© Migail Montlouis-Félicité

Les cérémonies relatives aux obsèques de Jean-Michel Martial, l’acteur guadeloupéen et ex-président du Créfom, trop tôt disparu, se sont déroulées en trois étapes dans la journée du mercredi 23 octobre, en présence de nombreuses personnalités, dont l’ancien président de la République, François Hollande et de nombreux membres de la communauté ultramarine. Plutôt qu’un énième reportage souvent redondant, nous avons choisi de lui rendre un dernier hommage en convoquant souvenirs, témoignages, anecdotes et bons mots de son amie, notre collaboratrice Migail Montlouis – Félicité. -Hommage –

Il me faut te dire Jean-Michel
Comme un dernier rendez-vous
Après une bonne pratique bouddhique
Te raconter la journée du 23 octobre
Comme je l’avais fait en rentrant de mon séjour à Avignon
Une des fois où je t’ai visité chez toi,
Cette maison remplie d’une belle énergie
Malgré la souffrance
Cependant d’une élégante stature
Tu te tenais debout
La main appuyée sur mon épaule
Et j’étais le temps d’un après-midi
Un humain tuteur pour aller marcher dans ton quartier
Et aller boire un verre à la terrasse d’un café montmartrois
Un lundi au Solèy .
Montmartre et son Coeur Sacré n’étaient pas si loin.
Et nous avions ri un brin
D’un bonhomme taciturne
Assis à nos côtés avec son chien trop joueur
Un de ces colosses que l’on n’aimerait pas rencontrer
Sans les avoir bien apprivoisés.
Nous avons bu chacun une boisson bien fraîche.
Il faisait si bon cet après-midi là.
Et quel bonheur de te voir sourire
À chaque rayon de l’astre du jour qui effleurait
Ton beau visage à la barbe blanchie.
Et puis, nous nous sommes tus un moment,
Assis là comme de vieux et bons amis à regarder passer les gens, quelques anecdotes sur les lignes de bus.
Je pense que nous nous photographions quelques souvenirs.
À garder et chérir au fond du coeur.
Puis ensemble nous sommes repartis…
Je t’avais promis un colombo de poulet,
Nous avons acheté quelques légumes frais.
Rentrés chez toi
Où Josiane ta sœur nous attendait,
Tu es allé te reposer,

Pendant que je m’affairais à la cuisine.
La cuisine entre ta chambre et le salon,
Et j’avais en perspective ta sœur si sage lisant un magazine
Et j’entendais par intermittence ton souffle endormi.
J’étais heureuse d’être là…
Puis ton ami Sharti, celui-même qui a dirigé au côté de Yasmina Ho You Fat,
Ta cérémonie bouddhiste au Père Lachaise.
Nous avons pratiqué ensemble,
Toi assis derrière moi, ta voix et ton essoufflement
rythmaient mon esprit pendant cette heure
Où nous rendions grâce.
C’est celle-là que j’entends depuis chaque moment
De recueillement face à mon Gohozon.
Nam Myo Renge Kyo Jean-Michel
Tu es le nouveau Bouddha de paix au royaume céleste.
Je n’oublierai pas de te dire combien ils étaient
Face à l’hôtel de l’église des artistes
Très très nombreux
Une audience comme tu les aimes
Toutes les communautés ont siégé
Pour honorer ta mémoire
Grands et moins grands de la société
Ont applaudi silencieusement avec le coeur même meurtri
Sous un Requiem sacré
Ton entrée au chœur de l’Eglise Saint-Roch.
Non, tout s’est bien passé et comme au théâtre
Ils ont fait silence pour écouter chaque mot dit
D’abord par ton ami et scénariste Alexis Michalik qui nous a rappelé l’homme pressé que tu étais quelquefois. Le premier rendez-vous avec les acteurs de sa pièce pour une première lecture : « Arrivé en retard, il devait repartir rapidement. Cependant tous avaient été sous son charme. En fait il était venu pour ne pas lire ». Et l’assemblée a ri de cette anecdote.
Tu étais sans aucun doute la bonne personne pour le rôle de Monsieur Honoré pour son
magnifique EDMOND, le film qui raconte la création de Cyrano de Bergerac.
Il était heureux de t’avoir choisi pour être son Honoré.
Et ensuite c’est ton petit frère Jacques qui a lu le psaume parlant d’amour.
Cà te ressemblait tant.
Le prêtre ensuite a fait une superbe homélie
Belle performance, il nous a fait même rire.
Et c’était déjà la fin d’une belle messe.
Après un Avé Maria émouvant par Fabrice di Falco
Une haie d’honneur pour te voir quitter
L’espace sacré de la rue Saint-Honoré.
Il me faut te faire sourire, il y avait un peu le Tout-Paris,
Comédiens, Amis, Politiques dont un ancien Président, monsieur Hollande était venu te rendre hommage. Je t’avoue que cela m’a touché. Il connaît bien le cinéma. Ah ! tu me permets ce clin d’œil taquin.
Ah j’oubliais tu es sorti de l’église sous un torrent d ́applaudissements.
Il y eut même des rappels comme une envie de te retenir encore.
Moi je pense que tu t’étais déjà échappé de ce carcan fusse-t’il d’un très beau bois.
À nous regarder échanger amicalement sur les marches de l’église des arts.

