Élu fin 2024, Jérome Canabady-Moutien a pris les rênes du Conseil Régional de l’Ordre des Experts-Comptables de La Réunion il y a six mois. Pour cette nouvelle mandature, il place son action sous le signe de l’innovation numérique, de l’attractivité du métier et de l’ouverture du Conseil à l’ensemble de l’écosystème économique local. Pour Outremers 360, il revient sur son parcours, ses premières réalisations et sa vision pour une profession comptable réunionnaise moderne, attractive et pleinement engagée au service du territoire.
-Vous avez récemment été élu Président du Conseil Régional de l’ordre des Experts-Comptables de la Réunion et membre du Comité Outre-Mer et Corse du Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre parcours et nous indiquer ce qui a fondé votre volonté de vous engager au service de la profession comptable et de l’intérêt général ?
Après une enfance à Saint-Denis et une adolescence dans le sud de l’île, j’ai poursuivi des études de comptabilité et de gestion à Paris. Des événements familiaux m’ont conduit à rentrer prématurément à La Réunion, où j’ai construit ma vie personnelle et persévérer le sur long chemin menant au diplôme d’expertise comptable. Ayant obtenu le titre d’expert-comptable il y a seulement 8 ans, j’ai aussitôt créé mon cabinet ex-nihilo avec l’appui d’une première collaboratrice toujours à mes côtés à ce jour. Le cabinet compte désormais 5 collaborateurs.
Dès le départ, j’ai fait le choix d’installer mon cabinet dans un espace de coworking. Nous sommes toujours dans ce lieu qui est riche de rencontres et d'échanges constructifs au quotidien. Pour moi, c’est un avantage indéniable d’être proche des entrepreneurs venus d’horizons et de secteurs divers et variés et ainsi pouvoir échanger régulièrement avec eux sur leurs métiers, leurs environnements, leurs difficultés et également leurs succès.
Cela exige de notre part de nous adapter et d’avoir une véritable curiosité quant aux personnes qui partagent cet espace. J’ai l’impression que c’est le lieu idéal pour exercer le métier d’expert-comptable, et acquérir concrètement une connaissance plus fine des réalités économiques réunionnaises.
C’est sûrement un peu de là qu’est né mon engagement au sein des instances professionnelles. Parallèlement, et sous l’impulsion de mon confrère Yann Tessier, j’ai tout naturellement commencé à m’impliquer dans la vie de la profession, en faisant notamment partie du bureau du syndicat IFEC à la Réunion avant d’en devenir le Président en février 2023.
Après avoir participé à l’ensemble des réunions nationales et fait vivre la section locale de ce syndicat, j’ai acquis une vision élargie des enjeux de la profession. Cela m’a clairement donné envie d’aller plus loin. C’est dans ce contexte que j’ai décidé de me présenter et que j’ai été élu au Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables en novembre 2024.
-Pouvez-vous nous évoquer les principaux axes de votre mandature et ambitions ?
Ma présidence à l'Ordre des Experts-Comptables de La Réunion est guidée par ma volonté de continuer à promouvoir notre profession auprès de l'ensemble des acteurs institutionnels, économiques et associatifs de notre région. Nous devons également nous positionner comme des acteurs incontournables de la transformation numérique de notre écosystème afin de renforcer l'efficacité de notre accompagnement.
Cette vision se traduit par :
-La défense de l’exercice réglementé, en mettant en avant l’expertise et la valeur ajoutée des experts-comptables auprès des acteurs économiques et institutionnels.
-Le développement numérique, qui vise à positionner les experts-comptables comme les leaders de la digitalisation des entreprises.
-L’accompagnement des talents et des nouveaux métiers, pour préparer la profession aux enjeux futurs et garantir une montée en compétences des collaborateurs.
-L’engagement à renforcer la place de notre territoire dans les instances nationales pour défendre nos intérêts spécifiques et rendre les politiques publiques adaptées aux réalités ultramarines.
Le territoire ne compte aujourd’hui pas moins de 300 personnes inscrites au tableau dont près d’un tiers ont moins de 5 ans d’inscription. La profession est dynamique et se rajeunit. Aussi, je souhaite être ce lien entre cette nouvelle génération d'inscrits et ceux qui ont façonné notre territoire. Mon objectif a toujours été, et le sera encore demain, de rassembler et d'encourager le dialogue entre nos membres, afin de renforcer la cohésion et la solidarité au sein de notre profession.
-Quelle est selon vous la place stratégique de l’expert-comptable dans l’écosystème réunionnais ?
En tant que Président du CROEC de la Réunion, une de mes priorités est d’accentuer nos liens avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème économique réunionnais. Cela signifie nouer des partenariats accrus avec les institutions fiscales, sociales, les organisations patronales, les Chambres consulaires, les réseaux d’entrepreneurs, les fédérations, et bien évidemment avec les autres professions réglementées.
Nous voulons inscrire l’expert-comptable comme un acteur incontournable de l’économie locale. Très concrètement, je souhaite que le CROEC participe aux grands rendez-vous économiques de l’île, qu’on co-organise des manifestations avec des partenaires, et qu’on soit force de proposition sur les sujets stratégiques (fiscalité locale, aides aux entreprises, facture électronique, transition écologique…).
