La dynamique économique des territoires d'outre-mer s'est « enrayée » en 2024, fruit de « chocs » internationaux et locaux, comme les cyclones à La Réunion et Mayotte ou les émeutes en Nouvelle-Calédonie et en Martinique, selon les instituts d’émission d’Outre-mer (IEDOM-IEOM) y représentant.
« On fait le constat que la situation s'est dégradée en général, pas partout », a déclaré mardi Ivan Odonnat, directeur général de l'IEDOM-IEOM, banque centrale des territoires ultramarins, lors d'une conférence de presse annuelle à Paris. Conséquences de la pandémie de Covid, de l'invasion russe de l'Ukraine, de la récente annonce de droits de douane américains, les territoires d'Outre-mer souffrent d'une « vulnérabilité accrue », affirme Ivan Odonnat.
Les annonces de l’administration Trump, qu’Ivan Odonnat décrit de « nouvel isolationnisme américain » ont toutefois une « part négligeable » dans les importations de biens aux États-Unis, représentant à peine 50 millions d’euros sur les 3 000 milliards importés aux États-Unis.

Exception à la règle : les États-Unis sont un « débouché » pour la Polynésie française et Saint-Pierre et Miquelon, qui y exportent leurs produits de pêche, à hauteur de 20% pour le territoire du Pacifique et jusqu’à 55% pour l’archipel nord-américain, selon les chiffres de l’année passée.
Le dirigeant des Instituts se montre plus prudent sur les « impacts indirects » et les « conséquences globales » d’une possible inflation aux États-Unis, entraînant une « croissance en baisse, voire une récession ». Un scenario qui aurait un effet néfaste pour le tourisme, notamment en Polynésie, où le secteur est essentiellement nourri par le marché nord-américain. Ces « chocs » internationaux s’ajoutent aux « chocs de nature interne », note-t-il, tel que le mouvement contre la vie chère en Martinique, les cyclones Chido à Mayotte, Belal et Garance à La Réunion, ou les émeutes en Nouvelle-Calédonie.

« Ces multiples chocs ont nui au climat des affaires en 2024 », écrivent les Instituts, décrivant une « dynamique économique enrayée ». Ainsi, le chiffre d'affaires d'une majorité d'entreprises interrogées par l’IEDOM-IEOM a diminué entre 2023 et 2024 -sauf en Guadeloupe et en Polynésie-, l'emploi baisse dans la plupart des territoires, la consommation des ménages s'essouffle et les incidents de crédit augmentent. « A court terme, les perspectives d'activité sont peu favorables », poursuivent les deux instituts, notant qu'à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie en particulier, « une proportion croissante d'entreprises anticipe une défaillance dans les douze mois à venir ».
La situation économique est particulièrement difficile pour la Nouvelle-Calédonie, où les émeutes de 2024 ont fait 14 morts et plus de deux milliards d'euros de dégâts. Selon les prévisions de l’IEDOM-IEOM, le PIB calédonien pourrait connaître une chute comprise entre -10 et -25%, et le nombre de salariés du privé au 4e trimestre 2024 a connu une baisse estimée à 17,2%.

« C'est comme si l'Hexagone avait un choc de disparition d'emplois de 3,6 millions en un laps de temps de 6 mois. C'est considérable », a estimé Stéphane Foucault, directeur de l’IEDOM-IEOM -sur quelque 21 millions salariés du privé en France hexagonale.
Situation « plus favorable » en Polynésie
À Mayotte, 96% des entreprises ont subi une dégradation partielle ou totale. La moitié de celles-ci estime avoir besoin de six mois à un an pour retrouver le niveau d’activité précédent le passage du cyclone Chido. Cyclones qui, à La Réunion, créent une hausse des prix des produits frais jusqu’au six mois suivant son passage. Ivan Odonnat alerte par ailleurs sur les conséquences économiques liées à la recrudescence et l’augmentation d’intensité des cyclones.

En revanche, la Polynésie française connaît une situation « plus favorable » pour le climat des affaires et « enregistre deux années successives de record de fréquentation touristique », avec, selon Stéphane Foucault, « un effet d'entraînement sur le reste de l'activité économique ». Le nombre de salariés du privé y a par exemple augmenté de 2,3% au dernier trimestre 2024, tout comme le chiffre d’affaires des entreprises ou l’indice du climat des affaires.
Ivan Odonnat évoque un facteur pouvant « alimenter un optimisme que je qualifierais de prudent » : « Ce sont des petites économies. Et donc, des situations qui sont, somme toute, assez facilement réversibles ». Il appelle ainsi à des réformes structurelles, comme concentrer l'effort d'investissement sur la modernisation des ports –« canal essentiel d’approvisionnement », la transition énergétique et l'autonomie alimentaire.

Ivan Odonnat regrette aussi une politique budgétaire n’apportant qu’une réponse conjoncturelle aux crises. « La politique monétaire a pris sa part » estime le dirigeant des Instituts qui appelle à « un effort et une transformation dans la durée » des économies ultramarines. Il appelle aussi à inciter les investissements privés, à réduire les rigidités des marchés, à renforcer les structures de financement et de paiement des entreprises et à améliorer la concurrence pour lutter contre la vie chère.
A ce sujet, les écarts des prix entre Outre-mer et Hexagone sont encore, sans surprises, importants, notamment dans le Pacifique, même si l’accélération des prix a été moins importante en Outre-mer. « Les prix beaucoup plus élevés dès le départ » et les taux de pauvreté dans ces territoires créent « une perception profondément dégradée ».

Outremers360 avec AFP