors qu’ils ont été les pionniers antillais olympiques et qu’ils ont fait briller la France depuis les Jeux de Tokyo en 1964 jusqu’aux Jeux de Munich en 1974, que vous inspire cette impasse sur vos parents ? un oubli impardonnable ? Une injustice ? 

Cette exposition va mettre à l’honneur mes parents le 11 juin avec un colloque. J’ai été contactée par les organisateurs pour organiser au mieux ce moment. L’exposition se veut mondiale et pas centrée sur les français, il est donc normal que mes parents ne soient pas dans la présentation générale, ils n’étaient pas sur le podium avec Smith et Carlos, mais le 11 juin, le public pourra découvrir comment deux français ont vécu ce podium. 

En quoi l’histoire de vos parents peut-elle être exemplaire pour les générations futures ?

Mes parents portent les combats d’un autre temps qui persistent encore aujourd’hui comme le racisme. Même si la situation a évolué, ce fléau persiste toujours, et la génération d’aujourd’hui à tout à apprendre de deux anciens sportifs qui ont tout fait pour faire passer leur valeur avant leur couleur.

Que pensent vos parents du passage de la flamme olympique en Guadeloupe, en Martinique et plus généralement dans la plupart des territoires ultramarins. Considèrent-ils cela comme une reconnaissance pour les apports sportifs de ces territoires ? Un juste retour des choses ? Une forme de victoire pour leur contribution en tant qu’athlètes, puis formateurs ? 

Mes parents sont juste contents de voir cette fête olympique qui s’organise et de savoir que les territoires d’Outremer auront pour la première fois l’occasion de faire partie de la fête. Mais ils n’y voient pas un juste retour des choses. C’est simplement une évolution qui va dans le bon sens.

« Pacotille, l’enfant esclave », la BD sur l’histoire de l’esclavage racontée par le prisme des enfants esclaves que vous avez co-écrite, avait une valeur pédagogique, quel est le message que vous voulez transmettre avec cet ouvrage sur vos parents ?

Pour la BD comme pour le livre, je suis dans une démarche de transmission. Avec Pacotille il s’agissait de transmettre l’histoire de mes ancêtres esclavisés, avec le livre je veux transmettre l’histoire de deux sportifs qui ont fait briller une France post coloniale pleine de clichés envers ces français de départements ultra lointains. 

Propos recueillis par Erick Boulard 

« Mes parents, ce couple de champions », d’Aurélie Bambuck

A paraître le 15 juin 2024 chez Caraïbéditions

136 pages