En renforçant notre visibilité et nos synergies, nous ferons rayonner l’expertise-comptable et nous affirmerons notre rôle de partenaire de confiance au service du tissu économique de La Réunion.
Nous apportons une crédibilité financière et une rigueur qui sécurisent la vie des affaires. Nous conseillons des milliers d’entrepreneurs dans tous les secteurs, et à ce titre, nous disposons d’une vue d’ensemble de la situation économique du territoire. C’est donc un atout formidable pour détecter les tendances, les difficultés récurrentes, mais aussi les opportunités de développement.
-Quelles actions avez-vous réalisées depuis le début de votre mandature ?
Dès le début de la mandature, le CROEC est passé à l’action. Nous avions annoncé vouloir innover, et cela s’est traduit par des événements nouveaux dans la vie de la profession locale.
Nous avons ainsi lancé une conférence sur la gestion patrimoniale avec une co-animation de la chambre des notaires, et du barreau des avocats et de notre partenaire CGP. Ce format en forme de table ronde a été ouverte à tout l’écosystème. Ce fut une première à La Réunion et nous comptons pérenniser cette initiative qui a connu le succès escompté.
Nous avons perpétué des actions existantes comme « les jeudis de la création », « les RécréAsso », « les BtoM… ». Mais en les déployant dorénavant dans les microrégions de la Réunion. L’opération « Allo Z’impots » a été, cette année, encore une réussite, avec des accueils physiques sur 5 sites et de multiples interventions télévisées et radios.
Nous avons également innové en nouant un partenariat avec une collectivité de commune qui a alloué une dotation financière à notre institution, afin de déployer un dispositif d’aide appelé « chèque-prestation » à destination des TPE en difficulté, qui leur permet de bénéficier d’une prestation d’expertise comptable.
Sur l’aspect régalien, le conseil et moi-même avons souhaité insuffler une rigueur plus grande quant au respect des règles déontologiques que ce soit au sein des commissions de contrôle qualité, de suivi du stage, de conciliation voire du tableau. La finalité étant de sécuriser à la fois notre exercice vis-à-vis de nos entreprises clientes et de notre confraternité.
Enfin, j’attache beaucoup d’importance à la formation continue des confrères et de leurs collaborateurs. Nous venons de lancer un nouveau cycle de formations annuel par notre IFRS, NUMERIA. Aussi, un nouveau mode de « consommation » de formation sera annoncé lors de notre prochaine Assemblée Générale…
-Quels seront les prochains grands rendez-vous pour la profession comptable réunionnaise ?
Le rendez-vous majeur des prochains mois, sera la Journée KULTUR NUMERIK que nous organiserons le 1er septembre 2025, et qui marquera donc à J-365, la mise en place de la facturation électronique.
Sur cette journée, des ateliers, destinés aussi bien à nos confrères qu’aux dirigeants d’entreprises, auront pour but d’expliquer concrètement les changements liés à l’obligation de facturation électronique et de préparer tout le monde à cette transition incontournable.
Nous voulons que les experts-comptables réunionnais soient les ambassadeurs de cette réforme auprès des entreprises, afin qu’elle soit perçue non pas comme une contrainte administrative de plus, mais comme une opportunité de modernisation des échanges commerciaux.
Par ailleurs, notre Assemblée Générale annuelle se tiendra du 15 au 18 novembre 2025. C’est le moment phare de la vie de l’Ordre. Le Campus s’ouvrira le 15, avec là aussi avec une première, un moment ludique et sportif entre partenaires et confrères sera organisé sur la plage, la soirée d’ouverture sera quant à elle ponctuée par un concert d’un groupe emblématique de la Réunion. Le 17 sera consacré à la partie statutaire de l’Assemblée, et le 18 nous proposerons des ateliers et une conférence économique intitulée « Climat, Tech & Océan ».
Entre ces dates, nous aurons notre rendez-vous annuel de la journée des associations, le 10 septembre 2025, ouvert aussi bien à nos confrères qu’au monde associatif. Mais aussi, la journée bisannuelle du Chiffre et du Droit que l’on co-organise avec la CRCC et le monde judiciaire, procureur, magistrat, brigade financière, permet de faire se rencontrer les personnes et les métiers qui sont indéniablement complémentaires.
Un mot de conclusion ?
Ce n’est que le début ! En six mois, nous avons lancé de nombreuses initiatives pour faire de notre profession un acteur clé du développement économique local.
En étant proactifs, nous pourrons non seulement relever les défis technologiques avec le digital, les défis économiques avec la conjoncture incertaine, et les défis sociétaux qui se présentent. Mais ces défis sont autant d’opportunités pour nous réinventer et renforcer notre position au sein de notre environnement. Il nous faut donc continuer à travailler avec les institutions et les partenaires économiques.
C’est avec cet état d’esprit engagé, ambitieux et ancré dans le réel, qu’ensemble, je n’en doute pas, nous contribuerons activement au développement économique de notre territoire.