Depuis plus de dix ans, Canada Mod’Emploi, initiative portée par Mariz Lechesne, offre à des jeunes en difficulté, notamment ultramarins, l'opportunité de transformer leur avenir grâce à des expériences de mobilité au Canada. Après dix années passées au Canada et en République Dominicaine, Mariz Lechesne a mis son expertise et son engagement au service de causes associatives en France. Aujourd’hui directrice de l’agence mobilité Canada Mod’Emploi et conseillère municipale à Saint-Ouen, elle continue de défendre une vision solidaire et inclusive, en incarnant des valeurs d’espoir et d’accomplissement.

Combattre les préjugés

La création de Canada Mod’Emploi, en 2012, est guidée par deux influences majeures dans la vie de Mariz Lechesne : l’éducation égalitaire inculquée par sa mère « sans tabou et sans stéréotypes » et la vision de Gro Harlem Brundtland sur le développement durable « qui place l’humain au cœur de notre société ».

L’idée de ce programme de mobilité a germé lors d’une réunion à Bruxelles sur les jeunes avec moins d’opportunités, les (JAMO). Pour Mariz Lechesne, cette étiquette est inacceptable : « On m’a expliqué que cette expression repose sur des critères liés à l’environnement social, au lieu de naissance ou aux conditions de vie. Pourquoi ne pas leur donner des opportunités ? C’est ainsi qu’est né Canada Mod’Emploi. Plutôt que de s’arrêter à des constats, j’ai voulu agir, offrir à ces jeunes les moyens de dépasser les barrières qui leur sont imposées. Ce programme, lancé avec les jeunes ultramarins, vise à transformer leur éloignement en une force, à leur ouvrir des horizons concrets et à leur permettre de se projeter dans une réalité porteuse d’avenir. »

100% de réussite

Le programme Canada Mode d’Emploi s’appuie sur une méthodologie structurée pour accompagner les jeunes vers l’emploi, en leur offrant des clés essentielles à leur réussite. Les participants, organisés en petits groupes d’environ 12 personnes, bénéficient d’un encadrement personnalisé, axé sur l’apprentissage d’un métier et des codes professionnels : rédaction de CV et lettres de motivation, préparation aux entretiens, et respect des règles du milieu professionnel. Initialement lancé en Outre-mer en 2012-2013 pour répondre aux besoins des jeunes ultramarins, le dispositif a rapidement pris de l’ampleur, et s’étend désormais à tout l’Hexagone.

Chaque année, environ 100 jeunes 18 et 26 ans principalement issus des missions locales bénéficient de ce programme : « Les jeunes des missions locales ont souvent moins d’opportunités. Leur situation diffère des jeunes étudiants ou professionnels, qui ont davantage de ressources et de réseaux. »

Tout est organisé par l’équipe de Canada Mod’Emploi, la logistique, transport, logement afin de limiter les difficultés d’adaptation et prévenir les situations de vulnérabilité.

Le taux de réussite est remarquable : « après trois mois, tous trouvent un emploi ou entame une formation. Certains obtiennent même des visas de travail pour le Canada ou poursuivent des études qualifiantes. » affirme Mariz Lechesne.

Le site de la mission locale Espace Sud Martinique regorge de témoignages de ces jeunes pour qui l’expérience de la mobilité a transformé leur vision d’eux-mêmes et bouleversé leur vie. L’histoire de JCC, un jeune Martiniquais, illustre l’impact de ces séjours. Envoyé à Montréal malgré de lourds défis personnels, il a profité de cette immersion pour se découvrir, acquérir des compétences et croire en ses capacités. Aujourd’hui employé en CDI dans un grand hôtel en région parisienne, il témoigne avec émotion de l’importance de ce programme dans sa transformation personnelle et professionnelle.

Yasmine connait également un parcours remarquable passant d'une jeune fille totalement renfermée à son arrivée à Montréal, à une personne transformée. Au bout d’un mois au Canada, elle envoie à Mariz une petite vidéo qui témoigne de son évolution. A Montréal, elle découvre les garderies ouvertes 24 heures sur 24, un modèle qu’elle transpose aux Antilles et qui répond aux besoins des jeunes mamans qui veulent travailler.

La réforme de France Travail soulève des interrogations

Malgré ces succès, le programme fait face à de nouveaux obstacles.

La transition des dossiers des jeunes des missions locales vers le dispositif France Travail soulève des préoccupations. Ces jeunes, souvent en situation de précarité et éloignés de l’emploi, présentent des besoins spécifiques bien différents de ceux des demandeurs d’emploi classiques. Leur suivi exige une attention soutenue et un accompagnement sur mesure, adaptés à leurs parcours souvent complexes.

Par ailleurs, les jeunes ultramarins qui souhaitent partir au Canada sont confrontés à une contrainte biométrique particulièrement pénalisante. Actuellement, aux Antilles les démarches nécessaires à l’obtention d’un visa ne peuvent se faire que dans des centres situés à la Barbade ou Sainte-Lucie. Cette logistique impose des coûts importants, entre les déplacements et les séjours, accentuant les inégalités pour ceux issus de milieux modestes. Ces contraintes freinent leur mobilité et aggravent les disparités.

Une expérience humaine et professionnelle

Au-delà des résultats concrets, Canada Mod’Emploi transforme les perceptions : il aide les participants à surmonter les préjugés liés à leur origine et à découvrir leur potentiel. Ils reviennent plus confiants et deviennent souvent des modèles pour d’autres jeunes.  

En quelques semaines seulement, ces jeunes découvrent de nouvelles méthodes de travail, perfectionnent leur anglais et développent des compétences qui leur ouvrent des perspectives. Cette réussite, fruit d’un encadrement bien pensé et d’un suivi rigoureux, est la plus belle récompense pour tous les acteurs impliqués.

Le prochain départ est programmé pour Mars 2025.

EG