Après trois mandats comme sénateur de Mayotte, Thani Mohamed Soihili, a été nommé le 22 septembre 2024, secrétaire d'Etat à la Francophonie et aux Partenariats internationaux au sein du Gouvernement de Michel Barnier. Il devient le premier Mahorais à figurer dans un gouvernement français. Deux semaines après sa nomimation, le secrétaire d'Etat à la Francophonie et aux Partenariats internationaux a accordé une interview exclusive à Outremers 360. Pour notre rédaction, Thani Mohamed Soihili revient sur ses premiers pas, après le grand rendez-vous du Sommet de la Francophonie. Il dévoile sa feuille de route ainsi que les différents dossiers qui lui tiennent à coeur, sans oublier les outre-mer avec les langues régionales.
-Juste après votre nomination au Secrétariat d’État à la Francophonie et aux Partenariats internationaux, vous avez commencé par l’accueil en France du XIX° Sommet de la Francophonie. On peut dire que c’est un début sur les chapeaux de roue. Quel était l’objectif de ce sommet ? Qu’en avez-vous retiré ?
Thani Mohamed Soihili : Il est vrai que j’ai immédiatement été plongé dans la matière ! Ce sommet était très important pour la France. D’abord parce que nous l’accueillions pour la première fois depuis 33 ans, dans le lieu emblématique de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts [ndlr : lieu de signature de l’Ordonnance de François Ier instituant le français comme langue officielle du royaume en 1539], puis au Grand Palais.
Ce sommet a rassemblé plus de 100 gouvernements, les 88 membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), mais également des pays invités, organisations, actrices et acteurs de la culture, de l’entrepreneuriat, de la recherche. Près de 50 Chefs d’Etat et de gouvernement y ont participé, ce qui illustre bien le dynamisme et l’intérêt suscité par la langue française, loin des idées reçues !
Il faut le dire : la francophonie, c’est l'avenir. Elle regroupe plus de 320 millions de locuteurs et sera dans 20 ans la troisième langue parlée au monde. Demain, nous serons 750 millions. L’OIF, qui fait un travail formidable sous le Secrétariat général de Louise Mushikiwabo, a accueilli cinq nouveaux membres cette année, preuve là encore de l’attractivité de la francophonie. Nous avions de nombreux objectifs, dont celui d’accélérer la coopération dans les domaines économiques, éducatifs et culturels, en plaçant les jeunes au cœur de notre vision, dans la lignée des annonces du Président de la République, et de l’appel de Villers-Cotterêts.
Par exemple, l'Alliance francophone de la propriété intellectuelle, que j’ai eu l’honneur d’inaugurer, nous a permis là aussi des progrès pour encourager l'innovation et le dépôt de brevets en langue française. Nous avons accéléré les efforts sur des sujets qui me tiennent particulièrement à cœur : l’apprentissage de la langue française grâce à la formation des enseignants, le volontariat, l’employabilité des jeunes francophones, ou une diplomatie féministe. Nous avons créé un programme international de mobilité et d’employabilité francophone, le « PIMEF ». Il permettra de favoriser les échanges entre les 1 100 universités partenaires de l’Agence universitaire de la Francophonie.
Nous avons aussi lancé un programme de volontariat, « Volontaires unis pour la Francophonie », et renforcé notre soutien financier à TV5 Monde pour renforcer la promotion de sa chaîne jeunesse au Maghreb. Pour finir, nous avons lancé deux projets au service de la promotion de l’égalité Femmes-Hommes au sein des pays francophones, dont la création d’un réseau francophone pour l’égalité et les droits des femmes avec ma collègue Salima SAA ainsi que la ministre québécoise Martine BIRON.
-La Francophonie et les Partenariats internationaux contribuent au rayonnement de la France. Quelle est votre feuille de route ?
Thani Mohamed Soihili : Plusieurs enjeux se dessinent. D’abord, il me revient de faire vivre dans le temps cette dynamique d’influence et de développement économique suscitée par ce XIXe Sommet de la Francophonie. Nous travaillerons également à continuer de développer nos efforts d’élargissement de la Francophonie notamment vers l’Asie. Le Cambodge accueillera d’ailleurs le XXe Sommet de la Francophonie fin 2026 et nous étions honorés d’avoir parmi nous ce week-end le Roi du Cambodge.
Je continuerai par ailleurs de porter, aux côtés de Salima SAA, un engagement fort en matière de parité femmes-hommes. A cet égard, l’Alliance féministe francophone, lancée lors du Sommet et pour laquelle la France participe à hauteur de 5 millions d’euros, vise à renforcer la visibilité des organisations féministes de pays francophones en renforçant leurs capacités et leur permettant de participer aux grands événements internationaux. Je m’attacherai par ailleurs à porter la voix des enseignants du français dans le monde. Protéger la diversité des langues, en ligne notamment, et par extension les métiers de la traduction, sera également l’un de mes enjeux.
-Que comptez-vous faire pour défense des langues régionales, et le développement des territoires ultramarins ?
Thani Mohamed Soihili : La protection du plurilinguisme est l’une des priorités du Président de la République et avait abouti à la stratégie internationale pour la langue française et le plurilinguisme mise en œuvre depuis mars 2018. La création du centre « LANGU:IA », dédié aux technologies pour le français et les langues régionales et financé par France 2030, en est un exemple concret.
Concernant le développement des territoires ultra marins, qui revient au ministère chargé des Outre-mer, l’Agence française de développement est également active. Elle fait partie par exemple du comité de pilotage du « Fonds français pour l’environnement mondial » (FFEM) qui investit particulièrement dans nos Outre-mer, et décline la stratégie « Trois océans », océan Atlantique, océan Indien et océan Pacifique, pour accompagner la réponse aux défis globaux comme la lutte contre le changement climatique.
- Vous êtes le premier ministre mahorais en entrée au gouvernement depuis le début de l’histoire moderne française. À titre personnel, comment appréhendez-vous cette nouveauté ?
Thani Mohamed Soihili : C’est un immense honneur et une grande émotion. J’aborde donc ce défi avec humilité et responsabilité. J’ai grandi à Mayotte la première partie de mon enfance jusqu’à l’âge de 13 ans. J’ai ensuite fait mes études dans l’Hexagone pour devenir avocat et suis revenu à Mayotte pour monter mon cabinet. Ma seule boussole est de ne pas décevoir. Je voulais m’engager et c’est ce que j’ai continué à faire lorsque je suis entré au Sénat, en 2011, au service de nos concitoyens. Devenir Secrétaire d’Etat à la Francophonie et aux Partenariats internationaux est la poursuite de cet engagement, pour mon pays et l’ensemble de nos compatriotes.
- La situation politique actuelle est unique. Comment l’abordez-vous au sein de l’exécutif ?
Thani Mohamed Soihili : Avec l’envie de servir les Français et de leur être utile. Le dépassement politique et l’intérêt général sont les moteurs qui m’animent. Et je suis convaincu que la méthode du Premier ministre, qui est un homme d’expérience et d’apaisement, permettra d’avancer au service de nos compatriotes. Le respect et le dialogue sauront répondre aux attentes des Français !