Influence Outre-mer, une association qui vise depuis 2018 à promouvoir l’excellence dans le développement de la carrière des personnes originaires des outre-mer.  Cette association dynamique et discrète propose à ses membres des ateliers de réflexion sur leur carrière, le partage de réseau, et de la solidarité dans le monde professionnel autour de valeurs républicaines et communes. Outremers 360 s'est entretenu avec Laura Gai, nouvelle présidente d'Influence Outre-mer. Elle revient sur les missions de l'association et les nouveaux défis de sa mandature.

-Vous venez d’être nommée Présidente de l’association Influence Outre-Mer, pouvez-vous d’abord nous indiquer la mission de votre association ?

Influence Outre-Mer est une association apolitique régie par la loi 1901 créée le 8 février 2018 et domiciliée à Paris, à destination des (futurs) cadres ultramarins fondée par cinq cadres du public et du privé qui sont partis d’un triple constat : Très peu d’associations ultramarines œuvrent dans la sphère professionnelle, la solidarité caractéristique des ultramarins à tendance à se perdre et il y a des décalages entre les visions de la génération Bumidom et les nouvelles générations

A partir de là, l’association a été créée et a mis en place plusieurs types d’ateliers mensuels : Préparation aux entretiens de recrutement et aux concours de la Fonction publique, échanges autour d’ultramarins au parcours inspirant, réflexion sur la pratique managériale quotidienne (gérer une équipe, courage managérial, négocier son salaire…), participation aux débats publics (politiques de mobilité professionnelle entre les territoires et l’Hexagone, réforme des congés bonifiés, la place de la mémoire, modèle économique des territoires, décryptage du positionnement des Ultramarins lors des rdv électoraux), grands sujets d’actualité (IA, réforme des administrations,)

A ce jour, Influence Outre-Mer a accueilli près d’une centaine de cadres qui agissent en réseau et veulent dynamiser les carrières des originaires d’Outre-mer. Ils pourront ainsi en Hexagone et en Outre-mer peser sur les décisions concernant le développement endogène des territoires.

-Quelles sont les spécificités auxquelles sont confrontées les Ultramarins dans la progression de leur carrière professionnelle en hexagone et en outre-mer ?

Celles-ci varient en fonction des générations et des individualités, cependant il arrive très souvent d’être traversé par les mêmes constats dans sa carrière professionnelle, notamment lorsqu’on se destine à des voies dites d’excellence, sélectives et stratégiques :

• Une tendance à la solitude (choisie) ou à l’isolement (subi) en tant que cadre ultramarin, surtout lorsqu’on travaille dans l’Hexagone, ce qui peut nous éloigner des opportunités
• Par ce travers nous sommes notamment moins à accéder à de hautes fonctions reconnues et visibles
• Ce manque de représentativité constitue non seulement un frein à notre trajectoire professionnelle individuelle, mais il est aussi préjudiciable à l’échelle sociétale, car excluant des instances décisionnelles pourtant essentielles pour notre avenir, celui du vivre-ensemble et des territoires.
• A l’inverse la pluralité des choix de carrière et des parcours ultramarins est source de richesses : Il est important de pouvoir s’inspirer de figures d’aujourd’hui dans notre quotidien professionnel
• En dépit de ces défis, nous ne devons pas hésiter à investir le champ décisionnel en tant que cadres

Au-delà de notre perception de nous-mêmes, il est bien évidemment intolérable qu’encore aujourd’hui, un imaginaire collectif génère des standards discriminants qui nous écartent des voies d’excellence.

Au sein d’Influence Outre-Mer, l’organisation en réseau permet d’échanger sur les différentes opportunités dans les différents secteurs et à se préparer collectivement aux grandes échéances de chaque carrière individuelle.

-D’ailleurs qui sont les membres d’Influence Outre-mer ?

