À Paris, la maire de Saint-Laurent du Maroni Sophie Charles s’exprime sur les enjeux de l’actualité politique des EPL

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À Paris, la maire de Saint-Laurent du Maroni Sophie Charles s’exprime sur les enjeux de l’actualité politique des EPL

La maire de Saint-Laurent du Maroni en Guyane et présidente de la SENOG (Société d'Économie Mixte du Nord-Ouest Guyanais), Sophie Charles, s’est exprimée lors de la rencontre nationale des Entreprises publiques locales (EPL). Elle est notamment intervenue sur les enjeux de l’actualité politique des EPL qui portent sur le projet de loi 4D, la mise en œuvre des recommandations du Livre blanc sur l’économie mixte locale ou encore, la problématique des conflits d’intérêts pour les élus administrateurs... Son discours ci-dessous.

Tout d’abord, en préambule je tiens à préciser que mon propos est avant tout celui d’un Maire, Présidente d’une Communauté de Communes puis d’une Présidente d’une SEM d’aménagement. Cet ordre n’est pas anodin car les ambitions et les préoccupations du Maire dépassent souvent celles de la Présidente de SEM. Mon intervention exprimera quelques regrets et surtout des attentes pour encore plus de souplesse. Enfin dernière précaution oratoire, ma position d’élue ultra marine m’amène à avoir un regard particulier sur le projet de Loi 4D, qui pourra sembler un peu en décalage avec d’autres interventions.

A première vue, la rencontre d’un texte de loi dont l'objectif principal est la poursuite de l’efficacité, avec l’agilité des Établissements publics locaux constitue un assemblage performant de nature à améliorer la l’efficacité de l’action publique.

En ce qui concerne les dispositions spécifiques aux EPL du projet de Loi 4D, les mesures en faveur du contrôle et de la transparence, contribuent à plus de sécurité pour les élus dirigeants des EPL et renforce la confiance des administrés. Cependant, pour l’Ouest de la Guyane et Saint-Laurent du Maroni en particulier, la portée opérationnelle de cette loi risque fort d’être contrastée et dans le domaine de l’urbanisme assez réduite.

En effet, en raison de son exceptionnelle croissance démographique (+ de 3 à00 naissances par an et 1400 nouveaux inscrits à l’école à chaque rentrée scolaire) endogène et exogène (frontière fluviale peu contrôlée), Saint-Laurent du Maroni, se caractérise par la nécessité de « produire de la ville » à un rythme accéléré alors que le foncier appartient toujours à l’Etat.

Ainsi, alors que 50% des logements produits à Saint-Laurent du Maroni relèvent de la catégorie (qui regroupe des situations très différentes) des logements spontanés, que le chômage dépasse dans certains quartiers les 50%, la réponse prioritaire et quasi exclusive réside dans la production de logements collectifs locatifs sociaux et la production juxtaposée de « quartiers cités ».

Face à l’impossible compétition entre logement programmé et le logement spontané, cette réponse principalement quantitative, loin de produire de la ville, participe à son délitement et entretient un système pernicieux de patrimonialisation du logement social et de sous location.

Dans ce contexte, à la lumière de diagnostics avérés, pourquoi le projet de Loi 4D, risque fort de ne pas produire la totalité des effets attendus ? 

  • Les « piliers » standards de la ville durable ne sont pas négociables : densité, limitation de l’étalement urbain, mixité résidentielle, alors qu’il n’existe pas d’immeubles collectifs adaptés à l’Amazonie. La loi 4D propose des possibilités de renforcer les pouvoirs du préfet pour déroger aux règlements d’urbanisme dans cette direction. (Accroissement des hauteurs maximales, réduction de l’obligation du nombre de places de stationnement au profit de la densité).
  • Le « collectif locatif social » ou très social archétype du logement 4D produit des externalités négatives importantes particulièrement difficiles à compenser par les collectivités dont l’équilibre budgétaire est fragile (poids des charges de fonctionnement).

Pour la Guyane le pouvoir des Maires à maîtriser l’aménagement de leur territoire se trouve diminué par une disposition spéciale de l’article 83 du projet de loi qui limite sérieusement les possibilités pour les Maires de s’opposer aux transferts du foncier de l’État vers l’établissement public foncier de la Guyane, dans le cadre de la mise en œuvre de l’OIN (§ 3° bis de l’article 5142-1).

Ces quelques illustrations montrent que pour le territoire de Saint-Laurent du Maroni, la Loi 4D ne facilitera pas la définition ni l’expérimentation d’une « ville équatoriale durable » adaptée, au climat, aux populations et aux profondes mutations auxquelles nous devons nous préparer. A bien des égards, la Loi 4D, ne permet pas la rupture, elle s’inscrit dans la continuité des textes précédents qu’elle entend renforcer.

Pour la SEM d’aménagement dont j’assure la Présidence, la Loi 4D si elle peut permettre de faciliter l’équilibre financier de quelques opérations considérées isolément (en raison des dérogations possibles sur les hauteurs ou les stationnements) elle va également assurer la reproduction de blocages déjà rencontrés liés aux occupations illégales et aux mirages du foncier péri urbain. Des opérations possibles sur le papier mais irréalisables sur le terrain.

De même, les dysfonctionnements liés au malaise des cités risquent fort de pénaliser lourdement les bailleurs sociaux appelés à gérer dans le temps un parc inadapté.

Pour Saint-Laurent du Maroni, la différenciation aurait dû permettre aux élus locaux d’innover et d’expérimenter et par exemple de revoir les principes de densité de mixité résidentielle pour un meilleur respect des modes de vie et des aspirations de ma population.

Pour autant, l’esprit de la Loi 4D permet d’espérer : 

  • L’affirmation du local comme l’échelle territoriale pertinente pour la conception de l’action publique.
  • La reconnaissance de la nécessité d’une approche contractuelle large avec les Contrat Régionaux de Transition écologique
  • L’ouverture vers l’innovation avec la confirmation d’outils tels que le bail réel solidaire et les Établissements Fonciers solidaires.

Sont autant de signaux positifs encourageants pour une action publique renouvelée et de nouvelles opérations pour les EPL.

Pour Saint-Laurent du Maroni, nos attentes portent notamment sur : 

  • La diversification de l’offre de logement et notamment l’accroissement de la part de logements intermédiaires en accession à la propriété.
  • La réhabilitation des secteurs d’habitats spontanés
  • L’accès à des parcelles sociale et très sociale destinées à l’auto-construction

Les EPL peuvent judicieusement concrétiser ces orientations, pour peu que le préfet soit davantage un Co-animateur du projet de territoire, qu’une courroie de transmission du national vers local et qu’il soit possible pour les Maires de conduire les projets d’aménagement urbains qu’ils défendent même s’ils sont à première vue en contradiction avec les principes de développement habituellement admis.