L'écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé est décédée dans la nuit du 1er au 2 avril à l'hôpital d'Apt (Vaucluse), où elle s'est éteinte dans son sommeil à l'âge de 90 ans. Journaliste et professeure de littérature, Maryse Condé est l'auteure de plus de soixante romans et essais, et pièces de théâtre traitant de l'Afrique, l'esclavage et les multiples identités noire comme "Ségou" (1984) "Moi, Tituba sorcière..." (1986). Elle a reçu de nombreux prix littéraires dont le prix Nobel de littérature alternatif en 2018. Retour sur la vie et la prolifique carrière littéraire de Maryse Condé.
De son vrai nom, Maryse Liliane Apolline Marcelle Boucolon, Maryse Condé naît en 1934 et grandit à Pointe-à-Pitre dans une fratrie de huit enfants. Benjamine, la jeune Maryse Condé se passionne dès l'enfance pour la littérature. En 1953, elle quitte la Guadeloupe afin de poursuivre ses études à Paris, au prestigieux lycée Fénelon, puis à la Sorbonne où elle fera une première année de préparation à l’école normale supérieure avant d’étudier l’anglais et d’obtenir une licence ès lettres modernes. Durant cette période estudiantine, elle est sensibilisée aux problématiques aux thématiques de l’esclavage et de la colonisation en lisant les oeuvres d'Aimé Césaire( “Le cahier d’un retour au pays natal” et “Discours sur le colonialisme”) ou encore Frantz Fanon, un monde jusqu'ici occulté par ses parents.
En 1958, elle fait la rencontre d'un comédien guinéen, Mamadou Condé qui deviendra son époux jusqu'en 1962. Trois ans plus tard, elle s'installe sur le continent africain : d'abord en Côte d'Ivoire où elle enseignera le français, puis en Guinée, ensuite le Ghana jusqu'en 1966 où elle s'exile à Londres comme journaliste pour BBC Afrique, à l'issue du coup d'état militaire.
Après deux années à Londres, Maryse Condé décide de retourner en Afrique, au Sénégal. Elle travaille d’abord comme traductrice avant d’être affectée au lycée Gaston-Berger de Kaolack dans le Sine Saloum. C’est dans cette ville qu’elle fait la rencontre d’un jeune britannique qui devient l’amour d’une vie : Richard Philcox, son deuxième mari et son futur traducteur.
De retour à Paris avec ses 4 enfants, elle enseigne dans plusieurs universités parisiennes notamment Paris VI et elle travaille en parallèle pour la revue Présence Africaine. Elle s’occupe de l’organisation de colloques et de la rédaction d’articles, ce qui lui permet de rencontrer beaucoup de monde d’horizons divers.
En 1984, Maryse Condé sort « Ségou», le roman qui la révèle au grand public et lui amène un succès incontestable. Rédigé en 2 volumes « la Terre en miette » et « les Murailles de terre ». Ces romans historiques retracent la chute du royaume Bambara de Ségou, à travers le destin de trois frères. Traduits en 12 langues et vendus à plus de 300.000 exemplaires à l’époque.
En 1986, elle décide de rentrer en Guadeloupe et s’installe dans la commune de Petit-Bourg. Cette nouvelle vie sera une source d’inspiration pour d’autres romans tels « La Vie Scélérate » et «la traversée de la mangrove. Viendront ensuite « Moi Tituba, sorcière de Salem » qui sera récompensé. Lors de son séjour en Guadeloupe, elle écrira aussi de nombreux ouvrages pour la jeunesse : La courbe du Joliba, Hugo le terrible, Rêves Amers, comme si elle voulait établir un dialogue de proximité avec la jeunesse…
De 1995 à 2005, elle effectue plusieurs séjours aux États Unis en qualité de d’enseignante. Elle a occupé des postes à l’Université de Californie à Berkeley, à l’Université de Virginie et à Harvard avant d’accepter de devenir professeure à l’Université de Columbia à New York City en 1995. Avant de prendre sa retraite de cette institution prestigieuse en 2004, Maryse Condé a été directrice de son Centre des Études Françaises et Francophones de 1997 à 2002.
Elle préside ensuite le Comité pour la mémoire de l'esclavage, créé en janvier 2004, pour l'application de la loi Taubira qui a reconnu en 2001 la traite et l’esclavage comme crimes contre l’humanité. À ce titre, c'est sur sa proposition que le président Jacques Chirac a fixé au 10 mai la Journée de commémoration de l'esclavage, célébrée pour la première fois en 2006.
En 2007, Maryse Condé quitte une nouvelle fois la Guadeloupe pour vivre à Paris avant de s'installer quelques années plus tard à Gordes, en Provence.En 2021, elle publie “L’évangile du nouveau monde”, un roman inspiré de la Bible, qui sera son dernier roman.
De multiples récompenses littéraires
Les œuvres de Maryse CONDÉ compte plus de soixante romans. Dès 1987, Maryse Condé est récompensée pour ses œuvres et reçoit de nombreux prix, honneurs et distinctions. Elle sera récompensée pour plusieurs de ses œuvres dont les principales sont Ségou (1985), Tituba, sorcière de Salem » qui remporte le grand prix de la Femme en 1986,
« La vie scélérate» écrit en 1987, qui remporte le prix de l’Académie Française en 1988 ;
-Prix Puterbaugh pour l’ensemble de son œuvre en 1993;
- « Désirade» qui remporte le prix Carbet de la Caraïbe en1997 ;
- « Le cœur à rire et à pleurer », remporte le prix Marguerite Yourcenar en 1999 ; et « Victoire, des saveurs et des mots »remporte le prix Tropiques, en 2007.
L’université de Columbia fera d’elle un professeur émérite.
Le 20 mars 2013, elle se voit décerner le Prix spécial de la Francophonie 2013 « pour sa contribution au rayonnement de la Francophonie à travers l’ensemble de ses œuvres ».
En 2018, elle avait remporté le prix Nobel alternatif de littérature lors d'une cérémonie à Stockholm. Ce prix littéraire éphémère avait pour ambition de remplacer le prix Nobel de littérature, qui n'avait pas été décerné cette année-là pour cause de scandale sexuel autour de l'Académie suédoise.
En juin 2021, elle obtiendra le prestigieux prix mondial Cino-Del-Duca de l’Institut de France. C’est le prix littéraire le mieux doté du monde après le Nobel de littérature. Le « prix mondial Cinco Del Duca » est destiné à récompenser et à mieux faire connaître les auteurs français ou étrangers dont l’œuvre constitue, sous forme scientifique ou littéraire, un message d’humanisme moderne.
A titre personnel Maryse Condé est aussi honorée à maintes reprises. Elle est successivement élevée au rang de Commandeur de l’ordre des Arts et Lettres en 2001, Commandeur de l’ordre national du mérite en 2007, Grand officier de l’ordre national de la légion d’Honneur en 2014.
L’unique collège à la Désirade, berceau de sa famille, porte son nom depuis décembre 2012. Dans l'Hexagone, le lycée de la Tourelle à Sarcelles est le premier établissement scolaire de l'Hexagone en janvier 2023 à porter le nom de la lauréate du Prix Nobel "Alternatif" de littérature 2018