Il y a 210 ans naissait le Martiniquais François-Auguste Perrinon, premier « homme de couleur » à entrer à Polytechnique

François-Auguste Perrinon (28 août 1812 – 02 janvier 1861) ©DR

Il y a 210 ans naissait le Martiniquais François-Auguste Perrinon, premier « homme de couleur » à entrer à Polytechnique

Originaire de Martinique et métis, François-Auguste Perrinon fut le premier « homme de couleur » à entrer à l’École polytechnique, à une époque où sévissait encore l’esclavage. Il travailla sur le décret d’abolition de 1848 dans la commission formée pour cela par Victor Schœlcher, et devint commissaire général chargé de son application dans son pays natal. Un rôle souvent occulté par l’histoire.

Né le 28 août 1812 à Saint-Pierre en Martinique, d’une femme esclave affranchie élevant seule ses quatre enfants, rien ne prédisposait le jeune François-Auguste au destin exceptionnel qui allait devenir le sien. Un mélange de chance, de hasard et de travail, sans doute. Sa mère rencontre d’abord un monsieur Perrinon, commerçant aisé de la ville, qui l’épouse en 1826 et reconnaît toute sa progéniture. L’aisance financière de son beau-père permet à François-Auguste, dorénavant Perrinon et brillant élève, d’aller à Paris en 1829 pour terminer ses études secondaires.

Et chose incroyable, alors que l’esclavage sévit encore dans les colonies françaises (il ne sera aboli qu’en 1848), François-Auguste Perrinon est admis en 1832 à Polytechnique, la plus importante école militaire française de l’époque et institution d’élite prestigieuse. C’est le premier « homme de couleur » à intégrer ce que l’on surnomme l’ « X ». Il y apprend le métier des armes et la stratégie, mais également les sciences et les techniques, tout en côtoyant la fine fleur de la bourgeoisie et de l’aristocratie française. Il affine aussi son intelligence et son esprit critique en débattant fréquemment de politique avec ses camarades.

« Ma bisaïeule était une négresse de Guinée »

Après Polytechnique, François-Auguste Perrinon sort avec le grade de lieutenant, officier d’artillerie, et entame sa carrière entre l’Hexagone, la Guadeloupe et la Martinique. Dans sa ville natale de Saint-Pierre, il épouse en 1840 la fille d’une opulente « famille de couleur », une mademoiselle Télèphe. Mais il n’oublie pas ses origines, et sa mère ex-esclave. Dans une lettre à Victor Schœlcher, qui lui reprochait de « reculer » devant l’abomination de l’esclavage, Perrinon écrit en parlant des colons : « Non, monsieur, j’aime mieux qu’ils sachent tous que ma bisaïeule était une négresse de Guinée que de leur laisser croire que je cherche, à l’abri de ma position actuelle, à leur dérober les privilèges sociaux de la plus sotte des aristocraties, celle de la peau ».

Après ce malentendu, Perrinon se rapprochera de Schœlcher et deviendra son ami. En février 1848, la IIe République est proclamée à la suite du renversement du roi Louis-Philippe. Perrinon est alors sollicité par Schœlcher, devenu sous-secrétaire d’Etat aux colonies, pour rejoindre la commission devant préparer un texte entérinant la fin de l’esclavage. Le décret d’abolition paraît le 27 avril 1848. Perrinon est promu commissaire général chargé de l’application du décret en Martinique. Mais de manière assez injuste, l’histoire retiendra le nom de Victor Schœlcher en oubliant ceux des autres abolitionnistes, et notamment celui de François-Auguste Perrinon. 

Commissaire général en Martinique

Ce dernier arrive à Fort-de-France en juin 1848, pour gérer dans l’île une situation sociale et économique particulièrement difficile. La plupart des esclaves ont fui les habitations et le secteur de la canne traverse une profonde crise. En application de la loi, il doit superviser le versement d’une compensation financière aux planteurs. Les anciens esclaves, eux, n’obtiennent pas un sou. Perrinon mettra cependant en place des contrats de travail, fixant la durée de labeur journalière à neuf heures maximum. Il instaurera également l’enseignement gratuit et obligatoire.

En décembre 1848, tout va changer pour Perrinon avec l’arrivée au pouvoir de Louis-Napoléon Bonaparte, au profil très conservateur et proche des colons aux Antilles. Deux ans plus tard, le commissaire général est démis de ses fonctions et rappelé à Paris. Après le coup d’État de décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte pour conserver ses prérogatives, Perrinon retourne aux Antilles, plus exactement à Saint-Martin où il avait monté une affaire de salines. Refusant de prêter allégeance au nouveau pouvoir, il est rayé des officiers de l’armée. Affecté et désabusé, il meurt en exil le 2 janvier 1861, à l’âge de 48 ans.

PM