Comité France Maritime : Ses perspectives et les projets maritimes des Outre-mer

Comité France Maritime : Ses perspectives et les projets maritimes des Outre-mer

Interviewé par la rédaction d’Outremers360, Alexandre Luczkiewicz, Responsable des relations et actions Outre-mer du Cluster Maritime Français, revient sur la réunion du Comité France Maritime Outre-mer, tenue ce mardi soir en visioconférence, et décrit les différents projets liés au maritime dans les Outre-mer. Il fait également le point sur la situation sanitaire et les mesures restrictives, sources d’inquiétudes et de manque de visibilité pour les acteurs de la filière. 

Outremers360 : « Une réunion du Comité France Maritime Outre-mer s’est réunie mardi soir, pouvez-vous nous dire quelques mots ?

Alexandre Luczkiewicz : Effectivement, mardi soir dernier s’est tenue la réunion annuelle du Comité France Maritime volet Outre-mer, déclinaison ultramarine du Comité France Maritime (CFM).

Pour mémoire, le CFM qui a été créé début 2017 est une instance informelle, dont la philosophie est d’être une plateforme opérationnelle. Co-présidé par le Président du Cluster Maritime Français Frédéric Moncany de Saint-Aignan et le Secrétaire Général de la mer Denis Robin, le CFM a pour but de lever les obstacles qui freinent le développement de l’économie maritime.

Il repose sur un principe de co-construction, qui est à la fois interministériel, avec les fédérations professionnelles des différents secteurs privés du maritime et les Collectivités. Ce schéma vise à assurer une meilleure réactivité face aux défis du développement de l’économie bleue, de produire des mesures pour les grandes lois programmatiques ou au Conseil Interministériel de la Mer, d’en assurer la mise en œuvre et enfin de les évaluer.

Compte-tenu des restrictions sanitaires, cette réunion plénière n’a pas pu se tenir en présentiel, et a donc eu lieu en visioconférence mardi en début de soirée, créneau horaire retenu pour permettre aux participants des trois bassins océaniques concernés de pouvoir participer malgré la complexité des décalages horaires. Et tous étaient présents !

Justement, qui participe à ce Comité France Maritime Outre-mer ?

Comme je viens de vous l’indiquer, le CFM est co-présidé par le Président du Cluster Maritime Français Frédéric Moncany de Saint-Aignan et le Secrétaire Général de la mer Denis Robin. Pour sa déclinaison Outre-mer, la nouvelle Directrice Générale à l’Outre-mer Sophie Brocas était à leurs côtés.

Y participent les services de l’État, de l’administration centrale et les services décentralisés dans les territoires ultramarins, les représentants des sept Clusters Maritimes d’Outre-mer (Saint-Pierre et Miquelon, Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), ainsi que les responsables « économie bleue » au sein des Collectivités (dont pour la première fois le Conseil départemental de Mayotte), et les fédérations professionnelles du maritime.

C’est donc l’occasion d’avoir un dialogue transversal entre le secteur public et le secteur privé sur un certains nombres de sujets.

Pouvez-vous nous en dire plus ? quels ont été les points particuliers que vous avez pu évoquer ?

La première partie de cette visioconférence a été consacrée à une synthèse des impacts de la crise COVID19 sur les activités maritimes dans les différents territoires d’Outre-mer, suivi par des précisions sur le fonctionnement du Plan de Relance notamment pour les secteurs concernés (Ports, Pêche, Biodiversité pour les lignes principales de budget, puisque pour les autres secteurs il faut aller chercher des crédits en transversal : industrie, numérique, transport, etc.) et sa déclinaison Outre-mer, l’analyse des mesures des précédents Conseils Interministériels de la Mer (CIMER)  et l’annonce de la tenue du CIMER 2020 le vendredi 22 janvier,  dont les mesures de politique publique maritime seront connues à l’issue.

Cependant, et néanmoins lucides sur la situation très complexe que nous avons traversé l’année dernière, les professionnels du maritime d’Outre-mer ont à nouveau exprimé leur très grande inquiétude face aux restrictions imposées qui paralysent leurs activités : pêche, croisière, nautisme et grande plaisance, par exemple.

Le fait de ne pas avoir de visibilité à moyen terme couplé à des décisions sanitaires forcément évolutives et très impactantes ne permet pas d’envisager une reprise d’activité normale. S’il y a eu beaucoup de touristes de l’hexagone qui ont passé leurs vacances de Noël dans la Caraïbe ou à La Réunion, maintenant qu’une septaine et un dépistage à l’aller et au départ sont imposés, le marché va, hélas, de nouveau s’effondrer.

