Guyane : l’amendement du député Jean-Victor Castor obtient entre 125 000 et 150 000 hectares de l’État à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer)

Le député guyanais Jean-Victor Castor ©Assemblée nationale

Guyane : l’amendement du député Jean-Victor Castor obtient entre 125 000 et 150 000 hectares de l’État à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer)

C’est une grande avancée pour l’agriculture guyanaise. L’amendement 502 du Projet de loi de finances 2025 (Code rural et de la pêche maritime) du député Jean-Victor Castor (Gauche Démocrate et Républicaine) a en effet été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale par 86 voix contre 18 : 74 parlementaires se sont toutefois abstenus.

 

Que dit exactement cet amendement ? « Afin d’atteindre l’objectif de 75 000 hectares de surface agricole utile tel qu’inscrit au Schéma d’aménagement régional approuvé par décret en Conseil d’État n° 2016‑931 du 6 juillet 2016, sont transférés à titre gratuit entre 125 000 hectares et 150 000 hectares de foncier de l’État à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de Guyane, jusqu’au 31 décembre 2034. Le foncier est transféré par lot à la demande de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural et exonéré d’impôts pendant 10 ans. »

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 Dans son exposé des motifs, l’amendement constate notamment que la Guyane se trouve dans une situation particulière en France avec 90% de ses terres appartenant à l'État. En 2017, les Accords de Guyane ont conduit à la cession de 250 000 hectares de terres à la Collectivité Territoriale de Guyane et aux communes, et 20 000 hectares à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer).

 Ce territoire, grand comme le Portugal, utilise seulement 0,47% de sa surface pour l'agriculture. « Le taux de couverture alimentaire par les produits locaux (frais et transformés) n’est que de 20%. En effet, si le maraîchage et l’arboriculture assurent 80% des besoins en fruits et légumes frais, l'élevage couvre seulement 20% des besoins en viande bovine, timidement 5% en viande caprine et ovine et moins de 1% en poulet de chair. La riziculture a presque disparu, laissant place à des importations massives, principalement des États-Unis, de l'Inde et du Brésil, ce qui rend la population vulnérable aux variations des prix mondiaux des denrées alimentaires » précise le texte.

  Cette dépendance alimentaire de la Guyane est d’autant plus grave que la population augmente de manière exponentielle. Il s’agit de la région de France hors Mayotte où la croissance démographique est la plus forte (+ 1,6% par an entre 2015 et 2021). Selon l’Insee, au 1er janvier 2050, la Guyane comptera 428 000 habitants, soit un doublement de sa population en près de 40 ans », ajoute l’exposé.

Défendant son amendement à l’Assemblée, le 7 novembre, Jean-Victor Castor a déclaré que « la Guyane constitue un paradoxe : sur ce territoire de 8,4 millions d’hectares, les agriculteurs ne parviennent pas à accéder au foncier. Depuis 2016, le schéma d’aménagement régional (SAR) prévoit 75 000 hectares de surface agricole utile. Pourtant, dans le cadre de l’accord conclu après le mouvement social de mars et avril 2017, l’État n’a cédé que 20 000 hectares à la Safer. (…) Sachez qu’en Guyane, plus de deux tiers des jeunes sortis du lycée agricole ne parviennent pas à s’installer faute d’accès au foncier. L’amendement tend à ce que l’État transfère à la Safer entre 125 000 et 150 000 hectares, ce qui ne représenterait qu’environ 1% du territoire guyanais ».

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 Abondant dans ce sens, l’autre député guyanais Davy Rimane (également Gauche Démocrate et Républicaine) a souligné que « le Gouvernement souhaite s’en tenir à l’accord de 2017 (qui prévoit seulement la cession de 20 000 hectares à la Safer, au lieu des 125 000 à 150 000 hectares mentionnés dans l’amendement, et refuse d'exonérer ces terres de taxe foncière pendant dix ans, ndlr), mais si deux tiers des jeunes ayant fait des études agricoles renoncent à entrer dans la filière, la Guyane ne pourra jamais parvenir à la souveraineté alimentaire ».

Pour Éric Coquerel (LFI-NFP), président de la commission des finances, « l’adoption de l’amendement marquerait une avancée concrète. En outre, les terres dont il s’agit ne sont pas utilisées par l’État ; il est de bon sens de les mettre à disposition de jeunes agriculteurs souhaitant s’installer. Cela résoudra un réel problème et ne coûtera pas cher à la puissance publique ». Au final, l’amendement a été adopté malgré une forte abstention, et le gouvernement a levé son gage (mécanisme intégré à l'amendement qui permet de compenser une perte d'une recette pour l'Etat par une autre taxe, ndlr).

 

PM