La police colombienne a identifié vendredi un ancien fonctionnaire haïtien du ministère de la Justice comme étant celui qui a informé des mercenaires colombiens que leur mission était d'assassiner le président Jovenel Moïse. Son épouse, Martine Moïse, évacuée à Miami après l’attaque, est quant à elle revenue dans le pays pour les funérailles du défunt chef d’État.
Joseph Felix Badio, « un ex-fonctionnaire du ministère de la Justice, qui a travaillé dans l'unité de lutte contre la corruption avec les services généraux de renseignement », a rencontré deux mercenaires colombiens à Port-au-Prince, a expliqué le général José Vargas, chef de la police colombienne. Lors de cette réunion, les ex-militaires colombiens Duberney Capador -- tué depuis par la police haïtienne -- et German Rivera, qui a été arrêté, ont « été informés qu'ils allaient arrêter le président » haïtien.
Mais « quelques jours avant (le 7 juillet), apparemment trois, Joseph Felix Badio (...) informe Capado et Rivera que ce qu'ils doivent faire c'est assassiner le président de Haïti », a ajouté M. Vargas lors d'une conférence de presse. La police colombienne n'a toutefois pas précisé si Joseph Felix Badio avait agi sur l'ordre de commanditaires ni les raisons qui l'ont poussé à donner l'ordre de tuer Jovenel Moïse.
Jovenel Moïse, 53 ans, a été tué le 7 juillet dans sa résidence de Port-au-Prince par un commando armé. La police haïtienne a arrêté une vingtaine de personnes, dont 18 Colombiens et trois Haïtiens ayant aussi la nationalité américaine. Selon la police haïtienne, avec laquelle collabore la police colombienne, l'assassinat du président haïtien a été planifié depuis la République dominicaine voisine.
Mais de nombreuses zones d'ombre demeurent notamment sur les commanditaires de l'attentat contre M. Moïse, un président largement décrié pour sa dérive autoritaire dans un pays gangrené par la violence et la pauvreté. L'apparente facilité avec laquelle les assaillants sont parvenus à tuer en pleine nuit le chef de l'État continue de susciter la suspicion des autorités. Le chef de la sécurité du président, Dimitri Hérard, et trois autres responsables ont été placés à l'isolement.
Jeudi, la police colombienne a indiqué que des mercenaires colombiens avaient affirmé avoir été recrutés pour capturer Jovenel Moïse et le remettre à l'Agence antidrogue américaine (DEA). Mais les autorités colombiennes n'ont pas exclu qu'ils aient pu être trompés. « Un groupe important (de Colombiens) a été emmené avec une supposée mission de protection. Mais au sein de ce groupe, il y a un groupe plus petit qui avait apparemment une connaissance détaillée de ce qui s'avèrerait une opération criminelle, a déclaré le président colombien, Ivan Duque.
« La 1ère dame Martine Moïse vient tout juste d'arriver en Haïti dans le cadre des préparatifs liés aux funérailles nationales » de son époux, prévues le 23 juillet, a tweeté samedi le secrétaire d'État à la communication, Frantz Exantus. Arrivée à bord d'un avion privé, elle est descendue de l'appareil entourée de garde-du-corps, sous un ciel gris et des bourrasques de vent, selon une vidéo mise en ligne sur internet. Le bras en écharpe, gilet par balles sur ses vêtements noirs, Martine Moïse, 47 ans, a été accueillie par le premier ministre par intérim, Claude Joseph.
Celui-ci a promis de rendre justice à son époux, dont la mort a aggravé le chaos dans ce pays des Antilles, gangrené par la violence et la misère. Dans un message audio diffusé peu de temps après le drame, Martine Moïse avait promis de poursuivre « la bataille » de son époux, dont la dérive autoritaire avait pourtant été critiquée. Plus récemment, elle avait posté des images d'elle sur son lit d'hôpital, et remercié les « anges gardiens » qui l'ont aidée « à tenir bon » après l'assassinat.
Vendredi, une quarantaine de personnes, surtout des femmes vêtues de bleu, l'une des couleurs du drapeau haïtien, s'étaient réunies devant son hôpital, à Miami, avec des pancartes « Soignons Haïti ». « On est là pour prier pour la Première Dame et pour Haïti », avait expliqué l'une d'elle, Regina Martin Archat. Le pays est le plus pauvre d'Amérique et la pandémie a encore aggravé la crise. Des gangs armés multiplient les prises d'otages et contrôlent de facto certaines zones.
Avec AFP.