Assises de la Construction durable en Outre-mer  : 4 axes de travail et la création d'une instance de coordination dévoilés dans un Livre blanc présenté au salon Batimat à Paris

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Assises de la Construction durable en Outre-mer  : 4 axes de travail et la création d'une instance de coordination dévoilés dans un Livre blanc présenté au salon Batimat à Paris

Après 15 mois de travail intensif ayant réuni 11 territoires ultramarins et plus de 300 professionnels, les Assises de la Construction Durable en Outre-mer, initiées dans le cadre du programme OMBREE, organisées par l’Agence Qualité Construction (AQC), avec le soutien de la SMABTP et de l’USH, ont abouti à la remise officielle d’un Livre Blanc à Micheline Jacques, Sénateur de Saint-Barthélemy et Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, lors d’une conférence au salon Batimat, ce mardi 1er octobre 2024.

 

Initiée en 2023, dans le cadre du programme OMBREE (programme inter Outre-Mer pour des Bâtiments Résilients et Économes en Énergie), par l'Agence Qualité Construction (AQC), les Assises de la Construction Durable en Outre-mer ont été créées en réponse aux préconisations du rapport sénatorial de 2017, qui appelait à la création de référentiels adaptés aux spécificités ultramarines. Pour répondre à l’urgence des enjeux liés aux spécificités ultramarines (climats, vulnérabilités, disponibilité et coût des matériaux, traditions et modes d’habiter) et à la nécessité d’une plus grande sobriété des bâtiments, les professionnels ultramarins de la construction se sont engagés dans une démarche de mutualisation des expertises et de partage des expériences. Chaque territoire ultramarin a participé activement à des concertations, qui se sont conclues en février 2024 lors d’une réunion à Paris où quarante rapporteurs ont présenté des propositions issues des territoires. « Ce Livre Blanc est l’aboutissement de cette dynamique collective, rassemblant plus de 300 contributeurs provenant de 11 territoires ultramarins, tous unis dans leur engagement pour une construction durable adaptée aux spécificités de leurs régions», précise un communiqué.

Ce document est structuré autour de 4 axes de travail et la création d’une organisation inter‑outre‑mer pour structurer les prémices d’une filière ultramarine de la construction durable. Il propose notamment des référentiels spécifiques pour les territoires ultramarins, en lien avec les arbitrages budgétaires du dispositif qui succédera au Programme Local d’Observation et de Mobilisation (Plan Logement Outre-Mer 2019-2022). 

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Ces axes de travail structurent un ensemble d’actions à réaliser à court, moyen et long termes. Premièrement, soutenir l’innovation et en assurer l’évaluation dans une approche régionale.  Cet axe vise à explorer les moyens de laboratoire et la contribution scientifique des Outre-mer dans une logique de collaboration tant nationale qu'internationale. Il met en avant le potentiel des techniques constructives et des matériaux innovants propres aux territoires ultramarins, à l’instar des techniques vernaculaires et des matériaux biosourcés et géosourcés. En s’appuyant sur l’expertise locale, ces solutions offrent une meilleure acceptation par les populations locales, qui y retrouvent leurs usages et leur culture. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs actions sont envisagées comme la promotion de la recherche universitaire sur les matériaux tropicaux et les solutions durables, l’organisation d’une coopération régionale pour partager matériaux, savoirs et savoir-faire avec les pays voisins ainsi que l’étude de l’opérationnalité de la mesure d’exemption du marquage CE, à partir des travaux du CSTB. Cette dernière constitue un levier essentiel pour surmonter les contraintes économiques et écologiques liées à l’importation de matériaux conformes aux normes européennes. Inspirée par la Nouvelle-Calédonie, qui utilise déjà des produits non marqués CE tout en garantissant la qualité des ouvrages, cette démarche étudie la faisabilité produit par produit en fonction de ses performances dans son pays d’origine et de sa pertinence face aux besoins locaux. Ces actions visent non seulement à améliorer les pratiques de construction, mais aussi à sensibiliser les acteurs du secteur à l'importance de l'innovation dans la transition vers des infrastructures plus durables.

