Histoire : Eugénie Éboué, seule femme à avoir siégé dans les 3 assemblées de la République

Histoire : Eugénie Éboué, seule femme à avoir siégé dans les 3 assemblées de la République

Qui se souvient de ce nom et de ce prénom ? Encore un peu Félix, son mari, mais Eugénie…. Plus grand monde ne sait quel rôle elle a joué tant aux côtés de son mari, mais aussi en tant que femme politique engagée pour l’égalité des droits des femmes, pour l’égalité de traitement des enfants et plus généralement dans les politiques sociales tant au niveau national qu’au niveau local lorsqu’elle fut élue à Asnières sur Seine.

Eugénie Éboué est née en Guyane en 1889 elle commence sa carrière comme institutrice et c’est en Guyane qu’elle rencontre Félix qu’elle épouse en 1922. Elle accompagne son époux dans ses postes d’administrateur colonial en Afrique où elle décrypte avec Félix la clé du langage tambouriné banda en mettant en avant la musicalité de la culture africaine. Puis c’est en Guadeloupe qu’elle le suivra et accompagnera avec énergie ses engagements pour l’égalité des traitements entre les peuples. Après le ralliement que  Félix Éboué fait comme gouverneur du Tchad auprès de de Gaulle, elle s’engage dans les Forces Françaises Libres comme infirmière, son engagement lui vaudra d’être condamnée à mort par le gouvernement français de Vichy.

 A la mort de Felix Éboué en Égypte en mai 1944, elle continue le combat et ses engagements elle sera en 1945 l’une des premières femmes élues députée à l’Assemblée constituante. Par la suite elle sera élue sénatrice (elle fera partie des 21 premières femmes élues au Sénat) sous la IVème et la Vème République. Eugénie Éboué mènera un âpre combat qui aboutira en 1951 à une loi relative aux droits des enfants nés de mère issues des colonies et qui avaient jusqu’alors un traitement inférieur à ceux nés dans l’hexagone.

Ferventes porteuses de valeurs sociales, elle sera engagée dans de nombreux combats tant en France que dans les territoires ultramarins ou au sein du Conseil Économique et Social de 1959 à 1962. Elle militera pour le droit des femmes au sein de l’Alliance Internationale des Femmes. A partir de 1958 et jusqu’à sa disparition en 1972, elle sera élue municipale à Asnières où elle sera engagée à l’aide sociale, à la protection maternelle et infantile, la ville lui doit par exemple le projet de construction de la piscine et le développement de différentes activités sportives et sociales.

C’est à l’occasion d’un discours prononcé devant le conseil municipal d’Asnières lors de son installation le 19 mars 1965 qu’elle résume sa philosophie et les principes de ses engagements « Laissez votre doyenne qui, en 1940, a vu naître et grandir sous le signe de la France libre l’Union fraternelle de tous les Français rassemblés sous le même drapeau, pour une même patrie, vous dire qu’avec l’union tout est possible. On construit dans la concorde, on détruit dans la discorde. …. Mes chers Collègues, mes chers Amis, pour certains de nous le travail recommence, pour d’autres il commence. Nous l’accomplirons ensemble d’un même cœur, d’un même esprit, sachant que servir Asnières c’est servir la France et la République. … Nous nous retrouvons dans cette salle pour reprendre notre tâche d’administrateurs …. Cette équipe d’hommes et de femmes issus des couches les plus diverses de la population, appartenant aux formations politiques traditionnelles ou bien, personnalités indépendantes, saura garder l’esprit d’union qui nous anime et, j’en suis sûre, le désir de se dévouer et de servir. La diversité de nos opinions sur tels détails ou tels moyens ne sera jamais une source de division quant aux buts que nous voulons atteindre ».

Eugénie Éboué a été bien plus que la femme de Félix Éboué, elle a mené ses propres combats, elle a participé au changement de regard des hommes sur les femmes en politique, elle a porté la voix des premières femmes ultramarines dans les plus hautes assemblées de la République. Sa vie et ses engagements ont incarné les valeurs de notre République. Aujourd’hui son nom est au mieux réduit à quelques centimètres carrés sur quelques plaques de rues, et il est temps que son souhait de pouvoir rejoindre son mari dans l’éternité puisse devenir réalité. Le 20 novembre prochain nous commémorerons les 50 ans de sa disparition. Faisons le vœu que l’on puisse voir ce jour-là Eugénie rejoindre Félix au Panthéon.

Guillaume Villemot