Innovation en Outre-mer : Sargasse Project ou faire des algues sargasses un biomatériau utile

Innovation en Outre-mer : Sargasse Project ou faire des algues sargasses un biomatériau utile

Sargasse project est une jeune start-up née à Saint-Barthélémy en 2018 et portée par Pierre Antoine Guibout. Son projet repose sur la valorisation des très nuisibles algues sargasses, qu’elle transforme en pâte à papier et emballages divers en carton. Sargasses Projet est lauréat du prix pour l’innovation Outre-mer 2019 de Outremer Network/Bpifrance. Outremers 360 vous propose de découvrir l’état d’avancement du projet.

Juriste financier de formation, Pierre-Antoine Guibout qui a également d’un entrepreneur se lance dans un nouveau projet au cours de l’année 2018. Constatant les effets néfastes des échouages d’ algues sargasses sur le littoral de Saint-Barthélemy, le jeune entrepreneur décide alors de valoriser ces algues en les intégrant dans la composition de la marque de cirage qu’il détient. « Mon objectif premier était de placer un produit considéré comme nocif, nuisible et l’inscrire dans une démarche éco-responsable», nous confie Pierre-Antoine Guibout. Mais les premiers essais ne sont pas concluants! Sans se décourager, l’entrepreneur décide alors d’intégrer les algues dans le packaging de son produit de son cirage.

Pierre Antoine Guibout

Installé dans sa cuisine devenue son laboratoire,Pierre-Antoine Guibout s’est mué en petit chimiste. Après moults tentatives, il parvient à constituer une pâte de sargasses qui une fois séchée, devient du papier. Il poste sa création sur instagram qui rencontre un vif succès.
Pierre Antoine Guibout se rapproche alors du laboratoire CEVA, le Centre d’étude et de valorisation des algues pour faire certifier sa création. Les premiers résultats s’avèrent plus que positifs : ils montrent en effet que la pâte à sargasse a les mêmes propriétés cellulosiques que le papier et carton.«Ce qui a fait ma force dans son projet, c’est de ne pas avoir suivi les codes scientifiques. J’ai un peu fonctionné à l’instinct et puis j’ai amélioré le processus comme je le pensais, en m’affranchissant de certains avis scientifiques. Parfois, il faut regarder toute innovation avec un œil d’enfant. Une fois que le processus a fonctionné, nous nous sommes approchés de laboratoires chargés de valider nos résultats, de les analyser. Nous avons fonctionné un peu à l’opposé de ce qui se fait à la base mais on a peu gagné 5-6 ans».

© Sargasse Project

© Sargasse Project Facebook

Les algues sargasses révèlent également d’autres atouts. « On s’est rapproché d’un industriel qui fait des tests sur les caractéristiques de cette pâte et du papier créé à partir de cette pâte. Il se trouve qu’il possède des propriétés qui sont ultra- intéressantes comme un papier qui ne brûle pas, qui est ignifuge, et qui serait plus solide que du papier ordinaire ».

Tout va ensuite s’enchaîner pour l’entrepreneur et son équipe. Pierre-Antoine Guibout va faire une démonstration très remarquée au Salon Sarg’Expo en octobre 2019 où il prendra contact avec des industriels intéressés par son produit. Le mois suivant, il est lauréat du prix pour l’innovation Outre-mer 2019 de Bpifrance.

Monter une fabrique-pilote en Guadeloupe dès 2021

Pierre-Antoine Guibout est aujourd’hui à la recherche de financements pour monter sa première fabrique de pâte à sargasse et installer son laboratoire pilote en Guadeloupe dès la fin de l’année 2021. « Le projet est d’installer notre fabrique de pâte en Guadeloupe, d’ici la fin de l’année 2021. C’est un objectif très important pour nous. Nous voulons principalement nous positionner dans la fabrication de la matière première. On ne se place pas dans la fabrication du papier. L’implantation en Guadeloupe est stratégique. C’est un territoire dans les Caraïbes avec une surface importante, qui possède des kilomètres de côtes plus importants par rapport aux îles voisines. donc des échouements de sargasses plus conséquents en termes de tonnage». Si l’installation de cette première fabrique est concluante. l’entrepreneur de Saint-Barthélémy prévoit d’essaimer des fabriques dans l’arc antillais (en Martinique, à Saint-Martin) voire en Amérique centrale avec le Mexique qui est lourdement impacté par ces algues sargasses. « La ressource augmente chaque année. En fontion de lieux des échouements, on adaptera nos fabriques qui seront sur de petites fabriques démontables et transposables sur les territoires qui seront impactés et s’adapter au plus près des zones d’échouements, on analysera les courants pour déterminer les prochains lieux d’échouements».

Pour parvenir à ce projet, Pierre Antoine Guibout a multiplié les rencontres avec les industriels mais aussi les élus locaux. Une relation avec les collectivités locales essentielle pour le porteur du Sargasse Project.«Maintenant, nous récoltons nous-même les sargasses car elle nous suffit largement. Dès lors qu’il faudra passer à l’échelle supérieure, on aura besoin de faire appel à des sociétés spécialisées dans le ramassage des algues. Force est de constater qu’on ramasse les sargasses mais on ne sait pas comment les ramasser. Actuellement, il est difficile de trouver une cohésion dans l’ensemble des acteurs chargés de la collecte. A Sargasse Project, on ne se chargera pas du ramassage de la collecte. Nous allons travailler avec des collectivités qui ont, soit des délégations de service publics avec des entreprises, soit par appel à des sociétés privées. Il y aura des processus à suivre dans cet aspect de ramassage afin que nous puissions utiliser ces algues de manière optimale».

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© Sargasse Project Facebook

© Sargasse Project Facebook

© Sargasse Project Facebook

Pierre Antoine Guibout reste serein et confiant dans la poursuite de son projet. « Ces deux dernières semaines, on a beaucoup accéléré car nous avons reçu beaucoup de retours positifs d’acteurs qui veulent travailler avec nous. On commence à tester la résistance du papier, les propriétés mécaniques, on avance bien dessus avec des résultats encourageants. Un brevet a été déposé. Nous avons rencontré des acteurs importants localement, au niveau de la Guadeloupe, comme le sous-préfet, le Préfet qui vont jouer un rôle en termes de connaissance du projet et de l’implantation de notre fabrique. Nous voyons que le sujet plaît, nous sommes bien soutenus localement. On a aussi obtenu une bourse French tech de BPI. C’est important de voir un acteur public comme la banque publique d’investissement nous suit également. Nous avons montré démontré que le projet est viable économiquement et écologiquement»,conclut Pierre-Antoine Guibout.