Trois soeurs indiennes de Taíno posent pendant un rôti de cochon de famille dans l’est de Cuba, où il y a un mouvement petit mais croissant pour explorer la culture indigène que Colomb a rencontrée en 1492 © Maggie Stebber
A travers le projet « Caribbean Indigenous Legacies: Celebrating the Taino Culture », des chercheurs de l’institution américaine The Smithsonian explore l’héritage des peuples autochtones des Grandes Antilles ainsi que le rôle et les savoirs de ces peuples dans l’histoire, la spiritualité et la culture des sociétés caribéennes actuelles.
Aucune exposition n’a réellement abordé le sujet des peuples autochtones dans les Caraïbes après 1492. Avec le projet « Caribbean Indigenous Legacies: Celebrating the Taino Culture » (CILP-Patrimoine des populations autochtones des Caraïbes: promouvoir la culture Taïno), des chercheurs du Smithsonian Latino Center et du Smithsonian’s National Museum of the American Indian s’engagent à faire découvrir l’histoire et le patrimoine des Taïnos à la lumière des savoirs actuels. « Partout dans les Caraïbes, en Jamaïque, à Cuba, Puerto Rico et Haïti, les influences autochtones se ressentent : remèdes naturels, traditions spirituelles ou religieuses, souvenirs liés aux paysages, mode d’agriculture traditionnel, techniques de bâtissage, artisanats tels que la vannerie et les filets de pêche, et mots d’origine taïno », remarque Ranald Woodaman, le directeur des programmes publics et expositions au centre hispano-américain du Smithsonian.
Une histoire de survie
L’histoire populaire raconte que juste après l’arrivée de Christophe Colomb dans les Caraïbes en 1492, le peuple des Taïnos, de langue arawakienne, aurait été décimé par l’esclavage, les épidémies venues d’Europe, la famine et la guerre. À Cuba, en Jamaïque, à Haïti, en République dominicaine, à Puerto Rico et dans l’archipel des Petites Antilles, 90 % des autochtones seraient morts en l’espace d’un demi-siècle. Mais pour les spécialistes, « l’histoire des Taïnos ne s’arrête à cette date ». Les travaux ethnographiques, les ateliers, et les recherches menées par le Smithsonian et son partenaire aux Caraïbes sur les collections ont mis en évidence la préservation de la culture des Taïnos chez les immigrants européens et africains. On découvre à travers ce projet la façon dont le savoir ancestral des Taïnos s’est perpétué et le regain d’intérêt actuel pour les cultures autochtones.
« Sensibiliser les futurs chercheurs à ce domaine d’étude »
Né en 2010, le CILP cherche à créer un espace de recherche autochtone post-1492 sous le prisme d’une histoire des Caraïbes aux multiples facettes. Ce projet « « explore la science de la survie et propose de se pencher sur ces cas de résistance et sur la façon dont les peuples autochtones et leur culture survivent envers et contre tout, même ceux qui ont officiellement disparu. Ce projet est une mine d’informations sur la diaspora et le patrimoine autochtone des Caraïbes.», affirme Christina Gonzalez, doctorante à l’Université du Texas à Austin qui a mené des recherches avec le CILP.
Cette année, le Smithsonian et son réseau de musée ont mis en place un site web permettant de comprendre l’ascendance autochtone, notamment l’ADN, ou encore fournir des ressources d’ordre général pour quiconque cherche à approfondir son savoir sur la culture Taïno. « Nous proposons une base de données complète sur les us et coutumes autochtones qui devrait être utile aux chercheurs ainsi que des outils de recherche généalogique destinés au public, mais on espère aussi sensibiliser les futurs chercheurs à ce domaine d’étude spécifique qui n’en est qu’à ses balbutiements », confie Christina Gonzalez.
Ce site sera accompagné de plusieurs expositions sur cette thématique. Une première exposition au National Museum of the American Indian de Washington est prévue au cours de cette année dans le cadre de ce projet. L’exposition présentera les collections archéologiques du Smithsonian et les trouvailles du CILP. Une seconde exposition, actuellement en cours de préparation se tiendra à New-York aura pour nom « Taïno: le patrimoine autochtone et l’identité dans les Caraïbes».
Focus sur le Musée Edgar Clerc en Guadeloupe
Musée créé en 1984, l’édifice rassemble une exposition permanente d’archéologie, exposition temporaire d’art, auditorium et bibliothèque.
Lieu de connaissance et d’échanges, le musée départemental Edgar Clerc est consacré à l’archéologie précolombienne. Dans une première partie, l’exposition permet au public de redécouvrir les travaux d’Edgar Clerc sur les sites de Grande-Terre tels que Morel, et les découvertes exceptionnelles qu’il y a mises au jour. L’exposition montre comment ses travaux pionniers ont permis de redéfinir la chronologie amérindienne en Guadeloupe et d’aborder certains aspects de la vie quotidienne des Amérindiens durant les premières périodes précolombiennes (200 av. J.C. – 800 ap. J.C.), en particulier la poterie, les parures et les trois-pointes.
Dans une deuxième partie, l’exposition présente pour la première fois au public les recherches de l’université de Leiden sur des sites majeurs de Grande-Terre, comme celui d’Anse-à-la-Gourde. Plus tardifs (600 à 1500 ap. J.C.), ces sites complètent notre vision chronologique par rapport à Edgar Clerc et ont surtout apporté des données totalement novatrices sur l’habitat ou les coutumes funéraires amérindiennes. Un parcours pédagogique sur les plantes amérindiennes a été aménagé dans le parc du musée.
Le musée porte le nom d’Edgar Clerc, né en 1915 en Martinique, connu pour ses nombreuses fouilles archéologiques en Grande-Terre et surtout au Moule. Décédé en 1982, il faut aussi le fondateur de la Société d’Histoire de la Guadeloupe. Soucieux de restituer à la collectivité le fruit de ses recherches, Il avait fait don de sa collection au Conseil Général de Guadeloupe.