« Quand on regarde notre assiette, à la maison ou au restaurant, à peine 9 % de ce qu’elle contient vient de Guyane. Tout le reste est importé. » Le constat dressé par Olivier Alfred, fondateur de Labelle’Guyane, est aussi simple qu’implacable. C’est de cette réalité que naît son projet : une usine de transformation de patates douces en frites, première du genre sur le territoire, avec l’ambition de contribuer à la souveraineté alimentaire de la Guyane. Pour Outremers360, l’entrepreneur détaille ce projet qui entend relancer la consommation locale et redonner toute sa place aux produits du territoire.
De la patate douce à la souveraineté alimentaire
Tout commence autour d’une idée « aussi simple que gourmande ». « J’ai toujours aimé les frites de patates douces, c’est un goût d’enfance », explique Olivier Alfred. Mais derrière cette gourmandise, il dresse un constat plus amer : « On consomme des patates douces venues d’ailleurs, alors qu’on en cultive ici. » Alors il décide de passer à l’action. « Nous sommes des consom’acteurs. À un moment, il faut remettre les choses dans le bon sens. »
Le projet Labelle’Guyane s’appuie sur une double démarche : valoriser la production locale et créer une filière agroalimentaire capable de transformer la matière première sur place. C’est là qu’intervient un cabinet de maîtrise d’ouvrage, qui accompagne les deux frères Didier et Olivier Alfred, porteurs du projet dans le montage et la structuration.
France 2030, un levier décisif
Sur les conseils de ce cabinet, Labelle’Guyane dépose un dossier auprès du programme France 2030, qui soutient l’innovation et la réindustrialisation des territoires. « Nous avons été lauréats France 2030. Ce soutien a été déterminant. Il nous permet d’accélérer, de professionnaliser notre démarche et de bâtir un modèle durable », explique Olivier Alfred. Grâce à ce financement, le projet entre aujourd’hui dans sa phase concrète : le premier coup de pelle est prévu pour le premier trimestre 2026, avec une mise en service de l’usine à la fin de la même année.

Une filière locale en construction
Labelle’Guyane ne se limite pas à l’usine. Dès les débuts, le fondateur a cherché à fédérer les agriculteurs autour de son projet : « Nous avons pris notre bâton de pèlerin et sommes allés voir les producteurs. Ils nous ont dit : on cultive, mais sans garantie de débouchés. Alors nous leur avons proposé une solution pérenne. »
C’est ainsi qu’est née l’association des producteurs Labelle’Guyane, regroupant déjà une dizaine d’agriculteurs partenaires. « Notre première préoccupation, c’est de sécuriser la matière première. On veut que chacun y trouve sa place », insiste Alfred. Au-delà des frites de patate douce, Labelle’Guyane ambitionne de proposer une gamme complète de légumes tropicaux précuits et surgelés : igname, manioc, dachine, cramanioc, banane plantain.
Distribution : circuits courts et restauration collective
Côté commercialisation, la stratégie est progressive : « Nous allons d’abord travailler avec les cuisines collectives, cantines scolaires, hôpitaux, qui nous ont dit que ce type de produit les aiderait à varier leurs menus. Ensuite, nous irons vers les restaurants, puis vers la grande distribution. »

L’équipe a déjà rencontré plusieurs enseignes locales. Le constat est là encore révélateur : « Les frites de patates douces surgelées vendues ici sont importées. C’est fou ! » s’étonne-t-il. « Nous, on veut simplement remettre du bon sens dans la chaîne. Produire, transformer, consommer ici, en Guyane ». Labelle’Guyane ambitionne de conquérir 25 % du marché des légumes surgelés importés, un segment aujourd’hui entièrement dominé par des produits venus d’ailleurs. Et la demande est déjà bien réelle.
Un modèle pour la Guyane
Avec Labelle’Guyane, Olivier Alfred veut prouver qu’une autre voie est possible : celle d’une industrie locale, responsable et ancrée dans le territoire : « Notre ambition, c’est d’être un maillon d’une filière plus large, celle de la souveraineté alimentaire. Si on peut inspirer d’autres initiatives, tant mieux ». Le pari est audacieux, mais le fondateur reste confiant. « En Guyane, tout est à faire. C’est une chance. À nous de jouer ».
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