Bougival, vie chère, évolution statutaire de la Guyane : Les dossiers Outre-mer du gouvernement suspendus au 8 septembre

Bougival, vie chère, évolution statutaire de la Guyane : Les dossiers Outre-mer du gouvernement suspendus au 8 septembre

François Bayrou va solliciter le 8 septembre la confiance de l'Assemblée nationale, abattant une périlleuse carte pour faire adopter son plan d'économies budgétaires, mais son gouvernement semble voué à tomber tant les oppositions refusent unanimement de lui accorder un sursis. En Outre-mer, une chute du gouvernement retardera nécessairement les dossiers en cours même si le ministre Manuel Valls insiste sur « la continuité de l’État ». Pour certains dossiers, comme l’accord de Bougival en Nouvelle-Calédonie, c’est davantage une dissolution de l’Assemblée nationale qui est crainte.

« J'ai demandé au président de la République, qui l'a accepté, de convoquer le Parlement en session extraordinaire le lundi 8 septembre » et « j'engagerai ce jour-là la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale », a annoncé lundi le Premier ministre.

A cette occasion, « si vous avez une majorité, le gouvernement est confirmé. Si vous n'avez pas de majorité, le gouvernement tombe », a-t-il explicité après cette annonce surprise qui a provoqué une nette baisse de la Bourse de Paris et risque d'ouvrir une nouvelle période d'instabilité politique et d'incertitudes financières.

Le chef du gouvernement a été immédiatement pris au mot par La France insoumise, qui comptait déposer une motion de censure à la reprise des travaux parlementaires, les communistes et les écologistes, pour qui cette démarche de François Bayrou est « de fait une démission », selon les termes de leur secrétaire nationale Marine Tondelier. Le Rassemblement national « votera évidemment contre », a immédiatement réagi Marine Le Pen, tandis que Jordan Bardella a prédit « la fin du gouvernement Bayrou ».

« Autodissolution »

Les socialistes, sur lesquels compte Matignon pour trouver d'éventuelles voies de compromis, n'entendent pas venir au secours du gouvernement. « Il est inimaginable que les socialistes votent la confiance au Premier ministre », a prévenu leur patron Olivier Faure dans Le Monde, évoquant « une autodissolution » de sa part. Le vote se fera à la majorité absolue des suffrages exprimés.

La France traverse « un moment préoccupant et donc décisif », « un moment d'hésitation et de trouble » qui « impose une clarification », a déclaré François Bayrou, justifiant ainsi cette prise de risques. Les positions exprimées dès lundi par les oppositions semblent vouer le gouvernement à la chute dans deux semaines.

Quel scénario dans ce cas ? Le Premier ministre a renvoyé aux récentes déclarations d'Emmanuel Macron, défavorable sur le principe à une nouvelle dissolution de l'Assemblée, encore réclamée lundi par Marine Le Pen. Un proche du président a vu dans l'initiative de son allié « une manière de mettre chacun devant ses responsabilités ».

Une manière aussi, pour François Bayrou, de tenter de reprendre la main alors que les mesures annoncées le 15 juillet, dont l'année blanche fiscale et la suppression de deux jours fériés, ont suscité une opposition massive dans l'opinion. Mais « ne débattre que des mesures, c'est oublier la nécessité du plan d'ensemble. Or, c'est le plan d'ensemble, sa nécessité et son urgence qui est la vraie question », a expliqué François Bayrou, qui a évoqué un débat « dévoyé » et « déplacé ».

« Y a-t-il ou pas urgence nationale à rééquilibrer nos comptes publics et à échapper, parce que c'est encore possible, à la malédiction du surendettement (...) ? Et cela en choisissant une trajectoire de retour à la maîtrise de la dette en quatre ans d'ici à 2029, en dépensant moins et en produisant plus », a martelé le Premier ministre d'un ton grave et solennel.

« Désordre »

François Bayrou a aussi évoqué les appels à bloquer le pays le 10 septembre, nés sur les réseaux sociaux et les messageries, et désormais soutenus par la gauche. « La France, ce n'est pas ceux qui veulent l'abattre par le désordre, c'est ceux qui veulent la construire par le courage et la générosité », a déclaré le Premier ministre.