Ils sont principalement en Île-de-France, car nous croyons en la force du contact humain. Désormais avec cinq ans d’activité nos membres comme beaucoup d’Ultramarins, sont revenus dans les territoires ou se sont dispersés sur le territoire national. D’année en année, notre réseau a une plus grande portée géographique. Dans le cadre de nos activités, nous maintenons des liens avec les territoires d’Outre-mer, en abordant des problématiques d’intérêt commun ainsi à plusieurs reprises, nous nous sommes intéressés aux enjeux du « retour au Pays » avec des intervenants aux quatre coins du globe.

-Votre présidence est la troisième de votre association, quelle sera la trajectoire de votre présidence ?

Oui, il y a eu Oudi Serva qui était le premier président et qui s’est entouré d’une équipe dont sa vice-présidente Livia Montero-Villa et la trésorière Danièle Copol pour gérer le lancement du réseau et faire reconnaitre Influence Outre-mer comme association d’utilité publique.

En 2022, Yann Phemius dont le parcours illustre le fruit des actions menées au sein de l’association, a pris la suite et a permis de rajeunir le public en menant notamment des partenariats avec des associations étudiantes.

Fin mars, je me suis portée candidate pour continuer à faire vivre l’association et en particulier promouvoir ses idées auprès de la sphère institutionnelle. Je suis consciente d’être le visage d’une génération de cadres ultramarins en place, qui ne craint pas de gravir les échelons, et qui a soif d’occuper les espaces de décision : je veux mettre à contribution cette vision et rassembler, surtout dans le climat actuel marqué par le retour des populismes, la polarisation des débats, et une culture du vide qui éclipse l’esprit critique.

Influence Outre-Mer s’exprime et s’inscrit dans le paysage associatif à travers sa singularité : force est de constater la tentation d’une uniformisation de la parole ultramarine, dans des cercles composés de forces vives, qui laisse place à une proposition unique d’actions solidaires ou à but culturel, où sont souvent présentés sur le même plan militants, politiques, experts, sans distinction évidente au préalable.

Influence Outre-Mer est un lieu unique où la liberté de chacun n’est plus à démontrer et surtout où l’exigence de son contenu ne plie jamais devant l’écueil du simplisme sous couvert d’accessibilité ou de tendance. A ne surtout pas confondre avec un élitisme condescendant, nous tentons de répondre à une demande et ne pas compromettre les sacrifices et les efforts consentis par nos aïeux, ainsi que ceux à entreprendre pour garantir notre avenir et celui de nos territoires.

Un lieu d’échange, de rencontres et de transmission, valeur partagée par chacun des membres : Influence Outre-Mer répond aussi bien à la demande de progression professionnelle d’un ultramarin en début de carrière ou en reconversion, qu’un profil plus senior et établi qui recherche des échanges nourris et de nouveaux contacts. Influence Outre-mer est ce lieu de jonction entre ces deux profils, favorisant l’échange de bons procédés et d’expériences.

-Quelles sont vos dernières actualités ?

Tout au long de l’année, nous avons participé au projet européen “Youth 4 Outermost Regions” qui a permis à des jeunes ultramarins, suite à la crise en Guadeloupe en 2017, de financer la réalisation de leurs projets, en groupe ou seul.

Nous organisons pour nos membres des ateliers sur des sujets variés. Je peux vous citer nos derniers sujets d’échange : l’intelligence artificielle dans nos pratiques professionnelles, la rémunération (négociation, prime, choc des générations et des secteurs), Comment développer sa créativité professionnelle ? Quelle place pour les ultramarins dans l’espace démocratique, améliorer son image et placer sa voie, manager avec bienveillance ou comment mieux peser en tant que collectif sur la décision des pouvoirs publics sur les sujets ultramarins ?

Dans les prochaines semaines nous nous concentrons sur le développement de la carrière de nos membres en leur apportant un appui solide et de long terme. Enfin nous allons également rencontrer les pouvoirs publics pour mieux faire connaitre notre action.