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Deuxièmement, formaliser des référentiels pour les Outre‑mer.  Chaque territoire ultramarin possède un savoir-faire local en matière de construction, adapté à son climat et à ses ressources, mais souvent ignoré par les référentiels actuels, conçus pour l’Hexagone. L’un des axes de travail identifiés par les Assises est donc de produire des référentiels spécifiques aux territoires ultramarins, en collaboration avec les instances nationales, et d’ajuster les normes et labels pour correspondre aux usages et à l’architecture locale. Il s'agit notamment de promouvoir un "Réflexe OutreMer", pour que chaque référentiel prenne systématiquement en compte les spécificités climatiques et géographiques des territoires dès qu'ils sont concernés. Cette démarche implique par exemple de recenser, prioriser et adapter les référentiels actuels (réglementations, normes, DTU, ATEC…) aux spécificités des Outre-mer, en prenant en compte des facteurs comme les conditions climatiques et les risques naturels.

Troisième axe, Sensibiliser et partager la connaissance avec les professionnels ultramarins. Les professionnels de la construction en Outre-mer disposent de ressources et de guides spécifiques, mais ces outils restent souvent sous-exploités ou méconnus. Pourtant, la montée en compétences de tous les acteurs locaux est un facteur clé pour la durabilité et la résilience des constructions dans ces territoires. Dans ce contexte, il devient indispensable de valoriser les outils existants, de faciliter l'accès à l'information et de promouvoir un partage de connaissances plus fluide entre pairs. L’une des missions prioritaires identifiées consiste à maintenir et animer des outils de partage inter-outre-mer. Bien que des ressources existent, comme PERGOLA de l’AQC ou les centres de ressources du réseau Bâtiment Durable, leur visibilité reste encore limitée. « Les règlements complexes nous desservent. Beaucoup de territoires ont des voisins puissants avec des normes différentes. En étant autorisé à importer des matériaux des pays voisins, on sera en conformité, à la fois pour avoir des synergies, pour avoir des économies d'échelle et pour avoir des choses plus intelligentes, plus adaptées à notre territoire. » a déclaré l'entrepreneur Stéphane Lambert, Briques de Guyane

Pour y remédier, il apparaît nécessaire de mettre en place une animation continue dédiée au recensement des études, à leur diffusion et à la communication auprès des acteurs locaux. Cette initiative favoriserait la mutualisation des connaissances et des savoir-faire, tout en améliorant les compétences des professionnels de la construction dans l’ensemble des territoires ultramarins. En renforçant cette dynamique de partage d’information, l’action vise à créer un réseau solide et pérenne, où les solutions locales peuvent être mieux valorisées et adaptées aux défis spécifiques de chaque région.

Quatrième axe: Accompagner les acteurs de la filière (acteurs économiques, assureurs, maîtres d’ouvrages, acteurs du bâtiment au sens large). Il a été identifié un besoin d’aider les structures accompagnant les entreprises et maîtres d’ouvrage sur tous les territoires, en leur fournissant des outils sur mesure et à jour. Il est primordial que les maîtres d’ouvrage puissent intégrer des exigences adaptées au contexte ultramarin dans leurs cahiers des charges. Ces référentiels sont souvent essentiellement connus des acteurs du territoire d’origine du référentiel. Les MAO ne sont pas toujours informés de ces référentiels en raison d’un manque de communication et parfois de formation. « En France, la première recommandation professionnelle sur la brique de terre crue est l’aboutissement d’une expérimentation qui s’est étalée sur plus de quarante ans. Il était nécessaire de, d’abord, comprendre les cultures et intelligences constructives pour ensuite aboutir à l’élaboration d’un référentiel. Un travail pluridisciplinaire préalable est utile à la filière pour définir un produit, une solution, une réglementation. » complète Melvyn Gorra, Mayotte

Afin de mettre en œuvre toutes ces actions collaboratives, la mise en place d’une organisation pouvant répondre aux besoins nationaux et territoriaux en s’alimentant des expériences et expertises locales est essentielle. Cette instance inter-outre-mer aura notamment pour objectif de coordonner le financement des actions définies dans le Livre Blanc. Elle s’appuiera sur des cellules locales pour rassembler les expertises locales et les parties prenantes de l’acte de construire par territoire. «Avec la remise de ce Livre Blanc, la feuille de route est désormais établie. Dès obtention de financements, la mise œuvre des premières actions ainsi que le montage de l’instance Inter-outre-mer se feront sous la gouvernance du Programme OMBREE, jusqu’à ce que cette instance soit déployée et autonome. Dans leur diversité, les territoires ultramarins joueront ainsi davantage leur rôle naturel de territoires pionniers, voire préfigurateurs des référentiels de construction hexagonaux futurs et adaptés face aux multiples défis qu’impose le changement climatique», souligne le communiqué. 


Pour consulter et télécharger le Livre Blanc : https://www.pergola-outremer.fr/ressource/livre-blanc-de-la-construction-durable-en-outre-mer/