Certes, les aides de l’État sont là, pour autant elles méritent d’être précisées et expliquées. Pour pouvoir être éligible aux aides mises en place (PGE, FSE, etc.) ou au plan de Relance, en présentant des projets solides, il faut une réelle ingénierie technique qui fait souvent défaut en Outre-mer.

Cela ne va pas non plus vous permettre de vous rendre dans les Outre-mer, à la rencontre de vos homologues…

Malheureusement non, car traditionnellement, cette réunion CFM Outre-mer est l’occasion de faire le point tous ensemble « en présentiel » à Paris sur les sujets notamment évoqués lors des visites « terrain » organisées deux à trois fois par an, lorsque le Cluster Maritime Français et le Secrétariat Général de la mer se déplacent dans les territoires pour aller à la rencontre des acteurs de l’économie bleue ultramarine, non seulement pour se rendre compte des réalités des choses, mais pour écouter, comprendre et mieux se saisir des dossiers cruciaux que nous remportons dans nos valises.

Avec cette crise sanitaire et les deux confinements, dont des mesures de restrictions d’accès aux territoires d’Outre-mer, il ne nous aura pas été permis de réaliser ces visites. Nous avons cependant bon espoir de pouvoir nous rendre en Polynésie puis en Guyane au cours de cette année 2021.

S’il est effectivement difficile de se projeter en ce moment avec une morosité certaine, avez-vous des perspectives à nous présenter ?

Oui bien sûr, il ne faut pas céder au pessimisme ambiant ! Il n’est d’espoir sans optimisme. Les territoires ultramarins, pour la plupart insulaires, sont très résilients. Et notre réunion a été l’occasion de souligner des avancées significatives et de beaux projets :

A Saint-Pierre et Miquelon, avec le projet de quai croisière qui suit son court, il faut ajouter une étude de faisabilité pour la création d’une marina avec des moyens de levage et d’entretiens.

En Guadeloupe, deux projets sont portés dans le cadre du Plan de Relance : un projet pilote de plateformes flottantes touristiques dans le Grand Cul-de-Sac marin et un chantier de maintenance navale, et de démantèlement/déconstruction des épaves et des navires.

En Martinique, le projet d’un ponton de grande plaisance et d’un centre d’expression culturelle martiniquaise dans la baie du Marin.

En Guyane, le projet d’une marina « Stoupan, terre d’Amazonie » sur la commune de Matoury, centre touristique et d’expertises techniques plaisance, avec un hivernage ou abris pour les navires de plaisance antillais lors des périodes cycloniques, avec une déclinaison envisagée au bord du Maroni et de la rivière Kourou.

A Mayotte, le projet de création d’un Cluster Maritime Mahorais, pour accompagner le développement des activités économiques maritimes, projet porté politiquement dans la stratégie du Conseil Départemental, mis en œuvre par la CCI Mayotte, et que soutient le Cluster Maritime Français.

A La Réunion, deux études seront lancées en 2021 : la première sur une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) dans le cadre de la création d’une filière de construction/déconstruction/ maintenance navale (en lien avec le projet de dock flottant du Grand Port Maritime), et la seconde sera une étude d’opportunité et de faisabilité de l’implantation d’un chantier naval pour la construction de navires de pêche dans le cadre du programme de renouvellement de la flotte.

En Nouvelle-Calédonie, le Livre Bleu « pour une économie maritime en Nouvelle Calédonie » élaboré par notre homologue local le Cluster Maritime Nouvelle-Calédonie a été remis au Gouvernement du Pays, au Congrès et aux autorités de l’État. État de référence du maritime calédonien, il établit une feuille de route contenant 6 grands axes pour une stratégie maritime et support à l’évaluation des politiques publiques maritimes, préfiguration de la mise en place d’un Comité Stratégique Maritime.

Enfin, en Polynésie française, trois sujets majeurs ont été retenus : la constitution d’un « pool » juridique d’excellence sur les questions maritimes, qui fait aujourd’hui défaut, le nécessaire renouvellement des moyens de levage/carénage à Papeete, et le renforcement des moyens et actions pour la sécurité en mer. Ceci avec une question urgente à traiter : la visibilité sur l’ouverture des frontières maritimes, avec la volonté d’anticiper la reprise des secteurs croisière et plaisance par l’établissement et la validation de scénarios incluant des critères sanitaires et de gestion des flux.

Le programme est vaste, la volonté est là, nous restons à l’écoute tant des problématiques que des projets à soutenir.