« 1940 - 1943 Résistances & Dissidences aux Antilles et en Guyane » de Sylvie Meslien, Eliane Sempaire et Sylvain Demange : Un livre témoignage sur un pan méconnu de l’histoire de la seconde guerre mondiale

« 1940 - 1943 Résistances & Dissidences aux Antilles et en Guyane » de Sylvie Meslien, Eliane Sempaire et Sylvain Demange : Un livre témoignage sur un pan méconnu de l’histoire de la seconde guerre mondiale

Récit de ces combattants civils et militaires en lutte contre l’oppression nazie et pour la liberté, « 1940-1943 Résistances & Dissidences aux Antilles et en Guyane » des auteurs Sylvie Meslien, Eliane Sempaire et Sylvain Demange, est à la fois un livre historique et un livre témoignage sur un pan méconnu de l’histoire de la seconde guerre mondiale. Au moment où l’on s’apprête à commémorer le 80ème anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, cet ouvrage arrive à point nommé pour rappeler l’importante contribution des dissidents et des résistants Antillo-Guyanais, combattants de la liberté, dans la libération de la France.

Entre 4 000 et 5 000 femmes et hommes ont décidé de quitter la Guadeloupe et la Martinique pour rallier les îles anglaises de la Dominique ou de Sainte-Lucie de 1940 à 1943 et rejoindre les Forces Françaises Libres. En Guyane, ce sont quelques centaines de personnes qui ont franchi le pas. Un flux moindre qui s’explique par la difficulté du périple du fait de la non proximité britannique. On estime en tout cas que 1% de la population de ces territoires a tenté de rallier la France libre combattante.

Si les raisons de ces départs peuvent s’expliquer par le patriotisme, l’attachement aux valeurs républicains, la pénurie ou tout simplement la misère, elles trouvent également leur source dans la tradition de marronnage hérité de la période esclavagiste et de la crainte du rétablissement de l’esclavage. Car, dès 1940, les peuples de ces différents territoires avaient choisi de résister en décidant de se soulever contre les choix vichystes et les politiques répressives et antidémocratiques des administrateurs zélés du régime vichyste incarnés par l’amiral Georges Robert, Constant Sorin, Yves Nicol, Robert Chot ou René Veber.

Les grands oubliés du conflit

En dépit de ces actes de bravoure, de résistance et de dissidence, en 1945, à la libération, les résistants antillais et guyanais furent parmi les grands oubliés du conflit que ce soit par les historiens ou par l’Etat.  Ils furent même évincés du Conseil national de la Résistance (CNR), l’Etat craignant les éléments dits subversifs les soupçonnant de velléités indépendantistes. Ainsi, il faudra attendre près de 60 ans, en 2011, pour qu’un monument en mémoire de ces dissidents voit le jour et que des combattants Antillo-Guyanais soient admis aux commémorations annuelles du Mont Valérien. Il a fallu d’abord que certains auteurs à l’instar de l’écrivain martiniquais Raphaël Confiant dans « Le nègre et l’Amiral » sorti en 1988 et quelques cinéastes, dont la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy dans son documentaire « Parcours de Dissident » sortent de l’ombre ces résistants pour que l’Etat reconnaisse leur contribution dans la libération de la France.

Des parcours héroïques inspirants

L’ouvrage des historiennes et autrices Sylvie Meslien et Eliane Sempaire, respectivement martiniquaise et guadeloupéenne avec le concours du photographe Sylvain Demange paru aux éditions Orphie vient aujourd’hui rappeler ce rôle de ces Dissidents et résistants à travers les mémoires de guerre, mais aussi les mémoires de vie de Jeanne, Robert-Paul, Octave et les autres.

Des histoires emblématiques comme celle de Jeanne Catayée, cette jeune enseignante de Sinnamary en Guyane qui n’a pas hésité à s’embarquer pour le Maroc pour intégrer une unité de communication et s’occuper des opérations de téléphonie. Ou encore celle du Martiniquais Robert-Paul Milard qui, à 18 ans, rejoint l’armée française et participe à la bataille de Royan. Et que dire du Guadeloupéen Octave Perrette qui, affecté au 49ème régiment d’Infanterie alpine, se trouve en première ligne en Alsace, au camp de Bitche et est fait prisonnier dès 1940. S’évadant grâce à un réseau de résistance, il parvient à rejoindre le Maroc. De retour aux Antilles, il décide de repartir en dissidence en passant par la Dominique, puis les Etats-Unis où il est affecté d’abord au 1er Bataillon Antillais dans la 5ème armée américaine pour rejoindre ensuite la 1ère Division Française Libre pour combattre en Italie et dans le midi de la France.

 « 1940 – 1943 Résistances & Dissidences aux Antilles et en Guyane » est à la fois un livre historique, un livre témoignage, dont les récits des dissidents ont été contextualisés par deux historiennes antillaises, spécialistes de ces territoires et de la période, mais aussi un beau livre richement illustré de portraits de dissidents avec des clichés réalisés par un photographe de renom.

En cette période de commémoration du 80ème anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, voilà un ouvrage qui tombe à point nommé pour réhabiliter et mettre en lumière ces oubliés de l’histoire que sont les dissidents et les résistants Antillo-Guyanais. Car « on a beau tenté de la gommer ou de la brûler, l’histoire de l’humanité refuse qu’on la réduise en cendres ».

E.B.

« 1940 – 1943 Résistances & Dissidences aux Antilles et en Guyane »

Sylvie Meslien, Eliane Sempaire et Sylvain Demange

Orphie Editions

288 pages