Tout à sa volonté de recadrer le débat, le Premier ministre n'a pas abordé le fond des mesures qui composeront son budget, ni esquissé de concessions. Après l'expérience de Michel Barnier, renversé au bout de trois mois, François Bayrou « ne veut pas subir la rentrée », explique un de ses proches. Il s'exprimera mardi à l'événement de rentrée de la CFDT, puis jeudi à celui du Medef. Il doit se rendre vendredi à la Foire de Châlons-en-Champagne (Marne).

Circonspects face au mouvement du 10 septembre -« nébuleux » selon Sophie Binet (CGT)- qui évoque la crise des « gilets jaunes », les syndicats de salariés, opposés au budget Bayrou comme au projet gouvernemental de réformer à nouveau l'assurance-chômage, réfléchissent à leurs moyens d'action, avant une intersyndicale qu'ils ont avancée à ce vendredi. Sans attendre, plusieurs unions départementales et fédérations de la CGT et de Solidaires -SUD Rail et Sud Industrie- ont elles prévu de se mobiliser le 10 septembre.

Le Premier ministre, qui avait été reçu par Emmanuel Macron jeudi à Brégançon (Var), plaide pour une approche en deux temps. D'abord, le vote de confiance à l'Assemblée, puis si son gouvernement passe l'obstacle, la discussion sur le détail des mesures. Il est notamment attendu sur les contours de la « contribution des plus fortunés » évoquée le 15 juillet. Il est « prêt à bouger » sur le sujet, assure un de ses soutiens, alors que des membres du MoDem rappellent leur opposition à la suppression de l'ISF en 2017.

Quid des Outre-mer ?

En Outre-mer, la chute du gouvernement met en suspens plusieurs dossiers entamés par l’actuel ministre Manuel Valls. Le 30 juillet, l’ancien Premier ministre avait présenté son projet de loi contre la vie chère en Outre-mer, qui doit être débattu au Sénat les 29 et 30 septembre. A priori, une chute du gouvernement ne remet pas en cause le projet de loi, mais un retard de son examen à l’Assemblée nationale est à prévoir.

Début juillet, Manuel Valls et François Bayrou avaient réuni un CIOM gouvernemental et annonçaient des CIOM territoriaux à partir de la rentrée de septembre. Ces réunions « démétropolisées » peuvent toujours être menées localement par les préfets et haut-commissaires, sur les mêmes thèmes énoncés par Manuel Valls. Un prochain rendez-vous parisien, entre élus locaux et gouvernement, demeure toutefois suspendu à l’avenir de l’actuel exécutif.

Autre sujet incertain : l’évolution institutionnelle de la Guyane, dont le calendrier avait pourtant bien avancé cet été. En effet, un « programme de travail » devait être remis au chef de l’État dans les prochains jours (fin août – début septembre). Manuel Valls devait ensuite se rendre en Guyane mi-septembre. Toutefois, un projet d’évolution ficelé est prévu pour approbation par le Parlement et les électeurs de Guyane après les municipales, un calendrier plus large donc, qui craint moins une chute du gouvernement qu’une putative dissolution.

C’est aussi le cas pour l’accord de Bougival sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, signé début juillet à Paris. Interrogé par nos partenaires de Caledonia, Manuel Valls insistait sur « la continuité de l’État » et du « calendrier parlementaire » en cas de chute du gouvernement. « Cet accord est soutenu par le président de la République et par le Premier ministre, mais aussi par les présidents de l’Assemblée et du Sénat et une majorité, j’en suis convaincu, de députés et de sénateurs » avait-il insisté. Seul bémol, le calendrier parlementaire, déjà ténu, qui risque encore de se contracter.

En revanche, si le chef de l’État provoque une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale -une possibilité depuis début juillet-, l’avenir de l’accord de Bougival est nettement plus incertain. « Très clairement, cela remettrait en cause le processus », prévenait la cheffe de file des Loyalistes, Sonia Backès, lundi 25 août, à la sortie de la troisième session du comité de rédaction de l’accord de Bougival.

Reste enfin les questions budgétaires, notamment la prochaine mission Outre-mer, suspendue à l’avenir politique de François Bayrou et son gouvernement.

Outremers360 avec AFP