Plus tard, en début d’après-midi,
Nombreux encore, à nous rendre à l’Acropole du Crématorium du Père Lachaise.
Et débuta alors ta cérémonie Bouddhiste. Wouahhh wouah.
Un moment de recueillement au rythme d’un Nam Myo Renge Kyo sorti de la terre des
bodhisattva et qui remonte jusqu’au ciel et là je t’ai imaginé libéré.
Il y eut le témoignage de tes sœurs Josette et Josiane, ton neveu Samuel et ton frère Jacques.
Tu as rempli ta belle Mission Grand Frère Jean-Mi.
Encore rassembler, réunir dans une seule voix, une voie celle de verbe incarné pour la paix, la
sérénité, la vérité et le théâtre.
Le monde te gardera toujours vivant puisque les comédiens ne meurent jamais en quelque sorte.
Et les mots du monsieur de ton quartier du 18ème m’ont particulièrement touchée.
Celui avec qui tu pratiquais certains matins, et qui ne connaissant de toi que ton statut bouddha.
En découvrant ton métier et tes responsabilités de Président du CREFOM, il mettait le doigt sur
ta personnalité, ton humilité.
Et là, nous avons tous reconnu chacun notre Jean-Michel..,
Et il était venu le temps de te dire adieu, lorsque ton dernier habitacle de bois vernis,
Soulevé par les 4 hommes du service funéraire a été posé en haut des marches de l’acropole
Où les faits et gestes m’ont plongée presque dans une scène de film.
J’ai alors eu la nette sensation qu’on te laissait au sommet de la montagne
Et que tu prenais le chemin du nouveau départ.
Terrible et paradoxalement une belle image de fin de vie.
Ton cercueil s’est enfoncé doucement au mitan du chœur de la bâtisse
Pour pénétrer on le sait dans un feu purificateur,
Et disparaître comme une fin de générique.
La musique et les applaudissements contribuant
À une nouvelle vive émotion.
On avait presque tout dit de toi…
Mais le clap d’ultime fin n’était que momentanée.
Un temps de répit comme sur un tournage de film
Et nous revoilà réunis encore
Pour ta soirée d’hommage
À la Région d’Ile- de- France.
Soirée culturelle orchestrée par tes anciens collaborateurs du CREFOM
Avec l’aval de ta famille.
Et pour que tu ne t’impatientes pas,
Tu aimais si peu que l’on s’attarde trop sur toi.
Je vais te la résumer
Des extraits de pièces La Loi de Tibi en amont
Et de nombreux témoignages des gens de scène.
À nouveau un super public.
Ah je sais tu as encore des rendez-vous monsieur Martial.
Bon, je te laisse aller…
Bèl bô pou ta famille et les tiens qui t’attendent au-delà de notre monde parallèle.
Tu vas pouvoir enfin te promener tranquille
Sans être interrompu.
Ta nouvelle place doit être belle dans cet univers que tu as tellement essayé de
Comprendre et tu la mérites cette nouvelle vie au firmament.
Tu ne me manqueras pas parce que je te garde éternellement vivant
Dans chacune de mes décisions avec sagesse, pertinence, patience et intégrité.
Bèl bô pouw chayé koté zétwal vou et si tu rencontres la mienne
Dis lui de me garder une jolie place pas loin de Marianne et de toi.

An chaye lanmou
Vive et que vive notre théâtre des Caraïbes.
Tu es rentré dans mon panthéon du souvenir
Au même titre qu’un Aimé Césaire, qu’une Toni Morrison, Maya Angelou, Myriam Makéba,
Nelson Mandela et Guy Tirolien… Et bien d’autres encore.
Jean-Michel Martial – 23 Octobre 2019
Date qui devrait être désormais une journée culturelle nationale.
Date à graver dans la pierre comme les étoiles à Hollywood.
Bon voyage Monsieur Jean-Michel.
Martial est ton Nom.

Migail Montlouis-Félicité