« Grand-Z’Ongle - le maître de l’Invisible » : Quand l’écrivain martiniquais Raphaël Confiant explore le magico-religieux créole dans une « autobiographie imaginée » du plus célèbre des quimboiseurs antillais du XXème siècle

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« Grand-Z’Ongle - le maître de l’Invisible » : Quand l’écrivain martiniquais Raphaël Confiant explore le magico-religieux créole dans une « autobiographie imaginée » du plus célèbre des quimboiseurs antillais du XXème siècle

Le nouvel ouvrage de l’écrivain martiniquais Raphaël Confiant « Grand-Z’Ongle », sous-titré le « maître de l’invisible » paru chez Caraïbéditions, explore les croyances magico-religieuses à travers l’histoire du plus célèbre des quimboiseurs antillais du XXème siècle. Une « autobiographie imaginée » destinée à faire revivre une histoire qui a défrayé la chronique dans les années 50 – 60, mais et surtout le contexte dans lequel elle a pu se développer et prospérer.


Dans son édition du 22 février 1965, France-Antilles, le quotidien local titrait en une : « Rongé par le remords, Gran-Zongle, le plus illustre des quimboiseurs met fin à ses jours ». C’est cette histoire, entre fait divers et phénomène de société
sur fond de croyances et pratiques magico-religieuses, qui a défrayé la chronique dans les années 50 – 60 que l’auteur martiniquais Raphaël Confiant a imaginé son dernier livre sous le titre « Grand-Z’Ongle » paru chez l’éditeur antillais Caraïbéditions.

Présent en toile de fond chez bon nombre de romanciers antillais et chez Raphaël Confiant, le magico –religieux constitue dans cet ouvrage le fil conducteur, la trame principale qui permet à l’auteur martiniquais de se plonger et de nous emmener avec lui dans cette histoire qui se situe dans une Martinique déboussolée par l’effondrement de la société de plantation, vieille de 3 siècles, où la fermeture des distilleries et des usines sucrières provoque une fréquentation plus importante des quimboiseurs, sorciers, séanciers et autres « gadè Zafè » et participe à l’exode massif vers la France par le biais du tristement célèbre Bumidom (Bureau des Migrations outre-mer) pour aller chercher pitance ailleurs.

Avérés ou supposés, on lui prête des pouvoirs surnaturels

C’est dans ce contexte particulier que Flavius Homant, plus connu sous le sobriquet de « Grand-Z’Ongle », le plus célèbre des quimboiseurs, ancien repris de justice ayant déjà fait de la prison pour meurtre, né pauvre du côté du Gros-
Morne, a prospéré depuis son « cabinet » des Terres-Sainville, quartier plébéien de Fort-de-France. Avérés ou supposés, on lui prête des pouvoirs surnaturels et magiques au point qu’il suscite tout autant l’effroi, la crainte que l’admiration à la Martinique et notamment à Foyal, nom affectueux de sa capitale, Fort-de-France.

On dit que « Grand-Z’Ongle » est capable sur commande de déchirer un couple, ruiner un commerce, rendre fou ou faire tomber dans la déchéance celui qui lui a été désigné. Il est aussi capable de tuer à distance. Lui-même affirme avoir à son actif plus de 400 victimes. Vrai ou faux, machine à fantasmes ? En tout cas, petit peuple ou bourgeois, on vient de loin pour le consulter et il règne en maître sur les esprits et sur les hommes fragilisés sûrement par le contexte de l’époque.

Une « littérature ethnographique » pour se coller à la réalité de cette société « fracassée »

A travers cette « autobiographie imaginée », un genre littéraire qu’il affectionne, Raphaël Confiant nous propose un ouvrage au carrefour du roman historique et sociologique en utilisant comme à son habitude les subtilités d’une « littérature ethnographique » pour se coller à la réalité de cette société « fracassée », et « pas au clair avec son histoire et son identité », selon ses termes.

« Nous sommes contraints jusqu’à la date d’aujourd’hui, nous autres écrivains antillais, de ne pas nous contenter de notre seule imagination, mais d’avoir recours à l’ethnologie, à l’histoire, à la sociologie, à la linguistique, à la
traductologie… », plaide- t-il encore dans un récent entretien accordé au site Fondaskreyol.org. En tout cas, « Grand-Z’Ongle » reste un pan de l’histoire martiniquaise et à ce titre mérite que l’on s’y attarde.


E.B.

« Grand-Z’Ongle – Le maître de l’invisible » de Raphaël Confiant
Editeur : Caraïbéditions
432 pages