Guyane : La Collectivité Territoriale de Guyane adopte la Programmation Pluriannuelle d’Investissement 2024/2028

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Guyane : La Collectivité Territoriale de Guyane adopte la Programmation Pluriannuelle d’Investissement 2024/2028

Près de 4 heures de débats, parfois difficiles, auront abouti à l’adoption de la Programmation Pluriannuelle d’Investissement (PPI) 2024-2028, avec 23 voix pour, 12 abstentions et 4 voix contre pour un budget de 1,3 milliards soit votée hier en séance plénière. Si l’exécutif affirme avoir voulu donner un sens démocratique à cette PPI, sans obligation à ce qu’elle soit soumise aux votes des élus, des élus regrettent que certains pans du développement du territoire ne soient traités à leur juste valeur. Focus sur des éléments d’accords et de dissensions, grâce à la captation de nos partenaires de Radio Péyi.


Des débats parfois houleux, des désaccord nombreux, mais finalement un consensus qui a permis le vote de la PPI par les élus de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG), ce jeudi 29 février 2024.
Certains élus regrettent un manque d’investissement sur le plan social, d’autres, le manque d’ambition sur l’aspect économique, ou encore, l’absence d’un projet fort concernant la complexe problématique de désenclavement de l’Ouest guyanais.
Pour la CTG, cette PPI devait tenir compte de fortes contraintes budgétaires, et de fait, être concomitante au nouveau Contrat de Convergence Territorial et au lancement du nouveau programme de fonds européens.

Le document mentionne l’appui sur plusieurs hypothèses budgétaire sur les 5 prochaines années, comprenant 250 millions d’euros dédiés au scolaire avec le nouveau Plan d’Urgence négocié avec l’Etat, à hauteur de 50 millions d’euros par an, 100 millions d’euros issus des fonds FEDER, ou encore 100 millions d’euros obtenus par les Fonds de Compensation pour la Taxe sur la Valeur Ajoutée (FCTVA), généré par les investissements en maîtrise d’ouvrage.
Une base qui serait alors complétée par un maintien de la capacité d’autofinancement brute entre 60 et 70 millions d’euros de la CTG, une augmentation de son endettement d’environ 15 millions par an, ou encore la recherche de cofinancements supplémentaires à hauteur de 15 millions d’euros par an.

Les grandes ambitions portées par la PPI sont regroupées an 6 axes, avec le soutien aux plus fragiles, l’objectif zéro enfants déscolarisés, un nouveau partenariat avec les territoires, la souveraineté économique, construire la Guyane de demain, et enfin, une collectivité de proximité.
Avec 23 votes pour, 12 abstentions et 4 votes contre, l’adoption de la PPI 2024-2028 reste malgré tout sujet de dissensions au sein des élus du territoire.

Premier exemple avec le chef de l’opposition, Rodolphe Alexandre, pour qui cette PPI avance une somme qui ne pourra pas être tenue : « Financièrement, pour le monde de l’entreprise (…) j’ai cité votre page 17, comme je pourrais citer la page 18, avec des emprunts mobilisés à zéro, avec un besoin de financement négatif, et avec un ratio de désendettement qui ne cesse d’augmenter (…) donc je pense que ce que vous ne dites pas, c’est la botte secrète, et la botte secrète ce sera la négociation avec l’Etat, de mentionner entre 70 et 90 millions d’euros ». 

Une démonstration à laquelle Grégoire Michaux, directeur des services, a rappelé que plusieurs hypothèses budgétaires sont proposées en mentionnant les fragilités financières : « Dans la PPI, il y a un certain nombre de scénarios qui sont faits. Des scénarios où effectivement, on arrive à maintenir les dépenses aux alentours de 2%, et des recettes aux alentours de 2% de croissance, ce qui permet de maintenir sur le long terme la CAF, et puis un scénario qui est celui que vous évoquez, qui est un scénario où la collectivité n’aurait pas de recettes suffisantes, donc une croissante seulement de 1% et des dépenses qui seraient non maitrisées. Donc effectivement c’est un enjeu qui est important, essentiel, mais qui n’est pas ni irréaliste, ni atteignable, c’était simplement de souligner à travers ces prospectives, la fragilité du système. C’est-à-dire que, aujourd’hui la situation financière est bonne, mais si nous ne sommes pas attentifs, effectivement elle peut se dégrader rapidement, notamment sur les dépenses de fonctionnement ».

De son côté, Gabriel Serville, président de la CTG, défend le projet de PPI porté par sa majorité et veut mettre en avant une volonté de débat démocratique, expliquant les raisons de ce vote de confiance : « Si j’étais venu avec un PPI, en vous disant « voilà la PPI que monsieur Serville a adoptée à la majorité, avec ses administratifs et techniciens, vous seriez les premiers à me traiter de manquer du sens de la démocratie et du sens du dialogue. Je viens devant vous avec une programmation, dont je vous dis très clairement que c’est un document établi à titre prévisionnel et indicatif, c’est un document qui a vocation à évoluer avec le temps, et c’est un document surtout qui engage notre responsabilité, parce que je l’ai dit très clairement, la partie n’est pas gagnée d’avance ».

Malgré l’accord de la majorité et le vote en faveur du texte des élus du Mouvement de Décolonisation et d’Emancipation Sociale (MDES), ces derniers fustige un manque de réponse en adéquation avec les enjeux du territoire, comme l’a détaillé Carine Cresson, conseillère territoriale : « Si nous pouvons nous féliciter du montant de cette programmation qui est bien au-delà de celles qui ont pu être établies au cours des mandatures précédentes, nous ne pouvons ignorer certaines de ses insuffisances. En somme, nous considérons qu’elle n’est pas à la hauteur des accords de Guyane arrachés par la révolte populaire de 2017 qui prévoyait notamment un plan additionnel de 2 milliards. Qu’elle n’est pas non plus à la hauteur de la volonté exprimée en 2017 et confirmée ensuite au cours des différents congrès des élus, que la population et la majorité de la classe politique locale souhaite s’inscrire vers une évolution statutaire. Qu’elle n’est pas non plus à la hauteur de l’impérieuse nécessité d’atteindre nos objectifs de souveraineté alimentaire dans ce monde en crise et à la cartographie géopolitique en pleine mutation. Qu’elle n’est pas non plus à la hauteur des enjeux soulevés par l’urgente nécessité de déployer un véritable plan de désenclavement, ça revient pour nous à accepter la mise sous cloche de notre pays ». 

 


 

Damien CHAILLOT